Entre illusion de rebond et réalités macroéconomiques
Le premier semestre 2025 a été marqué par une évolution contrastée des marchés financiers, dans un climat géopolitique tendu et une conjoncture économique fragilisée par les politiques commerciales américaines.
Un environnement mondial fragilisé par la politique américaine
L'administration Trump a poursuivi son durcissement commercial, avec l'instauration de droits de douane significatifs, notamment vis-à-vis de la Chine. Cette stratégie protectionniste, couplée à l'affaiblissement de la devise américaine, a alimenté les incertitudes sur les marchés et pesé sur les perspectives économiques. La croissance mondiale pour 2025 a ainsi été révisée à la baisse, avec un impact notable aux États-Unis où la confiance des entreprises et des ménages se dégrade.
Dans ce contexte, la performance des actifs financiers a fortement dépendu de la devise de référence. Si les actions mondiales affichent une progression de 5,3% en dollar, cette performance se traduit par un recul de 5,4% en euro, conséquence directe de la dépréciation du dollar, lui-même fragilisé par le creusement du déficit budgétaire américain.
Performances régionales contrastées : l'Europe en soutien, les États-Unis sous pression
Les actions de la zone euro s'illustrent par une progression solide de 6,9% sur le semestre. Cette dynamique est soutenue par le repositionnement des investisseurs vers les valeurs domestiques européennes, moins exposées aux tensions commerciales transatlantiques. Les initiatives d'investissement de l'Union européenne et de l'Allemagne, notamment dans la défense et les infrastructures, ont également contribué à ce rebond.
En France, la performance est plus mesurée, avec un CAC 40 en hausse de 2,8%. Cette relative sous-performance s'explique par la pondération importante du secteur du luxe, aujourd'hui pénalisé par la baisse de la consommation chinoise. La Chine, toujours confrontée à une crise immobilière majeure et à des droits de douane américains sur ses exportations, voit son économie fragilisée, pesant sur les secteurs mondiaux les plus exposés.
Outre-Atlantique, l'indice S&P 500 progresse de 1,5% en dollar, mais recule de 8,8% en euro, soulignant à nouveau l'impact négatif du dollar pour les investisseurs européens. Malgré de bons résultats des grandes entreprises technologiques au premier trimestre, le lancement du modèle chinois d'intelligence artificielle générative, DeepSeek, a alimenté des doutes sur la rentabilité future des géants américains du secteur. DeepSeek se distingue par un coût d'entraînement nettement inférieur à celui de ChatGPT, remettant potentiellement en question les lourds investissements réalisés par des groupes comme Amazon et Microsoft.
Or, inflation et taux d'intérêt : les signaux mixtes d'un marché en transition
Dans un environnement mondial marqué par de fortes incertitudes géopolitiques et économiques, l’or confirme son rôle de valeur refuge avec une progression remarquable de 28,4 % sur le premier semestre, soutenu par la baisse du dollar et la montée des tensions au Moyen-Orient. En parallèle, les pressions inflationnistes s’atténuent progressivement : aux États-Unis, l’inflation ralentit à 2,4 % en mai 2025 (contre 2,9 % fin 2024), tandis que la zone euro atteint l’objectif des 2 % avec une inflation à 1,9 %. Cette détente s’explique notamment par la baisse des cours du pétrole, reflet du ralentissement de l’activité mondiale. Face à cette
évolution, les banques centrales adoptent des orientations contrastées : la BCE poursuit un cycle de baisse des taux, ramenant son taux directeur de 4,0 % à 2,0 % en un an, tandis que la Fed conserve une position attentiste, maintenant ses taux entre 4,25 % et 4,50 % dans un contexte de pressions inflationnistes persistantes liées aux droits de douane. Si le marché de l’emploi américain demeure solide, avec un taux de chômage stable à 4,2 %, les perspectives de croissance s’assombrissent : le FMI a revu ses prévisions à la baisse, anticipant désormais une croissance de 1,8 % en 2025, contre 2,7 % initialement estimé.
Marché obligataire : entre volatilité et opportunités sélectives
Le marché obligataire reste volatil, affecté par les craintes sur la soutenabilité des finances publiques. Toutefois, les obligations d'entreprises bien notées tirent leur épingle du jeu, avec des rendements dépassant les 3,4% en zone euro, un niveau supérieur à l'inflation, offrant ainsi un refuge relatif pour les investisseurs en quête de revenus.
Stratégies d'investissement : diversification et thématiques porteuses
Alors que les repères économiques deviennent de plus en plus flous, marqué par les tensions géopolitiques, les politiques monétaires restrictives et une volatilité persistante, la diversification reste la pierre angulaire des stratégies d’investissement. Nous privilégions une approche multi-actifs articulée autour de piliers solides : sur les marchés actions, nous opérons une diversification géographique (Europe, États-Unis, émergents) et thématique, en capitalisant sur les tendances de long terme telles que l’intelligence artificielle et la transition énergétique. Du côté obligataire, notre sélection s’oriente vers des obligations d’entreprises bien notées, offrant un couple rendement/risque attractif. Le Private Equity, bien qu’exigeant en termes de liquidité, constitue un levier puissant de valorisation à long terme du patrimoine. L’immobilier non coté, via les SCPI, affiche un rendement moyen de 4,50 % en 2024, notamment dans les secteurs dynamiques de la santé et de la logistique.
Une gestion rigoureuse des liquidités reste essentielle pour préserver la capacité de réaction face aux opportunités engendrées par la volatilité des marchés. Plus que jamais, la gestion active et la diversification intelligente s’imposent pour concilier protection du capital et recherche de performance.
Performances et valeurs utilisées pour la rédaction de cet article arrêtées au 20/06/2025
Jean-Patrice Prudhomme