L'analyse de Jonathan Baltora, AXA IM
La reflation, thématique de 2021 ?
Le moment est intéressant. Les anticipations de marché reviennent vers des niveaux proches des moyennes de long terme, mais les déficits budgétaires associés à une forme de complaisance des autorités monétaires pourraient pousser les valorisations à la hausse.
Le rebond annoncé de l’inflation en 2021 attire l’attention des investisseurs. On peut en effet s’attendre à bon nombre de facteurs techniques qui devraient pousser l’inflation à la hausse dans les prochains mois, pour atteindre un pic à l’été entre 2,5 % et 3 % aux Etats-Unis, et 1,5 % et 2 % en zone euro.
En zone euro, par exemple, le taux de TVA en Allemagne devrait retrouver son niveau d’avant la crise début 2021, et les prix des séjours au soleil en Europe devraient également rebondir. Au-delà de ces différents points, c’est surtout la variation annuelle des prix du pétrole qui devrait faire bondir l’inflation au printemps. Les investisseurs, qui sont également des « ménages » dans le cadre privé, auront bien senti une pincée d’inflation dans leur vie quotidienne, les prix des produits frais ayant sensiblement augmenté sur l’année écoulée.
Tout va donc concourir à faire progresser le sentiment chez les ménages et les investisseurs que l’inflation est de retour. Il est alors probable que la recherche de solutions de couverture contre le rebond de l’inflation pousse à la hausse les anticipations d’inflation de marché, que l’on peut observer grâce aux obligations indexées à l’inflation. La différence de taux de rendement entre une obligation indexée à l’inflation et son homologue à taux fixe est appelée « point mort d’inflation » et est en fait l’inflation annuelle moyenne attendue par le marché d’ici à la maturité du titre.
Ainsi, en utilisant le marché des OAT françaises indexées à l’inflation de l’Union économique et monétaire, on observe que, en zone euro, les investisseurs s’attendent à une inflation annuelle moyenne sur la prochaine décennie proche de 1,2 %. La même analyse réalisée sur le marché américain montre que les investisseurs s’attendent à une inflation annuelle moyenne proche de 2,1 % d’ici à 2031. Ces niveaux sont proches de l’inflation moyenne des dix dernières années, ce qui nous laisse penser que le marché est revenu à une anticipation d’inflation « normale » après la baisse qui avait accompagné l’effondrement des prix du pétrole au printemps 2020.
Les économies développées ont vu les anticipations d’inflation revenir vers plus de normalité depuis que les mesures monétaires et budgétaires exceptionnellement accommodantes ont été mises en place. Les marchés sont encore loin d’anticiper une perte de contrôle de l’inflation par les autorités monétaires, mais la poursuite de politiques budgétaires expansionnistes financées par des volumes record d’achats de titres par les banques centrales devrait être profitable aux stratégies de couverture contre l’inflation. Il n’est donc pas exclu que la hausse des anticipations d’inflation se poursuivre alors que certains investisseurs chercheront à mettre en œuvre des stratégies visant à couvrir leurs actifs financiers contre une perte de contrôle de la dynamique des prix. Des conditions budgétaires et monétaires similaires à celles que nous connaissons avaient en effet été positives pour les obligations indexées à l’inflation entre 2010 et 2012.
L’inflation étant très corrélée entre les pays développés, les stratégies globales sont appropriées et permettent une meilleure diversification. La plus simple consiste à substituer des indexées toutes maturités confondues à de la dette souveraine. L’avantage d’une telle stratégie est sa simplicité, la hausse des anticipations d’inflation devrait se refléter dans une performance relativement meilleure pour les obligations indexées à l’inflation. Cependant, les obligations indexées ne sont pas exemptes d’un risque de taux. Il est donc important pour les investisseurs de prendre en compte cette dimension, dans la mesure où une envolée de l’inflation a souvent été associée à une hausse des taux longs. Pour ceux-là, on pourra préférer les obligations indexées à l’inflation de maturité courte (inférieure à cinq ans) et dont la performance tend à être moins sensible aux taux d’intérêt et un peu plus aux développements de l’inflation.