Quand l’environnement devient trop incertain, mieux vaut rallonger son horizon au-delà des turbulences de court terme

Publié le 14 mai 2025 à 16h18

Laurent Gonon et Warin Buntrock    Temps de lecture 4 minutes

Le chaos provoqué par la guerre commerciale menée par les Etats-Unis et les incessants revirements de dernière minute rendent les prévisions à court terme particulièrement aléatoires. La nouvelle administration américaine paraissait même tolérer un freinage à court terme de la conjoncture résultant des droits douaniers prohibitifs. Mais une semaine de chaos sur les marchés financiers après la sidération provoquée par les annonces faites le « jour de la libération » ont finalement fait reculer le président américain qui a déclaré une suspension temporaire des droits de douane.

Les marchés ont rebondi de manière spectaculaire. Alors que jusqu’à présent, les mesures annoncées paraissaient indiquer un risque de plus en plus fort d’un ralentissement marqué de l’activité voire d’une récession, et donc un risque concomitant de contraction des bénéfices et des bourses, cet épisode illustre bien que les marchés financiers peuvent en ce moment aussi bien partir à la baisse qu’à la hausse. Quand la visibilité sur le futur immédiat parait plongée dans le brouillard, mieux vaut adopter une perspective à plus long terme.

Est-ce que les marchés actions sont devenus plus attractifs sur un horizon long ?

Entre leur point haut de mi-février et le 8 avril, date de l’annonce de la suspension de 90 jours des droits douaniers réciproques, les marchés actions avaient perdu 16 % (performance de l’indice MSCI World en USD) s’approchant du seuil de -20 % généralement indiquant l’entrée dans un marché baissier. Depuis cette date, l’indice mondial a rebondi de 11 % (au 25/4/25). Cela dit, les différentes places boursières n’ont pas toutes réagi de la même manière. Alors que les indices américains restent dans le rouge depuis le début de l’année (- 5,7 % pour le S&P 500), les indices européens affichent des performances positives (+ 7,3 % pour l’EuroStoxx; données au 25/4/25).

Cette forte volatilité n’a eu, pour le moment, que peu d’impact sur les prévisions de bénéfices par actions (BPA). Le consensus des analystes table toujours sur une progression des BPA en 2025 de 11 % pour le S&P 500 et de 6 % pour l’EuroStoxx. Le consensus anticipait mi-février une progression des BPA de respectivement 14 % et 8 % pour le S&P 500 et l’EuroStoxx.

Les valorisations des marchés actions ont commencé à décaler mais le changement reste aussi modéré. Le S&P 500 traite actuellement autour d’un multiple de 19 fois ses résultats à 12 mois contre 22 fin février et l’EuroStoxx affiche un multiple de 12,5 contre 14. Le multiple de valorisation de l’indice de la zone euro est repassé en-dessous de sa moyenne des dix dernières années de 14 alors que le S&P 500 se maintient au-dessus de sa moyenne de 18,5.

Les investisseurs ne semblent pour le moment n’anticiper qu’un léger ralentissement de l’économie et certainement pas une récession. Une récession provoque en effet en moyenne une correction de 30 % des bourses. Le nouvel ordre économique et géopolitique mondial qui semble émerger est porteur de nouveaux risques notamment une inflation durablement plus élevée et une croissance plus faible. Face à ses nouveaux risques, les marchés actions ne sont que modérément plus attractifs aujourd’hui qu’ils n’étaient avant le déclenchement de la guerre des tarifs douaniers. Ils conservent toutefois leur potentiel de croissance à long terme.

L’avertissement des marchés obligataires

Le relèvement des droits de douane à un niveau jamais vu depuis le début du 20e siècle par le président américain a déclenché un évènement rare, la baisse concomitante du prix des actions et des obligations. Les chutes boursières déclenchent en effet le plus souvent une fuite vers la sécurité des emprunts d’Etat considérés comme une valeur refuge. A l’annonce des tarifs douaniers le 7 avril, la valeur des Treasuries 10 ans a chuté brutalement provoquant une hausse de 47 points de base de leur rendement en 6 jours. Les investisseurs obligataires semblent ainsi douter de la crédibilité des promesses de l’administration américaine de baisse massive des dépenses publiques. Le déficit public des Etats-Unis a dépassé l’an dernier 7 %, bien supérieur à celui de la France (5,8 %) alors que la croissance était bien meilleure outre-Atlantique. Le Treasuries US n’est pas un actif financier comme un autre. Son rôle central dans le système financier international comme actif sans risque pourrait être écorné. Pour le moment ce n’est pas le cas, mais il faudra étroitement surveiller l’évolution de son rendement. 

Laurent Gonon et Warin Buntrock CIO, deputy-CIO des gestions ,  BFT IM

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