Chine : car le monde et les temps changent
Analyser «la Chine compliquée avec des idées simples», pour paraphraser le général de Gaulle, ne peut suffire à faire un diagnostic de marché adapté, c’est-à-dire à même de créer de la valeur. Il faut être attentif à la capacité du pays à se réformer en profondeur.
Les marchés de capitaux regardent la Chine avec des yeux simples : toute déception sur le front de la croissance économique implique une réaction des autorités publiques sous forme de mise en œuvre de nouvelles mesures de soutien.
La perspective satisfait les investisseurs qui se positionnent à la hausse des indices actions. Depuis quelque temps déjà, un automatisme apparaît : un indicateur économique est en deçà des anticipations, et la Bourse monte. Le diagnostic doit cependant être affiné ; et la Chine de s’atteler à la fois à des réformes économiques «lourdes» et de se positionner de façon plus centrale dans le «concert des nations». Le point clé est de savoir si cette intégration suivra une logique avant tout économique (plus d’échanges et un résultat gagnant-gagnant) ou une autre plus centrée sur l’affirmation d’une puissance stratégique.
En termes économiques, il faut bien partir du ralentissement du momentum de la croissance économique. Le processus est en partie lié à la hausse constante du PIB par tête. Cet enrichissement, classiquement, s’accompagne d’une progression plus faible de la croissance économique. Il reste à assurer que ce processus ne soit pas de trop forte ampleur et puisse être géré sans à-coups.
En la matière, les évolutions récentes sont peu satisfaisantes. Alors que la contribution de la main-d’œuvre à la croissance du PIB reste assez faible, celle de la productivité ralentit et celle du capital augmente relativement, impliquant une baisse non souhaitée de son rendement.
En réalité, l’accent devrait être mis sur une meilleure allocation du capital productif et cela dans un double but : accroître l’efficacité du système économique et, par-delà, poursuivre des objectifs sociaux ou environnementaux. Deux leviers sont sans doute à utiliser prioritairement. L’urbanisation favorisera des activités moins capitalistiques (dont les services), des gains de productivité et une hausse du revenu par tête.
Ce levier implique néanmoins davantage de dépenses en infrastructure publique. En étant attentif à ce que cette logique du «doux commerce» ne soit pas porteuse de trop d’instabilité, le second levier qu’est l’introduction de davantage de mécanismes de marché participera aux initiatives microéconomiques (taux d’intérêt créditeurs mieux calibrés en fonction du risque perçu, initiatives du secteur privé…), qui formeront un terreau propice à de meilleures performances d’ensemble par la suite.
En matière de relations internationales, la Chine entend suivre quelques principes clairs, à défaut d’être toujours simples à mettre en place :
- le temps de contester le leadership mondial des Etats-Unis n’est pas (encore) venu ;
- l’accroissement du rôle de la Chine ne peut pas être arrêté. Si la Chine n’est en rien une menace pour la paix mondiale, sa montée en puissance à un moment de relatif déclin des Etats-Unis et du Japon ne peut qu’accentuer la concurrence entre le premier et les seconds ;
- la Chine ambitionne un double positionnement fondé, d’une part, sur des relations «d’égal à égal entre grandes puissances» avec les principaux pays développés. D’autre part, basé également sur une plus grande proximité avec les pays émergents et spécialement ceux dans son voisinage, qui participent aux bénéfices du développement de la Chine et ont à les partager.
Quel programme ! Tout en étapes et en montée en puissance ; tout en recherche de façonner sa zone d’influence et en préparation à la fois à la coopération et à la concurrence, voire à la confrontation.
Suite au constat d’une croissance décevante, les perspectives de changements sont nécessaires et structurantes. Davantage de mécanismes de marché et une politique économique plus ouverte sur le monde demanderont à la Chine beaucoup de doigté politique, tant à l’intérieur du pays que dans les relations internationales.