L’ESG est mort ? Vive l’impact ! 

Publié le 3 janvier 2023 à 9h00

Hervé Guez    Temps de lecture 4 minutes

En cette fin d’année 2022, Mirova fête ses dix ans. Si la célébration est évidemment assombrie par la situation géopolitique et économique, certains pourraient la croire également gâchée par la récente multiplication des critiques virulentes envers la gestion ESG1.

Ce n’est pas le cas. Au contraire, la proposition de valeurs construite autour de l’investissement à impact sortira renforcée de cette séquence. Non pas qu’il faille se montrer orgueilleux au point de rester sourd aux critiques et aux interrogations que soulève légitimement l’ISR qui ne s’en trouve qu’à ses débuts. Mais comment ne pas voir le paradoxe de ces critiques qui émanent essentiellement de ceux-là mêmes qui s’y convertissent à marche forcée, au point que cette approche représente dorénavant plus de 50 % du marché européen ? Certains plaident pour que l’ESG se réduise au sujet du climat, d’autres pour qu’il se préoccupe de tout au point de ne plus pouvoir rien faire : qu’il investisse dans l’innovation environnementale mais également dans la nécessaire transition des énergies fossiles, qu’il investisse dans la santé mais aussi dans l’industrie de l’armement indispensable pour nous protéger, qu’il favorise les gouvernances partenariales mais sans remettre en cause le primat de la valeur actionnariale. Ces deux critiques peuvent se comprendre ainsi : ou l’ESG ne devrait considérer que ce qui semble quantifiable et peut avoir un impact financier sur un horizon d’investissement court (la fameuse matérialité financière) ou il se cantonne à une finance éthique, mais alors de quel droit sanctionnerait-il une quelconque activité économique légale ? N’ont-elles pas toutes une légitimité et des bénéfices socio-économiques que seuls les décroissants remettent en cause ? On voit bien l’objectif de ces approches : que rien ne change, que l’investissement ne se préoccupe que des rendements financiers de court terme en embrassant tout le champ des possibles. Les tenants de ces deux approches extrêmes, qui finalement se rejoignent, cohabitent avec bien d’autres encore dans le « gloubi-boulga » des fonds classés article 8 dans la nouvelle réglementation européenne SFDR2. Bon vent ! Les dix prochaines années doivent être abordées avec le même enthousiasme et l’envie de développer l’impact investing encore plus fortement. Par impact investing, il faut comprendre une stratégie d’investissement qui répond non seulement à ce que devrait être l’article 9 de la réglementation SFDR, mais aussi aux trois exigences d’intentionnalité, d’additionnalité et de mesurabilité. Intentionnalité par des objectifs environnementaux et/ou sociaux inscrits dans les objectifs d’investissements et de façon contraignante dans les prospectus des fonds. Additionnalité par des choix d’investissements durables, dont une part significative vers des entreprises de petite et moyenne capitalisation très innovantes et ayant particulièrement besoin de lever des fonds pour financer leurs investissements d’avenir. Mesurabilité grâce à des mesures de valeurs environnementales et sociales aux meilleurs standards de l’industrie. Il est plus que jamais indispensable de continuer à allouer le capital là où la création de valeurs est la plus élevée. Et par valeurs nous entendons valeurs environnementales, sociales et économiques qui, n’en déplaise aux derniers croyants de l’efficience des marchés, ne se réduisent pas à la valorisation financière. Il faut continuer à plaider pour une réforme du capitalisme, qui n’en a pas fini de faire son deuil d’une valeur actionnariale le conduisant à sa perte. Nous persévérerons dans cette voie, chemin de crête dont il faut poursuivre le défrichement. Construire des méthodes d’analyse environnementale et sociale, établir de nouvelles normes comptables, transformer la gouvernance des entreprises, modifier les règles de fonctionnement des marchés : autant de défis dont l’ampleur ne saurait servir de prétexte à l’inaction. Il n’y a pas de main invisible, seulement les nôtres. Au travail !

1. L’intégration des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sert souvent de définition à l’investissement socialement responsable (ISR).

2. Selon la réglementation SFDR (règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité), les produits dits « article 8 » promeuvent entre autres des caractéristiques environnementales ou sociales, ou une combinaison de ces caractéristiques, même si ce n’est pas le point central du produit ou de son processus d’investissement.

Hervé Guez Directeur des gestions actions, taux et solidaire ,  Mirova

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