Inflation : est-ce un retour aux années 1970 ?

Publié le 17 novembre 2021 à 11h35

François Rimeu    Temps de lecture 4 minutes

Depuis plusieurs mois reviennent certaines craintes envers une situation de stagflation (inflation élevée sans croissance économique) comparable à ce que nous avons connu dans les années 1970. Est-ce crédible ?

Les années 1970 ont été marquées par un choc pétrolier d’une ampleur jamais connue auparavant, avec des prix multipliés par plus de 10 entre 1973 et 1980 (source : Bloomberg) ; à titre de comparaison, cela équivaudrait aujourd’hui à un baril de pétrole qui passerait de 60 dollars (moyenne sur les cinq dernières années) à plus de 600 dollars. Cette hausse du prix du baril, liée à une problématique d’offre (fin des accords de Bretton Woods, représailles liées à la guerre du Kippour en 1973), entraîna alors des conséquences majeures : hausse des coûts de production, augmentation des prix, baisse des profits, baisse du pouvoir d’achat et donc une demande qui finit par diminuer également. C’est d’ailleurs cette crise qui amena la France et d’autres pays à se lancer dans des programmes massifs de construction de centrales nucléaires pour limiter leur dépendance aux énergies fossiles.

La problématique de la stagflation telle que nous l’avons expérimentée dans les années 1970 est donc principalement une problématique d’offre, ce qui, nous allons le voir plus loin, semble assez différent de la situation actuelle.

Prenons la situation américaine, pour commencer.

Les Etats-Unis devraient voir leur inflation dépasser les 6 % (source : Cacib) en fin d’année, soit un niveau quasiment inconnu depuis le début des années 1990. Cette hausse ne s’explique pas particulièrement par une hausse des prix des services, ceux-ci ayant une inflation assez stable si on la compare à la situation pré-Covid. Elle trouve en revanche son origine dans une hausse des prix de l’énergie, principalement à cause d’effets de base très positifs sur le pétrole. Prix du pétrole qui ont d’ailleurs été tirés à la hausse non pas par un problème d’offre, l’Opep disposant de capacités de production excédentaires, mais par une demande en forte accélération. L’inflation s’explique aussi par un phénomène nouveau qui est la hausse des prix dans le secteur des biens (véhicules, par exemple), laquelle tenant à la fois à des problématiques d’offre et de demande.

Enfin, pour qu’il y ait stagflation, il faut qu’il y ait une croissance en fort ralentissement, ce qui n’est pas le cas actuellement aux Etats-Unis avec une croissance estimée en 2022 à 4 %.

La situation américaine est donc la suivante : une inflation principalement liée à une très forte demande et une croissance supérieure à la croissance potentielle, ce qui ne correspond pas à un scénario de stagflation.

Qu’en est-il de l’inflation en zone euro ? Nous devrions atteindre une inflation de 4,25 % (source : Cacib) en fin d’année, celle-ci provenant, ici encore, d’une hausse du prix du baril de pétrole, mais aussi de l’augmentation massive des prix du gaz et de l’électricité. Si la problématique pétrolière tient à la demande, le marché du gaz souffre en revanche de sérieux problèmes d’approvisionnement en raison du différend opposant la Russie et l’Union européenne au sujet de Nord Stream 2. Autre différence avec la zone US, l’inflation des biens est plus contenue, ce qui devrait permettre à l’inflation de rebaisser plus rapidement qu’aux Etats-Unis.

En ce qui concerne la croissance, même scénario que pour la zone US, avec une croissance 2022 attendue au-delà de la croissance potentielle à plus de 4 % (source : Bloomberg), mais celle-ci pourrait être revue à la baisse en raison de l’impact négatif sur la croissance de la hausse des prix du gaz. Un scénario de stagflation pourrait donc éventuellement voir le jour si les prix du gaz continuaient de s’envoler, mais il faudrait pour cela que la situation perdure pendant plusieurs trimestres, ce qui semble peu probable aujourd’hui.

Le scénario le plus vraisemblable semble donc être celui d’une inflation et d’une croissance qui restent élevées. Dans ce cas, les banques centrales devraient graduellement retirer une partie de leur soutien monétaire, amenant des taux plus élevés (surtout aux Etats-Unis) et une poursuite des mouvements de rotations sectorielles en cours sur les marchés actions.

François Rimeu Stratégiste senior ,  La Française AM

Par François Rimeu, stratégiste senior, La Française AM

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