L’ISR : ne confondons pas «régime» et «manger bio»
L’intégration des considérations relatives à l’environnement, au social et à la gouvernance, emblématique d’une gestion ISR, fait bouger les lignes et les codes dans le monde de la gestion d’actifs. Il ne s’agit pas de se priver, mais de gérer dans une optique de bénéfice à long terme des portefeuilles plus sains.
Après des décennies de construction de portefeuilles exclusivement basée sur l’approche de la rentabilité future, la gestion d’actifs et les investisseurs s’initient peu à peu, voire se convertissent à l’investissement socialement responsable (ISR) et à la prise en compte systématique des considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement.
Ce changement ne va pas sans bousculer profondément des approches de gestion bien établies. Le changement introduit par l’investissement socialement responsable (ISR) a souvent été déroutant pour les gestionnaires d’actifs et les investisseurs.
Le principe d’une gestion ISR est de favoriser les émetteurs les plus vertueux, tant sur le plan financier que sur le plan ESG. L’idée est d’encourager des pratiques durables sans pour autant sacrifier la performance. Au contraire, c’est en adoptant de telles pratiques (comme l’efficience énergétique, la maîtrise et le recyclage des déchets, la gestion en circuit fermé ou la promotion de la diversité) que les émetteurs seront en mesure d’optimiser leurs activités, de garantir leur pérennité et, in fine, de créer de la valeur.
Tentons un parallèle avec l’évolution de nos pratiques alimentaires. Nous avons, aujourd’hui, parfaitement intégré le bénéfice du bio ou du commerce équitable dans notre quotidien. Nous acceptons un autre système de production, qui souvent a un coût financier plus élevé, car le bénéfice est ailleurs : à long terme, sur notre santé, sur la préservation des ressources naturelles, sur le respect de l’environnement que nous laisserons aux générations futures ou encore sur les conditions de travail ayant permis la production ou l’acheminement des biens.
A terme, c’est notre capacité future à générer de la richesse, au sens le plus large, qui est en jeu. Nous avons intégré que mieux se nourrir nous donnerait plus de chance de vieillir en bonne santé. Nous commençons seulement aujourd’hui à réaliser que mieux épargner nous permettra de mieux profiter de notre capital dans le futur pour nous-mêmes et nos enfants.
L’approche ISR est le début d’un nouveau défi ; elle recentre la question de l’investissement autour de nouveaux buts beaucoup plus larges que le gain immédiat. Elle a pour objet de s’assurer que des gains futurs seront possibles en encourageant les entreprises à adopter les meilleures pratiques. Epargner par un contrat d’assurance vie ? Oui, mais quelles conséquences sur le climat de demain ? Sur la place de l’humain dans la société ? Sur les conditions de travail ? Sur la santé des générations futures ? Et finalement sur la capacité à épargner demain ? L’ISR n’est pas une simple question de réduction de gain potentiel à court terme, elle nous offre une chance de donner un sens à notre épargne.
Cette réflexion axée sur la création d’une nouvelle forme de valeur bouscule les référentiels de la gestion d’actifs. Dans une approche visant à éliminer les mauvais élèves, pourquoi se priver d’une société qui aurait un fort potentiel sous prétexte qu’elle polluerait plus que ses pairs ? Cette – bonne – question n’avait jusqu’ici pas sa place dans un système exclusivement financier : le gain avant tout.
Le marché de l’ISR reste encore modeste en France, comme dans le reste de l’Europe. Même si la collecte accélère d’année en année, les fonds dits «ISR» sont encore peu nombreux et souvent difficiles à appréhender.
A l’image des labels alimentaires, le label ISR apposé sur les placements financiers est le garant d’une approche systématique de critères ESG dans le processus d’investissement. Dans un domaine qui est relativement technique, il permet d’offrir aux investisseurs particuliers un gage indépendant de crédibilité.