Une analyse d'Olivier Debat, UBP
La dette bancaire « Additional Tier 1 » : une classe d’actifs attractive, avec un potentiel de resserrement des spreads
Du fait des décisions réglementaires et politiques à l’égard du renforcement du bilan des banques, notamment pour faire face à la pandémie, les obligations « Additional Tier 1 » (AT1) affichent de solides atouts.
A la suite de la crise financière de 2008-2009, des réglementations telles que Bâle III ont été mises en œuvre afin de renforcer le bilan des banques et de rendre le secteur plus résistant aux chocs exogènes. Exemple de l’efficience de ces réformes – la nette amélioration de la situation des banques européennes en termes de fonds propres. Le ratio Tier 1 – une mesure clé de la solidité du bilan d’une banque – se situe ainsi à environ 13% pour les grandes institutions financières européennes, soit plus de deux fois les niveaux observés avant 2008.
Par ailleurs il faut noter que les dernières décisions réglementaires et politiques récemment mises en place face à la pandémie devraient jouer un rôle d’absorbeur de choc pour les banques, avec notamment la réduction du « coussin » contracyclique réglementaire, une évaluation moins stricte des provisions, sans oublier la suspension de la distribution des dividendes. La suspension des dividendes vient mécaniquement renforcer les fonds propres.
Ces différentes initiatives prises pour protéger le système bancaire s’avèrent propices à la dette AT1 (Additional Tier 1) et permettent de maîtriser les trois grands risques liés spécifiquement à cette classe d’actifs. Le premier, le risque de coupon, est la capacité pour les banques de suspendre les coupons des obligations AT1 en période de fortes tensions. Bien que la BCE ait recommandé la suspension des dividendes d’actions jusqu’à janvier 2021, cela ne s’applique pas aux coupons des AT1, et le régulateur financier s’est montré clair à cet égard. La rétention des fonds propres au sein du bilan d’une banque, plutôt que leur distribution aux investisseurs actions, permet de renforcer encore l’institution financière et constitue un élément positif pour les investisseurs obligataires. Les obligations AT1 sont des instruments perpétuels, avec une possibilité de remboursement («call») à intervalles réguliers.
Des facteurs de risque sous contrôle
Ainsi, le deuxième risque inhérent à ces obligations est le risque d’extension, dans la mesure où les AT1 peuvent ne pas être rappelées par l’émetteur à la première date possible. Or, il faut noter que, depuis le début de l’année, et malgré la forte volatilité de marché, les AT1 ont en grande majorité été remboursées en première date possible de rappel. Les deux seuls émetteurs qui n’ont pas rappelé leurs obligations AT1 ont pris des décisions opportunistes qui était anticipées par les marchés et n’ont pas eu d’impact négatif sur le marché. Enfin, le troisième risque des AT1 est le risque de déclenchement («trigger risk»). Si les fonds propres d’une banque tombent en dessous d’un seuil prédéfini («trigger»), la dette AT1 peut être convertie en action ou dépréciée (de manière temporaire ou permanente). Cependant, comme évoqué précédemment, les banques sont beaucoup mieux capitalisées aujourd’hui que par le passé, et nous pourrions donc nous attendre à ce que, même dans des scénarios de correction de type Lehman, les grandes banques européennes ne voient pas leur dette AT1 chuter en dessous de leurs niveaux de «trigger» respectifs.
Dans ce contexte, les spreads de la dette AT1 sont proches de leurs niveaux moyens depuis l’émergence de ce marché en 2013, et se situent nettement au-dessus des niveaux pré-Covid. En conséquence, dans un scénario de stabilisation macroéconomique, l’investisseur bénéficie d’un portage attrayant et de la possibilité de gains en capital si les spreads se resserrent vers leurs niveaux pré-Covid.
Olivier Debat est Senior Investment Specialist chez Union Bancaire Privée (UBP).