« Biodiversité : les investisseurs ont des leviers d’action à la hauteur de leurs responsabilités »

Publié le 25 avril 2023 à 12h15

Emmanuelle Mourey    Temps de lecture 4 minutes

Au même titre que la COP 21 pour le climat en 2015, la COP 15 pour la biodiversité (CDB*) de décembre 2022 a permis la création, inédite, d’un référentiel international sanctuarisant l’action collective pour la préservation du vivant. A leur échelle, les investisseurs ont désormais la possibilité d’agir en ligne avec les cibles fixées dans ce nouveau cadre mondial de « Kunming-Montréal ».

L’accord Kunming-Montréal, fruit de la COP 15 sur la biodiversité de décembre dernier, a scellé l’engagement de 196 Etats à protéger au moins 30 % des terres et des mers de la planète d’ici 2030 et à restaurer au moins 30 % des espaces dont la biodiversité est déjà dégradée. 

Spécifiant que des lois devront être passées à l’échelle de chaque pays signataire, il se décline en objectifs globaux à horizon 2050 et en cibles pratiques à horizon 2030, dont certaines visent directement les acteurs économiques. C’est le cas de la cible 15 sur la transparence des entreprises financières et des grandes entreprises multinationales.

Mesure de l’impact, sélectivité des titres et politique actionnariale

Les acteurs du secteur financier doivent aider à relever cet immense défi collectif de protection et restauration. En France, l’article 29 de la loi énergie-climat constituait déjà un cadre précurseur. Il a permis de sensibiliser les sociétés de gestion d’actifs et investisseurs institutionnels français à l’enjeu de la biodiversité en instaurant des obligations de transparence sur leur stratégie et leur contribution à la réduction des pressions négatives sur le vivant.

Précisément, que peuvent faire les sociétés de gestion ? D’une part, il faut identifier les données utiles permettant une mesure crédible de l’impact des investissements sur la biodiversité. Pas simple, quand on regarde la multiplicité des paramètres à prendre en compte : diversité génétique, diversité des espèces ou encore diversité des écosystèmes. Et il faut ensuite associer la déperdition locale de diversité aux activités d’une entreprise, dont les chaînes d’approvisionnement sont complexes.

Heureusement, plusieurs approches voient le jour sur le marché, dont beaucoup sont axées sur des modélisations à l’instar du Global Biodiversity Score. Cet indicateur, qui repose sur la base de données BIA-GBS (Biodiversity Impact Analytics - Global Biodiversity Score) proposée par CDC Biodiversité et Carbon4 Finance, permet d’évaluer la déperdition de biodiversité causée par les activités d’une entreprise.

D’autre part, les sociétés de gestion peuvent adopter une stratégie d’investissement sélective, en faveur d’entreprises dont les produits et services contribuent à atténuer la perte de diversité. Par exemple, en matière de dépollution des eaux usées, il existe des solutions promouvant la circularité, des pratiques agricoles soutenables (agroécologie) ou encore du conseil environnemental.

Enfin, le dialogue et l’exclusion font partie de l’arsenal des investisseurs responsables afin d’accompagner des entreprises dans leur incidence sur la biodiversité. L’objectif est d’inciter ces entreprises à mettre en place un plan ambitieux de maîtrise de leurs risques et impacts sur le vivant, adapté aux enjeux de leur secteur d’activité. Les sociétés ayant un impact négatif conséquent et significativement supérieur à celui de leurs concurrents directs et qui ne mettent pas en place de démarche de gestion pour l’infléchir peuvent faire l’objet d’un désinvestissement.

Etre partie prenante des choix stratégiques des entreprises pour les inciter activement à réduire les pressions sur la biodiversité, voilà toute la responsabilité de l’industrie de la gestion d’actifs.

CDB : Convention sur la Diversité Biologique

Emmanuelle Mourey Présidente du directoire ,  La Banque Postale AM

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