Construction de portefeuille : quelle place pour les stratégies de smart beta au sein des portefeuilles ?
Les investissements de type smart beta ont connu un développement important aux Etats Unis mais moindre en Europe. Marlene Hassine Konqui, directrice générale associée de BSD Investing, et Ahmed Khélifa CFA, CEO de l’Allocataire, analysent pour Funds Magazine le rôle de ces stratégies dans la construction de portefeuille et font le point sur l’intérêt des investisseurs pour ce type de stratégie dans le contexte chahuté de l’année 2022.
Fonds actifs, indiciels ou de smart beta : où sont allées les préférences des investisseurs en 2022 ?
La hausse de la volatilité et des incertitudes en 2022, s’est accompagnée d’un regain d’intérêt pour les stratégies de smart beta à la fois outre Atlantique et en Europe. Après un intérêt marqué pour les stratégies de smart beta, en Europe jusqu’en 2019, l’investissement ESG a semblé prendre le pas sur le smart beta en 2020 et 2021. Les moindres performances des stratégies ESG en 2021, et la hausse des incertitudes ont fait renaître l’intérêt pour ces stratégies.
En Europe, alors que les stratégies de smart beta ne représentent que 5% des encours de la gestion indicielle, elles totalisent 12% des flux entrants (selon la classification de Morningstar), soit 9Md€ depuis le début de l’année, contre 7% des flux en 2021.
Aux Etats-Unis, les stratégies de smart beta représentent 15% des encours de la gestion indicielle et 28% des flux entrants en 2022, soit près de deux fois plus qu’en 2021 où le Smart Beta représentait 15% des entrées. Il s’agit d’un record sur les 5 dernières années. A noter que 46% des flux vers les actions américaines en 2022 sont des flux vers des fonds de smart beta, contre 31% en 2021.
Ces stratégies de smart beta sont la plupart du temps comptabilisées en gestion indicielle/ passive. L’ESMA dans son rapport annuel sur les performances (ESMA Annual Statistical Report, Performance and Costs of EU retail Investment Products 2022) considère les stratégies factorielles et sectorielles comme des investissements actifs. La décision active d’investissement se situe au niveau de l’indice dont la composition va différer et varier en fonction des rebalancements et se rapprocher plus d’un investissement actif comme le montre l’exemple ci-dessous sur le CAC 40. Ainsi, les ETF Smart Beta incluent une étape de gestion supplémentaire qui n’existe pas dans le processus de réplication de la gestion passive. Une méthode systémique mais active consistant à appliquer des règles spécifiques à chaque acteur permettant de s’écarter de son univers d’investissement (indice de marché) est mise en place afin de maximiser ou de combiner certaines expositions factorielles. Ceci fait naître un active risque (écartement volontaire par rapport à l’indice du marché) visant à faire mieux que le marché, ce qui est la définition même de l’alpha et donc de la gestion active.
En considérant le smart beta comme un investissement actif, on trouve, sur le segment des actions américaines, la gestion active représente 56% des investissements en fonds ouverts contre 44% pour la gestion passive (Source : BSD Investing, Morningstar 31/7/2022).
Quel est le rôle du smart beta pour améliorer les rendements des portefeuilles ?
Ce fort développement s’appuie sur une recherche académique abondante. Des études académiques récentes confirment en effet, l’intérêt des stratégies smart beta pour générer de la performance dans les portefeuilles sur le long terme. Par exemple, l’étude de Tessaromatis et Sakkas (Forecasting the Long-Term Equity Premium for Asset Allocation, Financial Analysts Journal, 2022) réalisée sur le marché actions U.S et ceux de 11 autres pays développés, continue de soutenir l’idée que les modèles prédictifs appuyés sur une approche factorielle apportent une surperformance statistiquement significative sur le long-terme comparés aux modèles de portefeuilles construits sur la base des modèles les plus connus qui utilisent les rendements historiques des portefeuilles.
Il semble donc y avoir un consensus de plus en plus large sur l’intérêt de capter les primes de certains facteurs sur le long terme.
Quelles performances pour les stratégies factorielles sur le premier semestre 2022 ?
La zone géographique est un facteur explicatif important des performances des facteurs en 2022, compte tenu notamment des différences de politiques monétaires entre pays développés et la Chine. Il en ressort également une importante sous-performance du facteur qualité et une surperformance importante des stratégies « value » et « minimum volatility » provenant de leur exposition sectorielle.
La faible exposition de la value à la tech et sa surexposition à l’énergie et aux utilities ont été les principaux moteurs de performance au 1er semestre. À l’inverse, la surexposition des facteurs qualité et croissance à la tech et leur sous-exposition au secteur de l’énergie a pesé sur leurs performances relatives, faisant d’eux les contributeurs les plus négatifs de l’indice MSCI World. Le facteur qualité, qui est censé protéger les portefeuilles grâce entre autres à la solidité bilancielle des entreprises qu’il comprend, n’a pas joué son rôle attendu. A court terme au moins, miser sur le bon secteur est donc clé.
Marlène Hassine Konqui est directrice générale associée de BSD Investing, et Ahmed Khélifa CFA, est CEO de l’Allocataire