Immobilier logistique : le rebond se confirme
Alors que l’attentisme domine globalement sur le marché tertiaire, la logistique confirme son statut de classe d’actifs alternative privilégiée des investisseurs.
Et si le repli observé en 2023 sur le marché de l’immobilier logistique et industriel n’avait été qu’un trou d’air passager et conjoncturel ? C’est ce que semble suggérer une série d’indicateurs récents. Au premier semestre 2024, l’immobilier logistique a totalisé 1,3 milliard d’euros d’investissements, en hausse de 85% par rapport aux volumes observés en juin 2023. La classe d’actifs a connu une croissance fulgurante depuis 2020 et représente désormais 29,5% des investissements réalisés en immobilier d’entreprise au premier semestre 2024. Cette augmentation du poids relatif dans les allocations s’explique par des fondamentaux solides sur le long terme, en partie décorrélés du contexte économique, une raréfaction attendue de l’espace disponible, des taux de vacance faibles et un phénomène de rattrapage au niveau des loyers.
Contrairement à d’autres classes d’actifs de l’immobilier tertiaire, fragilisées par la crise du Covid-19 et la montée du télétravail, la logistique bénéficie d'une demande soutenue, portée en premier lieu par les changements de modes de consommation et l’essor du e-commerce (7,5% de croissance au premier trimestre 2024). La progression du taux de pénétration du e-commerce dans le commerce global va entrainer mécaniquement une forte augmentation de la demande en m2 logistiques. On estime en effet un site de e-commerce exige en moyenne trois fois plus de m2 logistiques qu’un site dédié au commerce traditionnel, à quantité de marchandise traitée égale. La relocalisation d’activités industrielles en France et en Europe, impulsée depuis la fin de la décennie écoulée, contribue également au besoin croissant de foncier dédié à la logistique.
Longtemps concentré autour de la dorsale Lille-Paris-Lyon-Marseille, le marché a gagné en profondeur, notamment dans les régions du Grand Ouest qui connaissent un dynamisme remarquable. Le taux de vacance, qui a légèrement progressé pour s’établir en moyenne aux environs de 5%, demeure historiquement bas en Auvergne-Rhône Alpes, en Bretagne ou dans les Pays-de-la-Loire. Les contraintes réglementaires liées à la non-artificialisation des sols et les incertitudes liées la complexité administrative vont peser sur l’offre et entraîner une raréfaction croissante du foncier à urbaniser, ce qui, par corollaire, renforcera la valeur des actifs de qualité existants.
Sur le marché des utilisateurs, les loyers ont tendance à se stabiliser après une phase de rattrapage inédite, qui les avait vu augmenter de près de 40 à 50% depuis 2020.
Compte tenu du caractère structurel du déséquilibre offre/demande, les loyers devraient à terme reprendre leur progression. Sur le marché des investisseurs, les taux de rendement prime pour la logistique (taux de capitalisation), descendus aux alentours de 3% sous l’effet de la politique des taux zéro, ont connu une remontée spectaculaire, pour atteindre les 5%. La baisse graduelle des taux directeurs enclenchée par la BCE depuis juin laisse présager d’un repli modéré du taux de rendement prime de l’immobilier logistique. L’indexation des valeurs locatives sur l’ILAT, l’indice des loyers tertiaires, a permis à ces dernières de progresser de 5,09% sur la période avril 2023 à mars 2024. Ce mécanisme défensif a protégé les investisseurs pendant la phase de résurgence de l’inflation, entre 2021 et 2023. Enfin, preuve supplémentaire de l’attractivité du secteur, les prêteurs immobiliers se montrent très friands de cette typologie d’actifs, 83% souhaitant financer des actifs alternatifs, en priorité ceux des secteurs industriels et logistique. Les LTV (ratios d’endettement Loan to Value) sont d’ailleurs très favorables et compris entre 55% et 60%.
Convaincus que le repricing a été réalisé et conscients des opportunités à long terme sur un marché français qui accuse encore un certain retard par rapport à ses concurrents européens s’agissant de la pénétration du e-commerce, les investisseurs ont amorcé leur grand retour. Ce mouvement est actuellement porté par les étrangers, et principalement par les fonds nord-américains (à hauteur de 65%), alors que les Français ne représentaient encore que 12% des investisseurs de la classe d’actifs au premier semestre 2024.
Si les perspectives et les marges de progression sont bel et bien tangibles, le secteur de la logistique n’échappe pas à la logique du flight to quality. La sélectivité et l’expertise s’imposent avant d’opérer des investissements. L’élargissement de l’offre profitera d’abord aux projets les mieux conçus et les mieux situés. Une solide approche « développement durable » est indispensable pour assurer la résilience des actifs dans le temps. Il conviendra également d’être à l’écoute des utilisateurs dans un marché plus ouvert. Logisticiens et industriels souhaitent des infrastructures mieux conçues, durables et adaptées aux besoins de leurs collaborateurs. La prime liée à la qualité technique des bâtiments et leur localisation continuera à faire la différence.