L’hybridation des actifs, le chaînon manquant entre épargne longue et économie réelle ?

Publié le 15 novembre 2023 à 17h34

Xavier Collot    Temps de lecture 4 minutes

Comme le montre l’ensemble des projections économiques, endiguer une mécanique de baisse du niveau des pensions dans les années à venir est un véritable enjeu sociétal. La récente réforme des retraites en France, qui vise plutôt à équilibrer les comptes, ne devrait pas changer la donne.

En effet, pour bénéficier d’une rente viagère simple de 1 000 euros par mois, un épargnant âgé de 65 ans aujourd’hui doit s’être constitué un capital d’environ 380 000 euros. Une somme considérable pour la moyenne des épargnants, d’où le besoin de rendements plus élevés, à plus forte raison dans un contexte d’inflation. Ce contexte contraint les épargnants à repenser leur allocation, tant du point de vue des stratégies déployées que des catégories d’actifs qui constituent leur portefeuille. Ils sont ainsi à la recherche de mécanismes novateurs pour accroître leur épargne et trouver des solutions visant à atténuer les fluctuations des marchés, à répondre aux impératifs de préservation du capital sur le long terme, et ce, tout au long de la vie.

Il est urgent d’innover

Dès lors, il ne suffit pas de renforcer l’épargne dédiée à la retraite : il faut, plus que jamais, la repenser. Bien que les Français aient démontré leur penchant pour les produits d’épargne, ceux-ci manquent cruellement de différenciation et proposent les mêmes stratégies pour des temporalités et des besoins différents. Deux questions se posent alors : comment évaluer sa propension au risque et comment définir l’horizon temporel d’investissement ? Les Français commencent à épargner pour leur retraite à 42 ans en moyenne, un délai qui offre une fenêtre de placement d’environ 22 à 23 ans. Il est donc essentiel de disposer de solutions d’investissement différenciantes adaptées aux horizons temporels étendus, avec des engagements sur le long terme, associés à des rendements supérieurs.

Vers une démocratisation du capital privé

En réponse à ces enjeux, la stratégie d’investissement hybride offre un équilibre intéressant en combinant des actifs privés et des actifs cotés tels que les actions et les obligations cotées. Les actifs privés tels que la dette privée, le capital-investissement et l’immobilier se distinguent par leur moindre corrélation aux marchés de capitaux, ce qui les rend moins sensibles à leur volatilité. Ils ont par ailleurs tendance à générer des rendements supérieurs sur le long terme grâce à leur potentiel de croissance et à leurs flux de trésorerie stables. De leur côté, les actifs cotés offrent une liquidité immédiate et une visibilité sur les marchés financiers. Un autre atout de ces fonds hybrides est leur accessibilité à la grande majorité des épargnants, y compris en épargne salariale et en épargne retraite, notamment par le biais de distributeurs tels que les assureurs et les conseillers en gestion de patrimoine. Historiquement, l’accès aux actifs non cotés exigeait un engagement financier initial significatif, souvent de l’ordre de centaines de milliers, voire de millions d’euros, ce qui les réservait aux investisseurs institutionnels et aux plus fortunés. Avec les fonds hybrides, cette barrière à l’entrée est supprimée, en s’ouvrant à des montants modestes. Ces fonds sont d’autant plus accessibles qu’ils conservent une part importante de liquidité, ce qui rassure les assureurs, les distributeurs et surtout les épargnants, en ce qu’elle offre des options de sortie en cas de besoin ou de dépense imprévue. Au-delà de la simplification d’accès, l’hybridation crée une véritable passerelle entre les investisseurs et les besoins en capital des entreprises, contribuant ainsi à réconcilier l’épargne avec l’économie réelle par le biais des actifs privés. Plus particulièrement, la dette privée se distingue en tant qu’alternative majeure pour les PME, offrant un moyen utile de financer leurs activités dans un contexte de resserrement des conditions des banques. En conclusion, face à une volatilité des marchés, source d’incertitude pour les épargnants, l’hybridation, qui associe épargne et économie réelle tout en offrant une part de liquidité et la perspective de rendements durables, constitue une solution pertinente. Pour autant, cette évolution comporte son lot de défis : il incombe aux sociétés de gestion d’éduquer les investisseurs quant aux avantages et contraintes de ces produits financiers et de les aider à naviguer à travers ces actifs plus complexes. L’hybridation est ainsi une des clés et l’un des outils essentiels à saisir et développer pour répondre aux évolutions de l’épargne de long terme, comme la retraite, et ainsi contribuer à construire un avenir financier plus robuste et serein pour les épargnants.

Xavier Collot Membre du comité de direction ,  Sienna Investment Managers

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