L'analyse d'Andrew Howard
La responsabilité sociétale devient une nécessité
Les impacts humains, sociaux, économiques et financiers de la pandémie de coronavirus ouvrent la voie à de nouvelles réflexions pour l’avenir. Mais au-delà de cette crise, les défis environnementaux et sociaux s’imposent de manière de plus en plus criante.
L’impact humain du Covid-19 est clairement dévastateur, bien que les projections les plus sombres impliquent un bilan largement inférieur à celui des pandémies historiques. En revanche, ses conséquences économiques et financières sont inédites, le monde actuel étant très différent de celui de 1918 (grippe espagnole) ou même d’il y a dix ans (la grippe porcine a coïncidé avec une hausse de 40 % du Dow Jones Industrial Average). Aujourd’hui, la société est de plus en plus attentive à la manière dont les entreprises opèrent, les chaînes d’approvisionnement sont ultra- complexes et connectées, les tensions sociales et environnementales sont vives, et la réglementation s’accélère pour remédier aux déséquilibres entre la réussite des entreprises et les besoins sociaux.
Ce contexte différent souligne l’importance de la durabilité pour l’investissement. Les marchés financiers ne sont plus isolés. Les entreprises ne fonctionnent pas en vase clos : leur succès reflète leur capacité à s’adapter à la réalité de la société à laquelle elles appartiennent. L’intersection entre les défis sociaux et environnementaux – qui constituent des risques financiers de plus en plus évidents – et les moteurs d’investissement ne fait que s’accroître.
Certaines pressions atteindront un seuil critique au cours de la prochaine décennie :
Le changement climatique va remodeler soit notre environnement physique, soit l’économie mondiale. Le Giec a averti que nous disposions d’une décennie pour réduire de moitié les émissions de GES. Si nous ne parvenons pas à nous défaire des combustibles fossiles, le monde sera confronté à des dommages physiques croissants, à l’élévation du niveau des mers, à la diminution des terres agricoles et à une plus grande variabilité du climat. Les émissions des années 1960 étaient deux fois moins importantes qu’aujourd’hui. Le retour à ce niveau d’ici à 2030, avec une population mondiale de plus du double et une production économique environ dix fois supérieure, impliquera une réaffectation massive des capitaux et des perturbations dans tous les secteurs.
Les progrès technologiques vont changer le rôle des travailleurs. PwC estime que l’intelligence artificielle pourrait mettre en danger 30 % des emplois d’ici aux années 2030, exigeant de nouvelles compétences et rendant superflues certaines activités existantes. Des changements comparables à ceux qui se sont produits pendant des siècles au cours de la révolution industrielle seront imposés en moins d’une génération.
Les troubles sociaux mettent en danger la stabilité politique et les systèmes économiques. Les pressions accumulées atteignent des points de rupture dans les économies développées et émergentes. Les décideurs politiques peuvent réagir en prenant des mesures pour rééquilibrer les conditions qui ont créé ces inégalités économiques. S’ils ne le font pas, les changements risquent de leur être imposés.
Chacune de ces tendances aura à elle seule un impact majeur sur les économies et les industries. Ensemble, elles peuvent fondamentalement transformer les marchés boursiers et l’investissement. Il sera vital de comprendre ces tendances et d’en tirer des conséquences. L’investissement durable devient une exigence, et non un choix.
Ces défis exigent une réflexion innovante et des outils plus robustes. Les notations ESG toutes faites, les évaluations subjectives et les règles empiriques paresseuses doivent être remplacées par de nouvelles approches dans tous les domaines de la gestion : définir et mesurer la durabilité des entreprises, quantifier l’impact des entreprises et pouvoir les comparer entre elles, construire les portefeuilles et aider les investisseurs à en comprendre les impacts.
Cette maturation va se poursuivre. Le secteur de l’investissement s’est longtemps concentré sur la dissection des données financières, en privilégiant les mesures de rentabilité des entreprises par rapport à la manière dont ces bénéfices étaient engrangés et leur durabilité. La roue est en train de tourner ; les gérants d’actifs doivent plus que jamais revoir leur approche.