Est-il encore temps d’investir sur les foncières cotées ?
Les foncières cotées, ces entreprises spécialisées dans l’investissement immobilier et dont les actions sont cotées en bourse, pâtissent depuis 2022 du changement (structurel ou conjoncturel, la question demeure ouverte) soudain de contexte macro-économique et plus précisément de l’inflation qui a suivi les goulets d’étranglements de l’économie mondiale post-déconfinement ainsi que des politiques fiscales et monétaires accommodantes concomitantes. Ceci ayant eu pour conséquence principale la hausse des taux d’intérêts directeurs des grandes banques centrales dont la BCE.
Pour un secteur intensif en capital comme l’immobilier et dont le modèle économique repose sur un fort endettement, la hausse des taux d’intérêt depuis 2022 s’est traduite par des maux en cascade :
- Une baisse des « valeurs d’expertise » (qui servent de points de repères au marché) que la hausse des taux entraine inéluctablement et qui augmente de façon mécanique le niveau d’endettement mesuré en rapport à la valeur de l’actif.
- Un renchérissement du coût de la dette limitant d’une part le capital disponible pour financer la croissance future et créant d’autre part un besoin de désendettement pour pallier les hausses des charges d’intérêts à venir.
- Une baisse drastique du nombre d’acheteurs potentiels asséchant le marché des transactions et compliquant ainsi la capacité des foncières à vendre des actifs afin de se désendetter.
La liquidité permanente offerte par les marchés d’actions entraine de facto un mécanisme d’ajustement propre aux actifs cotés et explique, en raison des causes précitées, les fortes baisses de cours connues depuis 2022 (environ -40% pour le FTSE EPRA NAREIT Net Return (immobilier européen) versus le Stoxx 600 Net Return). Cependant, cette forte variabilité offre également un point d’entrée rare sur le secteur au regard de l’histoire et des aspects suivants qui nous poussent globalement à l’optimisme :
D’un point de vue macro tout d’abord :
- Le segment immobilier est le plus corrélé aux taux longs. A ce titre, les annonces récentes de baisse des taux par la Banque Centrale Européenne, bien qu’anticipées de longue date, a pleinement profité aux foncières. Qui plus est, le consensus du marché anticipe encore environ 200 points de base de baisses supplémentaires d’ici fin 2025.
- L’inflation, qui impacte les taux fixés par la BCE, poursuit lentement mais surement sa lente décrue à mesure que les effets des goulets d’étranglement et des mesures post-covid s’estompent progressivement. Elle devrait poursuivre cette tendance et donc permettre aux taux de poursuivre leur mouvement concomitant.
- Les perspectives sur la croissance économique européenne (et en particulier allemande) ne sont pas des plus réjouissantes. Cela a contribué à la baisse récente de l’inflation et milite pour de nouvelles baisses de taux qui viendraient servir les niveaux de décotes des foncières. Attention toutefois aux acteurs les plus exposés à la conjoncture économique (Commerce, bureaux et logistique seraient a priori plus impactés que le segment résidentiel ou les foncières de santé).
Au niveau micro ensuite :
- Les publications de résultats du premier semestre des foncières ont agréablement surpris et les performances opérationnelles demeurent généralement bonnes en tous points de vue. La croissance des revenus reste supérieure à l’inflation. Nous pensons même que dans certains secteurs comme le résidentiel allemand, le système de régulation des loyers (Mietspiegel) permettra à la croissance des loyers (et donc des revenus) de durablement dépasser l’inflation. Les taux de vacance (à l’exception de quelques sociétés, en particulier dans les bureaux de périphérie) demeurent toujours bons chez la plupart des acteurs.
- Le coût de la dette des foncières, impactant fortement le P&L de ces sociétés à haute intensité capitalistique, se mue progressivement en non-lieu du fait de la baisse des taux. Si les stratégies de gestion de la dette sont variables selon les entreprises, le coût de cette dernière est déjà passé de 2% à 3% en moyenne mais s’affiche désormais en légère diminution depuis le début de l’année, laissant ainsi penser que le plus dur est derrière nous au regard des baisses de taux encore attendues d’ici fin 2025. Nous notons par ailleurs que les bilans des sociétés les plus à risque ont déjà été allégés par quelques ventes d’actifs, des coupes de dividendes et quelques augmentations de capital, laissant entrevoir un peu plus la lumière au bout du tunnel.
- Enfin les niveaux de valorisation des foncières avaient touché un point bas quasi-historique en début d’année et se traitent aujourd’hui encore à environ 30% de décote alors que les valeurs d’expertise ont cessé de s’atrophier et qu’on observe sur le marché, en nombre réduit toutefois, des transactions à des niveaux de valorisation supérieurs à ces mêmes expertises augurant, sur cet aspect également, d’une éclaircie durable.
Quiconque croit en une baisse des taux devrait ainsi se poser la question de l’investissement dans les foncières cotées, ces dernières offrant un taux de dividende moyen supérieur à ce qu’offrent placements monétaires ou obligataires, en présentant néanmoins le risque que les baisses de taux anticipées par les marchés ne soient pas livrées. Ce risque nous paraissant plus que compensé par la plus-value potentielle attendue du retour à plus de rationalité sur les niveaux de décote du segment, à la fois en comparaison des valeurs d’expertise mais également par rapport à la rentabilité qu’un investisseur peut espérer de marchés actions aujourd’hui plus chèrement valorisés.
En conclusion, le scénario du pire paraissant derrière nous, les foncières cotées nous semblent offrir un aspect diversifiant intéressant dans un portefeuille investi en actions.
Ces réflexions d’ordre général ne s’appliquent cependant pas toutes ou dans les mêmes proportions à l’ensemble des acteurs du segment et il est impératif de séparer le bon grain de l’ivraie. C’est ce que nous faisons dans notre OPC thématique CD Euro Immobilier qui investit dans les foncières cotées de la zone euro en évitant notamment les sociétés aux bilans trop lourds ou celles dont les activités nous semblent les plus menacées à long terme.