Les turbulences politiques en France sont-elles un risque pour l'Europe ?

Publié le 2 septembre 2025 à 13h51

Christian Schulz    Temps de lecture 7 minutes

Les coûts d'emprunt de la France ont augmenté et les marchés boursiers ont reculé, les investisseurs anticipant la possibilité d'une chute du gouvernement dès le 8 septembre. Nous anticipons une sous-performance continue des actifs risqués français, un élargissement des spreads souverains et des vents contraires pour l'euro jusqu'à ce que les troubles politiques s'apaisent.

La France est sous les feux des projecteurs alors que les investisseurs digèrent la possibilité d'une chute du gouvernement dès le 8 septembre. Le Premier ministre François Bayrou a secoué les marchés le 25 août en annonçant de manière inattendue un vote de confiance sur son plan de réduction du déficit budgétaire.

En réponse, les principaux partis d'opposition français ont déclaré qu'ils voteraient contre M. Bayrou et son gouvernement minoritaire, tandis que le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a déclaré à France 2 TV qu'il « ne pouvait pas exclure » une dissolution du Parlement, un scénario qui déclencherait des élections anticipées.

Les coûts d'emprunt à 10 ans de la France ont grimpé jusqu'à 3,53 %, leur plus haut niveau depuis mars. L'indice CAC 40, qui regroupe les valeurs vedettes de la Bourse française, a perdu près de 2 % lors des échanges du 26 août, s'acheminant vers une deuxième journée consécutive de baisse.1

Cette nouvelle crise politique survient un peu plus d'un an après que le président Emmanuel Macron ait convoqué et perdu des élections anticipées. Ce scrutin a conduit à un Parlement plus fragmenté. Dans le climat politique actuel, marqué par la division, les chances semblent minces pour M. Bayrou, à moins qu'il ne parvienne à détacher le Parti socialiste (centre-gauche) du bloc de gauche et à inciter le Rassemblement national (RN, extrême droite) à s'abstenir lors du vote de confiance.

Toutefois, nous n'excluons pas la possibilité qu'un budget 2026 édulcoré puisse encore être adopté sous un nouveau Premier ministre.

En cas d'élections législatives anticipées, nous nous attendrions soit à l’émergence d’une nouvelle coalition instable, soit à la formation d’un gouvernement dirigé par la gauche ou la droite.

Nous voyons trois questions clés entourant le vote de confiance :

1. Comment cette nouvelle instabilité affecte-t-elle les perspectives budgétaires de la France ?

Nous pensons que le gouvernement continuera à rencontrer des difficultés sans un resserrement budgétaire significatif, voire avec des dépenses supplémentaires. Nous anticipons une révision à la hausse des prévisions de déficit budgétaire pour 2026 et au-delà, ce qui exercera une pression à la hausse sur les coûts d’emprunt de la France. Le gouvernement vise un déficit budgétaire de 5,4 % du PIB en 2025 et de 4,6 % en 2026, dans le cadre d’un plan quadriennal visant à ramener le déficit français en ligne avec la limite de 3 % fixée par l’UE.2

2. Quel est l'impact de cette situation sur les perspectives de croissance de l'Europe ?

L’instabilité politique pèse souvent sur la confiance économique. Par exemple, les entreprises peuvent retarder leurs décisions d’investissement et d’embauche si elles sont incertaines quant aux perspectives politiques. En France, la confiance des consommateurs tend à être corrélée à la popularité des principaux responsables politiques. Si les consommateurs ont moins confiance en leurs dirigeants, ils ont tendance à moins dépenser. Nous pensons qu’une faiblesse d’origine domestique pourrait nuire davantage à l’économie française qu’à l’accoutumée, dans un contexte de tensions commerciales accrues. En tant que deuxième économie de la zone euro, un affaiblissement de la demande française pourrait peser sur la croissance européenne dans son ensemble.

3. Cela met-il en péril la cohésion européenne ?

Nous pensons que l’incertitude politique en France pèsera sur les actifs risqués européens, y compris l’euro. La politique étrangère et européenne de la France reste largement sous le contrôle du président, et nous n’anticipons pas de changement imminent à ce niveau. La position du président Macron a été affaiblie par les conséquences de sa décision de dissoudre le Parlement l’an dernier, mais une démission anticipée demeure un risque extrême. Toutefois, le mécontentement à l’égard d’une gouvernance centriste pourrait renforcer les extrêmes, conduisant potentiellement à un scénario où un candidat d’extrême gauche et un candidat d’extrême droite s’affronteraient au second tour de l’élection présidentielle de 2027. Bien que les deux camps aient adouci leur rhétorique eurosceptique ces dernières années, ils pourraient encore s’avérer des partenaires difficiles pour l’UE et ses États membres.

Que signifient les problèmes de la France pour la zone euro ?

La résilience de la zone euro s’est nettement améliorée depuis la crise de la dette souveraine de 2011-2012. La Banque centrale européenne a développé des outils tels que l’instrument de protection de la transmission (TPI) pour intervenir sur des marchés désordonnés, et le Mécanisme européen de stabilité (MES) peut fournir un soutien conditionnel aux États souverains en difficulté.

Plus important encore, les réformes et la discipline budgétaire des anciens pays en crise ont restauré leur compétitivité et leur santé financière. Par conséquent, l’élargissement des spreads obligataires souverains en France ne provoque pas actuellement de contagion vers la périphérie.

En résumé, la France devrait rester politiquement instable au moins jusqu’à la prochaine élection présidentielle, peinant à inverser sa trajectoire budgétaire préoccupante et constituant un frein à la croissance européenne ainsi qu’aux réformes institutionnelles. Nous anticipons une sous-performance des actifs risqués français, un élargissement des spreads souverains et des vents contraires pour l’euro. Mais, selon nous, seule une élection présidentielle anticipée représenterait un risque immédiat pour la résilience européenne.

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Christian Schulz Chef économiste ,  AllianzGI

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