Private equity et Private Debt, vers une nouvelle dynamique en 2024

Publié le 14 février 2024 à 16h15

Isabelle Luy-Landès

Si le risque de défaillances d’entreprises s’est accru, l’univers d’investissement non coté a toutefois de quoi trouver un nouvel élan en 2024. Sur le marché de la dette privée, s’assurer de conditions d’investissement protectrices reste de mise.

Taux d’inflation et taux d’intérêt devraient se maintenir sur un plateau haut cette année - autrement dit, un coût de financement encore élevé pour les entreprises - toutefois leur stabilisation attendue offrirait une meilleure visibilité, en particulier pour l’évaluation des actifs non cotés.

Ces derniers mois les craintes de défaillances ont ressurgi, avec l’augmentation des taux de défaut des entreprises en raison du ralentissement économique et du resserrement des conditions de crédit. Il convient toutefois de rappeler que ces taux de défaut ont été anormalement bas entre 2020 et le premier semestre 2022, du fait des nombreux mécanismes d’aide étatique mis en place pour soutenir les entreprises pendant la crise sanitaire.

Les niveaux de défaillance actuellement observés traduisent donc surtout une normalisation, avec un retour graduel aux niveaux pré-covid. Il convient aussi de souligner le caractère hétérogène de ce regain, en fonction du segment de taille d’entreprise et de leur secteur d’activité.

2024 : « dry powder » et quête de liquidité devraient animer le non coté

Les acquisitions d’entreprises par des fonds d’investissement ont au global baissé de 30% en volume et de 66% en valeur l’an dernier en France (principalement en cause, la baisse des transactions valorisées au-dessus d’1 milliard d’euros), la part du capital-investissement dans les opérations de M&A étant tombée de 42% en 2022 à 21% [1]. On observe par ailleurs que les délais de transaction se sont significativement allongés et que beaucoup d’opérations n’aboutissent tout simplement pas. Voici pour le panorama d’ensemble. Néanmoins, le constat est moins sévère pour le segment des PME/ETI avec une baisse de 9% en volume et de 40% en valeur par rapport à l’année 2022, exceptionnelle mais en ligne avec les meilleures années de la période pré-Covid.

Et en 2024 ? Un certain rebond est attendu sur le marché du private equity, ce qui devrait mécaniquement revigorer celui de la dette privée, les opérations menées sur les participations galvanisant les opérations de financement. En effet, il faut s’attendre à une croissance marquée des flux transactionnels, d’entrée et de sortie. D’un côté, les fonds d’investissement ont beaucoup de « poudre sèche » (« dry powder »), des capitaux frais prêts à être investis dans les trimestres à venir. De l’autre, ces mêmes fonds d’investissement font également face aux demandes d’investisseurs souhaitant récupérer des liquidités. Cela incite les fonds à céder certaines de leurs participations, en priorité celles dans des actifs de qualité, les « trophy assets », car davantage liquides dans le contexte de marché actuel.

Qui plus est, les entreprises conservent d’importants besoins structurels de financement : accompagnement de leurs transitions énergétique et numérique, stratégies de « build-up », financement de leurs transmissions générationnelles. Notons d’ailleurs que plus de la moitié des PME/ETI françaises devraient changer de mains dans les 10 ans à venir, pour des raisons démographiques.

Conserver un positionnement protecteur sur la dette privée

Au regard de ces conditions et perspectives de marché, quel positionnement peuvent adopter les investisseurs en dette privée ? Comme souvent, la sélectivité des dossiers et la maîtrise du risque demeurent essentielles, en particulier face au risque de défaut. Une vigilance accrue doit être portée sur plusieurs aspects : les liquidités à court terme des entreprises qui permettent de financer l’exploitation, le « pricing power » des sociétés dans un environnement durablement inflationniste et, évidemment, l’état de leurs carnets de commandes et l’état de la visibilité sur leur activité.

Aussi, les dettes des petites et moyennes entreprises affichent un couple rendement-risque relativement attrayant, en raison d’un « deal-flow » sur ce segment de marché qui s’est globalement mieux maintenu que sur celui des grands émetteurs. Il semble aussi important de privilégier les dettes « senior sécurisées » et de sélectionner les émetteurs dont l’effet de levier est mesuré pour permettre aux entreprises de disposer de marge de manœuvre dans un environnement plus complexe.

Enfin, il est plus que jamais indispensable de ne pas négliger le contenu de « due diligences » renforcées en amont de tout investissement : couvrir juridiquement l’ensemble des risques et aléas, financiers et extra-financiers, à travers des covenants et prévoir l’encadrement des politiques acquisitives et l’inscription d’obligations de reporting. En somme, explorer le marché de la dette non cotée mobilise des compétences de gestion d’actifs autant que de structuration juridique rigoureuse.

 

[1] Source : données préliminaires de l’Institut Refinitiv

Avertissement : Les opinions exprimées (i) sont considérées comme fiables par LBP AM et fondées ou justifiées en fonction du contexte économique, financier, boursier et réglementaire et (ii) sont fournies uniquement à titre d’information.

Isabelle Luy-Landès Responsable dette privée corporate ,  LBP AM

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