Vers une approche ‘nature positive’
L’investissement durable n’a cessé de gagner du terrain ces dernières années et l’attention s’est surtout portée sur la stabilité climatique, notamment l’intensité carbone. Cela s’explique, entre autres, par le fait que les émissions de carbone directes sont plutôt faciles à mesurer, et c’est donc la première donnée que les entreprises ont publiée dans leur reporting extra-financier. Les évolutions réglementaires et l’adhésion historique à l’Accord de Paris ont aussi été décisives, d’où un impact significatif sur le comportement des entreprises.
En cinq ans, le nombre de sociétés qui se sont fixé des objectifs d’émissions mesurables est passé de moins de 100 à plus de 1'000. Ces entreprises représentent une capitalisation boursière supérieure à USD 20'000 milliards, soit 20% de la capitalisation boursière mondiale, et elles proviennent souvent de secteurs dégageant les plus fortes émissions.
Si cela est encourageant, il est à présent primordial de braquer les projecteurs sur la nature également. Le secteur public comme le privé sont convaincus des avantages d’une économie neutre en carbone, mais il est aussi crucial de créer une économie ‘nature positive’ car ces deux aspects sont intimement liés:
La nature fournit d’importants puits de carbone, absorbant jusqu’à 40% des émissions[1].
L’érosion de la biodiversité est aussi à l’origine du changement climatique, l’alimentation et l’agriculture représentant 25% des émissions mondiales.
Il ne fait donc aucun sens de vouloir résoudre une problématique et d’ignorer l’autre, surtout lorsque la restauration de la biodiversité génère des opportunités d’investissement si attrayantes. La taille de ces opportunités dépend de trois facteurs: la demande, la réglementation et l’innovation.
Les consommateurs montrent un intérêt croissant pour la nature et ils sont nombreux à estimer que les entreprises ont une obligation morale d’avoir un impact positif sur la biodiversité.
Les grands décideurs ont aussi pleinement conscience de ce sujet et de plus en plus de personnes reconnaissent l’importance d’une approche similaire à l’Accord de Paris en faveur de la nature. Cela suppose la mise en place de politiques, un cadre réglementaire et des dépenses d’investissement. Certaines entreprises verront donc des surcoûts dans leurs activités tandis que, pour d’autres, ceci pourra se traduire par une opportunité de croissance supérieure et des avancées sur plusieurs décennies car les capitaux se réorientent à présent vers ces sociétés (dites ‘fixers’) qui visent à apporter des solutions en matière de biodiversité.
Les ‘fixers’ sont diverses mais elles ont en commun l’innovation. Les sociétés développant des pratiques agricoles en accord avec la planète en sont un exemple, comme celles contribuant à une économie circulaire ou à des espaces urbains soucieux de la nature. Et elles sont désormais accessibles publiquement. Le secteur des protéines végétales, inexistant sur les marchés cotés il y a cinq ans, affiche aujourd’hui une capitalisation boursière de plus d’USD 17 milliards. Vu que 65% de la population envisage de manger moins de viande[2] et que 25% le fait déjà, cela montre à quel point investir ‘aux côtés’ de la nature, et non ‘contre’ elle, présente un réel potentiel de performance tant financière que non financière.
[1] IPCC 2014, ‘Global Carbon Project 2019’
[2] Sondage Gallup 2019
Victoria Leggett est responsable Impact investing chez l'Union Bancaire Privée (UBP)
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