Obligations « ESG » : quelques défis à surmonter pour poursuivre leur essor

Publié le 24 février 2021 à 10h40

Thede Rüst, gérant de portefeuille obligataire chez Nordea Asset Management

Pour que le segment des obligations ESG gagne encore davantage en profondeur de marché, le dialogue entre émetteurs et investisseurs doit être approfondi. Par ailleurs, l’univers des émetteurs « quasi-souverains » est en retard en matière de décarbonisation de leurs activités, tandis que les entreprises sont beaucoup plus réceptives, émettant de plus en plus d'obligations de type durable.

En comparaison aux marchés actions, les obligations sont généralement davantage traitées par les investisseurs institutionnels, si bien que les évolutions sur cette classe d’actifs peuvent être plus lentes à se produire avec une forme d’inertie. Pour autant, nous constatons que le développement des émissions d’obligations dites « ESG » est en train de s’accentuer, celles-ci étant perçues comme un outil financier particulièrement utile pour la réduction des risques en portefeuille.

Pour que le segment des obligations ESG gagne en profondeur de marché et en maturité, plusieurs enjeux se dressent encore devant les émetteurs et les investisseurs. Les différentes parties prenantes doivent approfondir encore davantage le dialogue afin de partager efficacement des attentes et objectifs communs. A titre d’exemple, l'Etat indonésien a récemment émis une obligation verte, ce qui a amené les investisseurs à s’interroger sur la conciliation de ce type de titre avec les défis réglementaires que le pays doit encore relever en matière de déforestation. Cependant, les émetteurs ont parfois besoin de financement pour enclencher leur transition verte, le dialogue en vaut donc la peine.

 Pour l’investisseur, une visibilité directe sur l'utilité des fonds collectés

 Notons également que l’univers des obligations d’entreprises évolue plus rapidement que celui des obligations souveraines ou quasi-souveraines en matière d’intégration ESG : bon nombre d’émetteurs quasi-souverains sont encore d’importants émetteurs de combustibles fossiles ou à forte teneur en carbone. Les émetteurs quasi-souverains sont également difficiles à adresser pour tenter d’infléchir leur stratégie carbone et d’initier des engagements, dans la mesure où direction et gouvernement se désignent mutuellement comme comptable de la politique énergétique ou sociale qui est menée. Il existe une forme de déresponsabilisation des pouvoirs publics ou semi-publics dans ces cas de co-entreprise ou d’entreprise nationalisée. Pour cette raison, l’univers quasi-souverain est encore globalement sous-pondéré dans les portefeuilles ESG.

Il existe donc une marge de progression pour la croissance du marché des obligations ESG, d’autant que les besoins en financement des émetteurs pour mener à bien leur transition verte demeurent colossaux pour la décennie à venir. Obligations « vertes », obligations « sociales », qui s’inscrivent dans le financement de projets (la Banque interaméricaine de développement a émis une obligation sociale pour financer le programme d'éducation et d'emploi des jeunes au Pérou), ou obligations liées à des objectifs de développement durable : l’investisseur a à sa disposition plusieurs formats de titres permettant d'établir un lien direct avec l'utilisation des fonds collectés. Notons d’ailleurs le mécanisme immédiat et très incitatif, propre aux obligations liées aux objectifs de développement durable. Si l'émetteur n'atteint pas les objectifs définis, le coupon augmente automatiquement. Cette formule et ce niveau de ciblage inédits et très concrets devraient contribuer à la poursuite de l’essor des obligations ESG.

Thede Rüst, gérant de portefeuille obligataire chez Nordea Asset Management

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