Euphorie post Trump : les marchés ont-ils raison?

Publié le 6 décembre 2024 à 15h42

Jacques-Aurélien Marcireau    Temps de lecture 4 minutes

Depuis l’élection de Donald Trump à la tête de la première puissance mondiale, les marchés nous offrent une lecture de l’avenir qui peut difficilement être ignorée, tant le signal est univoque.

Les investisseurs ont avant tout salué le retour de l’Amérique « des affaires » avec une hausse de près de 6% du S&P 500 sur 3 mois, au fur et à mesure que les probabilités montaient en faveur du candidat républicain.  Concernant le tissu économique, les entrepreneurs des PME et ETI verront le coût de la main d’œuvre – en raison de la lutte anti immigration -  et de leurs importations – en raison des droits de douane- augmenter. En parallèle, la déréglementation devrait permettre aux grandes entreprises d’asseoir davantage leur domination sur les différentes chaines de valeur et permettre au HHI (Herfinder Herschman index) de toucher de nouveaux sommets.  Néanmoins, pour les entreprises de taille intermédiaire qui sauront faire du darwinisme une philosophie, les baisses d’impôts pourront récompenser les efforts accomplis pour survivre.  Le rebond dantesque de l’actions Tesla – de -40% a +40% au cours de l’année – est dans la lignée de la dérégulation promise, le symbole d’une fusion annoncée heureuse entre élites technologiques et politiques, apportant efficacité et avantages mutuels, sans évidemment tomber dans le risque de l’instauration d’une forme d’oligarchie, tant décriée par les ennemis de l’Occident.

Concernant la géopolitique justement, la Chine - en baisse de 7,2% post élections - sait d’ores et déjà à quoi s’en tenir concernant l’évolution des tarifs douaniers. Jusqu’à présent, la Chine a partiellement contourné les sanctions que ce soit concernant les exportations technologiques ou les droits de douane via des pays tiers. Ces mêmes pays vont devoir simultanément renforcer leur soutien des Etats-Unis dans cette confrontation, tout en acceptant de revisiter les termes de leurs échanges avec les Etats-Unis en faveur de ces derniers. Enfin, ils ne devront pas s’émouvoir de l’impact des coupes dans le budget de la défense des Etats-Unis sur la capacité de ces derniers à tenir leurs engagements, que ce soit vis-à-vis de Taiwan, l’Iran, la Corée du Nord ou la Russie. En effet, les 2000 milliards d’économies promises par Elon Musk dans le budget fédéral sur l’ensemble des segments se traduira plutôt par une meilleure efficience. A court terme, cela s’est déjà traduit par un recul de plus de 10% des valeurs cotées dans le secteur de la défense depuis l’élection.  Mention spéciale pour l’Europe en sous performance de 10% depuis l’élection. Cette dernière devrait rester un allié indéfectible des Etats-Unis, augmentant son budget défense tout en acceptant des droits de douane plus élevés et un soutien à l’Ukraine aux contours flous.

Globalement, l’idée n’est pas de juger telle ou telle mesure, mais simplement de constater que certaines contradictions amèneront des arbitrages au sein de l’administration et une subtilité que les marchés actions américains ne reflètent pas à ce jour.

Selon un célèbre dicton, les marchés ont anticipé 15 des 8 dernières récessions, les Etats-Unis et les « investisseurs » américains sont plus que jamais convaincus de leur exceptionnalisme, là où d’autres zones, à commencer par l’Europe, doutent. Néanmoins, c’est lorsque nous cessons de douter que l’on commet les plus grandes erreurs. Par ailleurs, « les investisseurs » qui envoient ce signal sont-ils représentatifs d’une vision cohérente, ou un simple amalgame d’ETF, d’algorithmes et d’investisseurs retails ? Ces acteurs-là ont-ils pleinement conscience des contradictions inhérentes au programme du nouveau président et les limites de ses marges de manœuvres dans le cadre d’un contrôle relativement faible sur le Sénat en interne et ses alliés en externe ? Sans parler de l’opposition entre pouvoir local et fédéral.

 Les Etats-Unis ont l’habitude de surprendre les observateurs, même les plus chevronnés et il serait imprudent de ne pas écouter ce que les marchés financiers nous annoncent. Néanmoins, il faut garder une capacité à douter et à construire des convictions, car une chose est certaine : il reste de nombreuses opportunités d’investissement sur les marchés actions, au Etats-Unis et au-delà. 

Aujourd’hui le marché américain se résume au « Trump Trade » et à l’IA générative : les deux ne seront pas exempts de défis dès les prochains trimestres. Il faut donc toujours écouter les marchés, mais ne pas les prendre pour argent comptant.

Jacques-Aurélien Marcireau Co-Responsable Actions, Gérant du fonds Big Data ,  Edmond de Rothschild AM

Du même auteur

Chargement en cours...

Chargement…