Transition énergétique : trouver les voies de son financement

Publié le 22 mars 2024 à 14h00

Damien Granger    Temps de lecture 5 minutes

L’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, avec une étape intermédiaire en 2030 de réduction des émissions de CO de 40 %. Les solutions pour accélérer et réussir cette transition énergétique existent, mais la question des moyens à mettre en œuvre et de leurs financements peut se poser. 

La chaîne d’approvisionnement et logistique mondiale serait responsable de 3,9 milliards de tonnes équivalent CO2 par an d’émissions de gaz à effet de serre (GES), soit plus de 10 % du total dans le monde (analyse de DHL datée de 2023). Les transports (tous moyens confondus) seraient quant à eux responsables de plus de 16 % des émissions de GES, et l’industrie de 21 %. Les besoins des entreprises, les moyens et les investissements correspondants à la transition sont donc considérables ; ils concernent aussi bien l’approvisionnement énergétique que les chaînes logistiques et les outils de production. En 2022, l’Europe possédait une puissance de production d’électricité décarbonée d’origine éolienne de 255 gigawatts. D’ici 2027, poussée par des vents porteurs, on estime que la puissance installée sera en augmentation de 50 %, à la fois sur terre et en mer. Dans le secteur des transports, les commandes de navires à énergie verte sur les 10 prochaines années devraient avoisiner 1 300 milliards d’USD. 

Pour se prémunir des retards technologiques impactant leur compétitivité et pour anticiper des réglementations de plus en plus contraignantes, toutes les entreprises concernées doivent donc se transformer à moyen terme pour gagner en efficience énergétique. Elles doivent mécaniquement augmenter les investissements de renouvellement de leurs actifs. A ce jeu-là, certaines industries – souvent liées au charbon et aux énergies fossiles – sont mises au défi ; de nouvelles opportunités apparaissent pour d’autres : le marché du fret ferroviaire mondial, perçu comme un des moyens de transport les plus propres, devrait dépasser les 280 milliards d’USD dès 2026. De nouvelles technologies moins carbonées ont fait leur apparition depuis quelques années déjà et gagnent des parts de marché : moteurs hybrides ou à hydrogène, agrocarburants sont désormais communs. Mais avant de s’imposer à la majorité, ces solutions peuvent être complétées par des mesures transitoires de renouvellement des flottes et de l’appareil industriel avec des technologies moins gourmandes en énergie. La systématisation du recyclage et l’allongement de la durée de vie des actifs industriels, via par exemple la modernisation de leur motorisation, contribuent aussi positivement à la limitation des émissions et des nouvelles ressources naturelles nécessaires.

Afin de financer ces efforts, la volonté politique des pouvoirs publics ne manque pas. Le Fonds européen d’investissement (FEI), fort de ses 145 milliards d’EUR, soutient directement et indirectement, avec une liste de critères verts, le tissu industriel des entreprises de taille intermédiaire (ETI). En France, M. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle, porte depuis mai 2023 le projet de loi Industrie verte qui vise à un rééquilibrage des fiscalités vers les technologies propres pour favoriser une réindustrialisation verte. Ces impulsions sont nécessaires et utiles, mais elles souffrent parfois des aléas économiques et politiques sur le court terme. Dans ce contexte, les banques et fonds de dette sont des rouages complémentaires pour accompagner ces projets. Les fonds, plus spécialisés et experts, développent des capacités d’analyse et une connaissance adaptées aux besoins des entreprises pour financer leur capex de croissance et de transformation. Encore faut-il qu’ils soient accompagnés d’investisseurs long terme.

Les investisseurs institutionnels – banques, compagnies d’assurances, mutuelles, caisses de retraite – ont des engagements qui s’étendent sur plusieurs années. La logique et la raison voudraient que ce temps long favorise une proportion plus élevée d’investissements illiquides, voire plus risqués. Bien souvent néanmoins, des contraintes légales les en empêchent. En France, l’initiative Tibi (et son label donné à certains fonds de capital investissement et de capital-risque) pour soutenir et financer l’innovation technologique est la preuve que les fonds propres institutionnels sont de formidables relais. Sa deuxième phase donne la priorité à la décarbonation de l’économie, sous un angle technologique. A quand la création d’un label sur la transition énergétique plus axé sur l’industriel ? A quand une plus grande incitation fiscale pour les fonds qui participent activement à ces projets ? Une meilleure représentation des fonds de Private Equity, d’Infrastructure et de Dette privée en unités de comptes dans l’assurance-vie ou dans les PER est en cours. Les assureurs, pour leurs fonds propres et en épargne-retraite, doivent jouer, une nouvelle fois, leur rôle prépondérant dans l’investissement de long terme.

Damien Granger Partner, directeur des investissements ,  Flexam Invest

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