La menace Trump ne doit pas faire dévier l’Europe de sa transition énergétique

Publié le 7 avril 2025 à 11h36

Philippe Garrel    Temps de lecture 4 minutes

En dépit des décisions contestables du nouveau président américain et faute de ressources fossiles locales abondantes, l’Europe n’a d’autres choix que d’accélérer une transition énergétique déjà engagée mais qui n’en est encore qu’à ses débuts. Une transition de long terme passant par l’électrification massif des usages.

« Drill, Baby, Drill ». Donald Trump aime les hydrocarbures et il ne s’est pas privé de le proclamer pendant sa campagne. Dès le premier jour de son nouveau mandat, sa décision de proclamer une « urgence nationale énergétique », en favorisant les énergies fossiles et en se retirant de l’Accord de Paris, constitue sans conteste une mauvaise nouvelle pour la planète. Et pour l’Europe ? L’Union européenne a-t-elle d’autre choix que de poursuivre sa transition énergétique ?

Certes, l’Union européenne reste encore dépendante des énergies fossiles. Seulement 10% du gaz consommé dans l’UE est produit localement et l’Europe importe 97% de sa consommation de pétrole. Pour autant, les efforts menés en matière de décarbonation ont montré leur efficacité. Le charbon a pratiquement disparu du mix énergétique et la consommation d’hydrocarbures diminue progressivement.

Ce constat n’est pas le fruit du hasard ni de la conjoncture. Depuis deux décennies, l’Europe s’est engagée progressivement dans une stratégie de transition énergétique. Du lancement du marché du carbone en 2005 au « Green deal » présenté par la Commission en 2019 et visant la neutralité carbone à horizon 2050, la constance des décisions prises au niveau européen est à relever.

Surtout, le déclenchement de la guerre en Ukraine, en février 2022, a incontestablement accéléré la prise de conscience des dirigeants européens. Si la crise énergétique consécutive à l’invasion de l’Ukraine par la Russie a mis en évidence la vulnérabilité de l’Europe, l’UE a riposté en lançant, en mai 2022, son plan « REPowerEU », un texte ambitieux visant à réduire la dépendance au gaz et pétrole russes. Une enveloppe de 210 milliards d’euros a été mobilisée pour moderniser les infrastructures et soutenir l’innovation. Il s’agit à la fois d’une réponse conjoncturelle à la crise mais aussi d’un levier stratégique pour assurer l’indépendance énergétique de l’Europe. Parmi les objectifs fixés, l’accélération du déploiement des énergies renouvelables vise à parvenir à 45% d’ENR dans le mix énergétique, d’ici 2030. A chaque pays ensuite, selon ses capacités d’approvisionnement, ses atouts géographiques, son histoire (gaz, hydraulique, nucléaire etc.) de mettre en œuvre sa stratégie. L’‘application des objectifs communs à l’échelle européenne ne peut s’inscrire dans un processus uniforme.

En Europe, objectif climatique et objectif stratégique d’indépendance vont de pair

Pour réussir cette transition énergétique, le levier central passe incontestablement à long terme par l’électrification massif des usages. Seule une substitution efficace permettra, en effet, de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Certes, le photovoltaïque et l’éolien sont devenus, dès 2022, les premières sources de production d’électricité en Europe. En 2023, en y ajoutant l’hydroélectricité, la production d’électricité d’origine renouvelable a atteint un record de 44,7% du mix énergétique. En France par exemple, selon la feuille de route fixée par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), il faudrait parvenir à diminuer de 40% l’énergie consommée d’ici 2050 avec des énergies fossiles réduites quasiment à néant dans le nouveau mix énergétique. La route est encore longue et les obstacles, en attendant cette échéance, ne manqueront pas. L’actualité géopolitique des dernières semaines nous en offre l’illustration.

Annoncé début mars par la Commission européenne dans un contexte de tension avec la nouvelle administration américaine au sujet de la guerre en Ukraine, le plan de 800 milliards d’euros en faveur de la défense pose en effet la question de l’allocation des ressources. Le soutien public aux énergies renouvelables pourrait être ainsi réduit, au profit d’investissements prioritaires dans l’industrie de la défense. Mais cela ne doit pas entamer les efforts menés en faveur de la transition énergétique alors que l’objectif climatique et l’objectif stratégique d’indépendance coïncident parfaitement pour les pays de l’Union Européenne. En revanche, le nouveau contexte géopolitique impose aux investisseurs une sélectivité accrue dans le choix des projets financés, en particulier en privilégiant ceux étant intégrés au fonctionnement de marché ou ayant déjà sécurisé leurs subventions.

Philippe Garrel directeur des fonds de dette Transition énergétique ,  Sienna Investment Managers.

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