Terres Rares : enjeu majeur pour la transition énergétique ?
Parmi les facteurs de risque pour la croissance du secteur des énergies renouvelables, les Terres Rares sont régulièrement évoquées et suscitent des questions récurrentes. La production pourra-t-elle augmenter en même temps que l’impératif de transition ? Les réserves seront-elles suffisantes ? Les tensions géopolitiques peuvent-elles influencer le libre accès à certains minerais ?
Bien qu’elles jouent un rôle dans la transition énergétique, il est souvent exagéré. Il semble improbable qu’elles puissent former un frein à la croissance du secteur.
Rôle des Terres Rares pour les énergies renouvelables
Dans les énergies renouvelables, seul l’éolien offshore ne peut se passer de Terres Rares.
Deux minerais, le Néodyme et le Praséodyme, entrent dans la fabrication des aimants permanents nécessaires pour les générateurs de certaines turbines éoliennes. Mais les fabricants ont appris à se passer des Terres Rares, sauf pour l’éolien offshore, qui utilise les turbines les plus grandes. On recourt alors aux aimants afin de réduire le poids et la taille du générateur et donc, de la nacelle. Or, à ce jour, aucune technologie ne permet de les remplacer sans impacter la performance.
Concernant les autres segments des renouvelables, le domaine du photovoltaïque n’utilise pas de Terres Rares. Au niveau des batteries, seules les Ni-MH[1] (nickel hydrure métallique) contiennent des Terres Rares dans leur cathode, contrairement à la technologie dominante des batteries Lithium-ion. On recourt aux Terres Rares dans les aimants des moteurs pour les véhicules électriques, mais les constructeurs automobiles savent s’en passer (certains modèles de Tesla, Renault Zoé), au prix d’un véhicule plus lourd.
Le Terres Rares sont-elles « critiques » ?
L’Europe publie une liste de matières premières critiques dans laquelle on retrouve les Terres Rares. Cela ne signifie pas toujours que ces ressources sont insuffisantes ou en risque de pénurie à long terme, car on estime au contraire que les réserves pourront couvrir plusieurs siècles de demande[2]. Cependant, il y a un risque d’approvisionnement lié à un marché trop concentré et/ou une production en provenance de pays à forte instabilité politique. En effet, L’UE importe 95% des Terres Rares qu’elle utilise de Chine, et les Etats-Unis font à peine mieux.
D’après l’IEA, la Chine représente 60% de la production mondiale de Terres Rares et 87% du raffinage. Après des décennies de laissez-faire, cette dominance chinoise est vue comme problématique des deux côtés de l’Atlantique. Le véritable souci n’est donc pas la disponibilité des ressources.
Investir dans les Terres Rares
Le marché global des Terres Rares devrait connaître une croissance à deux chiffres au cours des cinq prochaines années et passer de 5,7Md$ en 2021 à 9,7Md$ en 2026[3]. Les quelques producteurs occidentaux profitent de ce marché en expansion et des volontés politiques de réduire la dépendance aux ressources chinoises. Cette industrie de petite taille a désormais un poids stratégique significatif.
La société australienne Lynas Rare Earths occupe le deuxième rang mondial avec une part de marché proche de 20%. Son unité de raffinage en Malaisie est aujourd’hui la seule de taille significative à opérer en-dehors de Chine. Le canadien Neo Performance Materials, via ses activités de séparation et de raffinage en Amérique du Nord et en Europe, devrait également être au cœur de la « renaissance » espérée de cette industrie hors de Chine.
Ces groupes sont porteurs car ils trouvent en amont de la production et contrent donc l’inflation. On peut de plus estimer que les producteurs de Terres Rares bénéficieront de la demande issue de l’éolien offshore, et que les prix ne reflètent pas encore la « prime géopolitique » imputable au poids écrasant de la Chine dans sa production.
[1] On retrouve ce type de batteries dans la toute première génération de véhicules électriques et également dans les piles de type AA ou AAA.
[2] Les réserves mondiales sont estimées à plus de 120mt (soit 500 fois la production 2020). US Geological Survey, 2021
[3] Rare Earth Metals Global Market Report 2022
Bruno Allain est Analyste senior chez Quaero Capital (France) SAS