Obligations de transition : un potentiel prometteur à explorer.
Réussir une transition à l’échelle mondiale, en ligne avec les objectifs de l’accord de Paris, nécessite des investissements substantiels. Comme le souligne la feuille de route Net Zero 2023 de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE), les investissements annuels dans les énergies vertes doivent atteindre environ 4,5 trillions de dollars par an d’ici 2030 afin d’adapter les infrastructures mondiales. Pourtant, l’organisation Climate Bonds Initiative a rapporté que les obligations vertes et les instruments similaires n'ont levé qu'environ 670 milliards de dollars en 2024. Cet écart significatif révèle un déficit de financement critique : bien que les obligations vertes financent efficacement des projets « verts », elles ne suffisent pas à mobiliser le capital requis pour une transition à grande échelle.
Ce défi de financement a catalysé l'émergence des obligations de transition. Ces instruments sont conçus pour financer des entreprises et des projets qui ne répondent pas aux critères d'éligibilité stricts des obligations vertes traditionnelles, répondant ainsi à la fois à la demande des investisseurs pour des actifs durables et à l'offre limitée de projets purement « verts ».
Elles font partie du concept plus large de financement de transition, qui englobe plusieurs approches complémentaires. Selon l'International Capital Market Association (ICMA), elles sont au nombre de trois :
- 1) Transition globale de l’économie : transformation de l'ensemble du système économique pour atteindre des objectifs climatiques et de durabilité, souvent encadrée par des taxonomies ou par les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU.
- 2) Transition climatique : effort ciblé pour atteindre des émissions nettes nulles, principalement dans les secteurs de l'énergie et des industries à fortes émissions.
- 3) Transition des secteurs « hard-to-abate » : décarbonation des secteurs intensifs en combustibles fossiles ou développement d'alternatives durables. À l'heure actuelle, la majorité des obligations de transition adhèrent à cette définition, le Japon se démarquant comme un leader dans le développement de ce marché.
Aujourd'hui, la plupart des obligations de transition bénéficie d'un double étiquetage en tant qu'obligations vertes et obligations de transition. Bien que l'étiquette d'obligation verte reste cruciale pour attirer les investisseurs axés sur l'ESG, l’idée que limiter le financement exclusivement aux actifs verts ne suffira pas à atteindre l'objectif de 1,5 °C, commence à faire consensus. Le pool d'actifs verts éligibles demeure encore trop limité par rapport aux besoins, substantiels, de financement.
Or, actuellement, les obligations explicitement étiquetées comme « transition climatique » représentent moins de 0,4 % du marché mondial des obligations durables, selon une étude de l'ICMA. Bien qu'un standard universel n'ait pas encore été établi, des juridictions comme le Japon commencent à mettre en œuvre des cadres formels.
Leur potentiel de croissance apparaît considérable puisque dans les secteurs difficiles à décarboner, le financement axé sur la transition via diverses structures d'obligations durables ne totalise qu’environ 119 milliards de dollars, soit seulement 3,6 % du marché des obligations durables, selon l'ICMA. Même les Sustainability-Linked Bonds (SLBs), qui sont plus compatibles avec les thématiques de transition, ne représentent que 246 milliards de dollars.
À l'avenir, le principal défi consistera à développer un cadre dédié au financement de la transition climatique. Un tel cadre deviendra essentiel pour garantir la comparabilité, atténuer les risques de greenwashing et englober des voies de transition diverses. Au vu des investissements considérables requis pour limiter le réchauffement climatique, ces instruments incarnent une solution complémentaire pour combler le déficit de financements durables.
Louis Wuyam