L'analyse de Michael Sfez
Faut-il vous débarrasser de vos obligations ?
Compte tenu de la hausse probable des taux américains en 2015, de nombreux investisseurs recherchent une alternative à leur allocation en obligations investment grade. Avant de prendre des décisions radicales, il est nécessaire de faire un point sur le rôle que ces obligations jouent dans le contexte d’un portefeuille multi-actifs global.
Le rôle de préservation de capital
Historiquement, la pire année pour les obligations gouvernementales de moyen terme fut lorsque le marché perdit 4,6 % sur douze mois, fin juin 19591. La pire période de trois ans en termes de performances a été entre août 1954 et juillet 1957, où les obligations ont perdu 0,4 % par an. Les plus mauvaises périodes sur cinq et dix ans ont été en fait positives pour les obligations (0,7 % par an et 1,2 % par an, respectivement) ! Dans tous les cas de figure, le résultat reste honorable dans le cadre d’une stratégie d’investissement de long terme.
La diversification par rapport au risque actions
Le plus fort contributeur au risque global du portefeuille d’un investisseur est le risque actions. Les obligations, et d’autres classes d’actifs comme les actifs réels et les stratégies alternatives, servent à réduire le risque actions. Si les obligations ont tendance à bien résister dans les plus mauvaises périodes, qu’en est-il des actions ? Au cours de la plus mauvaise année pour les obligations en 1959, le marché des actions américaines a affiché une performance positive de 33,6 %. Pour les périodes de trois, cinq et dix ans, on retrouve une relation similaire – elles ont eu des performances annualisées respectives de 22,4 %, 15,5 % et 13,7 %2. Les performances des obligations tendent à se contracter au cours des périodes de hausse des taux, qui sont souvent une conséquence d’une économie qui se renforce. Les actions tendent à mieux se comporter dans des environnements économiques solides. Ainsi, la diversification a historiquement aidé les investisseurs mais elle ne saurait garantir un profit ou protéger contre une perte. Lorsqu’une classe d’actifs connaît une période de stress, la performance positive potentielle d’autres classes d’actifs peut mitiger ces pertes.
Les obligations et la volatilité de portefeuille
Inclure des obligations dans un portefeuille est un moyen d’atténuer la volatilité totale. Cette caractéristique est connue des investisseurs, mais ce qui a été souvent oublié est combien l’affaiblissement de la performance lié à ces obligations a été modeste compte tenu de la réduction significative de la volatilité qu’elles ont engendrée. Ainsi pour un portefeuille actions, sur la période 1970-2013, la performance annualisée a été de 9,8 % par an contre une volatilité de 17,1 %, alors qu’un portefeuille 50 % actions/50 % taux a eu sur la même période une performance annualisée de 9,3 %, mais pour une volatilité de… 9,6 %3 ! Ainsi sur cette période, le portefeuille mixte 50/50 a capté 95 % de la performance des marchés actions avec seulement 56 % de la volatilité de ces marchés.
A l’aube d’une hausse des taux attendue aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, d’autres classes d’actifs peuvent-elles jouer un rôle similaire et offrir aux investisseurs une alternative aux obligations ?
• Le cash : compte tenu des niveaux de taux proches de zéro fixés par les Banques centrales, et si l’inflation reste au-dessus de zéro, le rendement réel du monétaire est négatif.
• Les obligations ou titres à haut rendement : la contrepartie pour ce rendement légèrement supérieur est une dégradation significative de la qualité et une augmentation du profil de risque global du portefeuille.
• Les matières premières : elles n’ont pas montré des qualités de préservation de capital ou des caractéristiques de réduction de la volatilité du portefeuille comparables aux obligations investment grade. Il suffit de regarder l’année 2014 ou le Bloomberg Commodity Index a affiché une performance globale de - 17 %.
Ainsi les classes d’actifs considérés par de nombreux investisseurs pour remplacer les obligations dans leurs portefeuilles ont montré leurs limites. Il faut garder en tête une potentielle hausse de la volatilité sur les marchés actions en 2015. C’est précisément dans ce type d’environnement que les investisseurs tirent les bénéfices d’un portefeuille multi-actifs largement diversifié comprenant des actions, des obligations et des actifs réels.
1- Source : données en USD. Ibbotson & Associates Intermediate Government Bond Index pour la période 1926-1976, Barclays Intermediate Bond Index entre 1977-2014.
2- Source : actions US Ibbotson & Associates S&P 500 Composite 1926-1978, Russell 3000® 1979-2014.
3- Sources : actions représentées par le MSCI World Index (1970-juin 1996), Russell Developed Large Cap (juillet 1996-2013), obligations représentées par Ibbotson Intermediate Government Bonds (1970-1975), Barclays US Aggregate Index (1976-2013). Le portefeuille 50/50 est un portefeuille composé de 50 % des actions représentées par l’indice actions et 50 % de l’indice obligations décrit précédemment. Ce portefeuille est rééquilibré trimestriellement.
Du même auteur
Les investisseurs doivent-ils s’inquiéter de la liquidité des marchés obligataires ?
Un des principaux points d’attention des régulateurs mondiaux suite à la crise financière de 2008 a…