Préservation de la biodiversité : une thématique d’investissement qui monte en puissance
A l’instar de la lutte contre le dérèglement climatique, le respect de la biodiversité va mobiliser la communauté internationale à l’occasion de la prochaine conférence sur la biodiversité des Nations Unies (COP 15). Une thématique d’investissement encore difficile à appréhender mais riche d’opportunités alors que la prise de conscience du public et l’évolution de la réglementation poussent en ce sens.
Espèces disparues ou menacées, écosystèmes terrestres en danger, océans fragilisés par la pollution, la détérioration de la biodiversité au niveau mondial représente un défi considérable à relever pour l’humanité. La dernière édition du rapport « Planète vivante » publié en octobre 2022 par le WWF indique que depuis 1970, la population des espèces vertébrées sauvages a diminué de près de 70%. A l’instar des rapports du GIEC sur le climat, la plateforme intergouvernementale IPBES* sur la biodiversité tire également la sonnette d’alarme. Après la COP 27 sur le climat qui s’est achevée sur un bilan mitigé, la COP 15 sur la biodiversité, qui va se tenir du 7 au 19 décembre, à Montréal, est donc très attendue. L’enjeu de cette COP 15 consistera à adopter le cadre de biodiversité global post-2020, soit à définir des objectifs communs à horizon 2050 avec un point de passage en 2030. L’ambition politique autour de cette conférence est de reproduire pour la biodiversité l’effet mobilisateur de la COP 21 qui avait débouché sur l’Accord de Paris en 2015, actant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de limitation des températures.
En tant qu’investisseurs, notre rôle est d’évaluer entreprise par entreprise comment ces critères de respect de la biodiversité sont intégrés et quelles conséquences pouvons-nous en tirer sur les portefeuilles ? Tout d’abord, cela passe par l’exclusion des entreprises à impact négatif, dont l’activité contribue directement à dégrader les écosystèmes marins et/ou terrestres. Ensuite, investir pour préserver la biodiversité consiste à choisir des entreprises qui proposent des solutions contribuant à réduire la pollution, à améliorer la qualité de l’eau ou à réduire la production de déchets, notamment par la prévention et le recyclage.
Nous avons aujourd’hui une assez bonne cartographie des impacts et dépendances des activités et des secteurs. C’est pourquoi il demeure essentiel de comprendre les activités des entreprises et de leurs sensibilités vis-à-vis de la biodiversité. Dans ce cadre, la directive CSRD, dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2024, va constituer un progrès important, grâce à l’harmonisation des données extra-financières publiées par les entreprises européennes. Pour améliorer leur compréhension des enjeux, les investisseurs sont aussi incités à se tourner vers des fournisseurs d’informations différents, souvent plus expérimentés, plus spécialisés sur les questions de biodiversité que les agences de notation extra-financière traditionnelles. Les ONG font partie de ces nouveaux partenaires potentiels.
Les entreprises positionnées sur ce terrain constituent autant d’opportunités pour les investisseurs. Le gisement en question peut sembler plus limité que pour le climat mais la perte de la biodiversité constitue l’un des principaux dangers auxquels l’humanité soit confrontée, selon le World Economic Forum. On retrouve ce type d’entreprises dans toutes les zones géographiques. Tourné vers l’océan, le Japon compte ainsi plusieurs sociétés spécialisées dans la protection de l’écosystème marin. Riche d’une faune et d’une flore exceptionnelles et menacées, l’Australie se distingue également avec ses entreprises dédiées à l’économie circulaire. En Europe et aux Etats-Unis, on trouve davantage de sociétés tournées vers la lutte contre la pollution à travers par exemple la préservation des écosystèmes terrestres ou en eau douce.
Le cadre réglementaire progresse et encourage les investisseurs à agir
Si les difficultés demeurent pour harmoniser les données disponibles et définir des objectifs cohérents au niveau international, l’intérêt des investisseurs pour la thématique de la biodiversité est encouragé, au niveau européen, par la réglementation SFDR. L’enjeu est de rendre l’information plus lisible pour les clients afin que ces derniers soient davantage incités à financer des émetteurs plus respectueux du climat et de la biodiversité.
La Commission européenne devrait être en mesure de donner aux investisseurs, à partir de l’année prochaine, les règles à suivre concernant les « critères techniques d’alignement » de quatre objectifs environnementaux : l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et le contrôle de la pollution et enfin la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes. Une avancée qui permettra à toutes les parties prenantes (entreprises et investisseurs) de disposer des mêmes références et de parler le même langage sur la biodiversité.
En France, la préservation de la biodiversité n’est pas oubliée dans la loi énergie-climat. Ainsi, l’article 29 de la Loi énergie-climat, qui pose de nouvelles exigences en matière de reporting extra-financier pour les investisseurs, stipule bien que les risques liés à la biodiversité doivent être pris en compte et que les stratégies d’investissement doivent être alignées avec les objectifs de long terme relatifs à la biodiversité.
Ces progrès réglementaires, qu’ils s’inscrivent à l’échelle nationale ou européenne, associés à une prise de conscience plus grande du public et des épargnants pour ces questions, doivent maintenant se traduire concrètement en actes d’investissement. A ce titre, nous sommes convaincus que le respect de la biodiversité peut devenir la nouvelle thématique prioritaire des investisseurs engagés.
*Sources WWF : www.wwf.fr/rapport-planete-vivante et IPBES : ipbes.net