Marchés obligataires : la flexibilité, une approche clé en 2026

Publié le 10 décembre 2025 à 16h23

Henriette Le Mintier et Guillaume Fradin    Temps de lecture 4 minutes

Face au risque de hausse des taux et des spreads, synonyme de potentielle correction, le pilotage actif des portefeuilles obligataires est essentiel.

Au dernier trimestre de l’année, les données conjoncturelles indiquent une embellie de l’activité économique mondiale. La croissance fait preuve d’une résilience plus forte qu’anticipé, malgré la persistance de foyers d’incertitudes et de volatilité.

Cela s’explique par une conjonction de facteurs en soutien du cycle macroéconomique, comme la baisse des prix énergétiques, l’assouplissement des politiques monétaires des banques centrales, la bonne tenue des résultats d’entreprises au troisième trimestre et, jusqu’ici, le dynamisme de la consommation et des investissements, notamment dans l’Intelligence Artificielle, aux Etats-Unis. La perspective de politiques budgétaires plus expansionnistes aux Etats-Unis, en Allemagne et en Chine, devrait contribuer à renforcer graduellement la croissance mondiale en 2026.

L’année 2026 empreinte de complexité 

Cette amélioration de la conjoncture ne doit pas exonérer les investisseurs d’une lecture réaliste, lucide, des marchés obligataires. Des séquences de forte volatilité sont encore susceptibles d’agiter les marchés souverains, au gré de probables accès d’incertitude géostratégique, politique ou consécutifs aux Trumpnomics. Les niveaux de valorisation se sont tendus sur un certain nombre de segments obligataires, en particulier sur le crédit high yield[1] américain et européen, les bonnes nouvelles étant déjà en grande partie intégrées.

Avec des spreads désormais sensiblement resserrés, d’éventuelles surprises négatives macro ou microéconomiques pourraient être sèchement sanctionnées par une hausse des spreads et des taux, synonyme de correction obligataire. Cela impacterait fortement les performances, faute de coussin de protection.

D’autre part, il faudra scruter le comportement des taux à l’aune des nombreuses émissions d’obligations d’Etat prévues l’année prochaine, notamment dans le cadre du programme de relance budgétaire allemand et compte tenu du creusement du déficit américain. Rien qu’à l’échelle de la zone euro, les Etats ont l’objectif d’emprunter pour un montant total avoisinant 1 500 milliards d’euros, soit un pic d’émissions inédit depuis au moins une décennie – la France, l’Italie et l’Allemagne ciblent chacune entre 360 et 370 milliards d’euros[2]. La demande risque de ne pas être au rendez-vous, en particulier sur les obligations à long terme, avec des investisseurs plus exigeants ou exposés à de nouvelles contraintes, à l’instar des fonds de pension néerlandais qui vont devoir se délester massivement d’obligations souveraines, sous l’effet de la réforme du système de retraite aux Pays-Bas. De quoi nourrir une pentification des courbes de taux, autrement dit maintenir les taux courts au niveau actuel, voire inférieur, tout en mettant la pression sur les taux longs.

La qualité primera

Dans ces conditions, il sera nécessaire d’aborder les obligations souveraines selon une approche tactique et réactive. Nous affichons une prudence sur les parties longues des courbes de taux et préférons saisir des opportunités sur les parties courtes. Nous privilégions aussi certaines dettes souveraines d'Europe du Sud, qui devraient encore être soutenues par l’appétit des investisseurs.

Sur le marché du crédit, dont les fondamentaux sont globalement sains, le gisement d’obligations investment-grade offre toujours des opportunités et de la qualité. En revanche, nous estimons que la valorisation du segment high yield reste trop élevée.

Les obligations du secteur bancaire européen demeurent attractives selon nous. D’une part, les publications de résultats trimestriels attestent de fondamentaux robustes. D’autre part, l’absence de fort retour aux actionnaires est indéniablement un facteur bénéfique à la qualité des ratios de crédit. Le profil de certains leaders bancaires en Hongrie, en Pologne, ou d’établissements de deuxième rang en Italie semble attrayant.

Enfin, face au défi des valorisations tendues, la performance des investissements reposera inévitablement sur la robustesse des protections. Ainsi, le recours aux instruments dérivés, aux stratégies de duration ou encore à l’arbitrage de crédit permet d’immuniser en partie les portefeuilles aux risques baissiers des marchés.

Nul doute que le triptyque « agilité, sélectivité et protection » constituera encore la pierre angulaire de l’allocation obligataire en 2026. 

[1] Obligations à caractère spéculatif, dites «  à haut rendement », dont la notation de crédit s’établit de « C » à « BB+ », selon les principales agences de notation. Investment-grade : obligations dont la notation s’établit de « BBB- » à « AAA ».  

[2] Source : Natixis.

Henriette Le Mintier et Guillaume Fradin Gérants-analystes performance absolue taux & crédit ,  LBP AM

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