Les investisseurs ont immanquablement un rôle à jouer pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Mais pour espérer y contribuer, il est essentiel qu’ils soient formés pour appréhender correctement les enjeux d’un tel défi. Des outils dédiés doivent aussi être déployés pour prendre des décisions d’investissement à la hauteur d’une telle ambition.
Que signifie concrètement de devenir neutre en carbone d’ici 2050 ?

Pour atteindre la neutralité carbone en termes physiques, les émissions de gaz à effet de serre doivent être équilibrées par l’absorption des puits de carbone, c’est-à-dire des réservoirs qui stockent le carbone atmosphérique. Les principaux puits de carbone naturels sont les océans, les forêts en formation, les tourbières, les sols agricoles. A ce jour, il n’existe aucun puits de carbone artificiel à échelle suffisante pour éliminer le carbone de l’atmosphère et lutter contre le réchauffement de la planète. Pour atteindre cette neutralité carbone, il faudra réduire les émissions globales des foyers, transports, de l’agriculture et de l’industrie.
Pourquoi est-ce un vrai défi ?
Le CO2 est un oxyde et sur terre tous les oxydes sont des molécules très stables ; aucun processus chimique ne peut les éliminer de l’atmosphère. Pour disparaître, le CO2 doit donc entrer à nouveau en contact avec la surface. Or, c’est un processus très lent. Le second défi repose sur le fonctionnement des économies modernes, avec, depuis la révolution industrielle, des sources d’énergies très majoritairement fossiles. Pour atteindre une neutralité carbone d’ici 2050, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent diminuer en moyenne d’environ 7 % à 8 %1 par an au cours de la décennie. Cet objectif a été atteint en 2020… année marquée par une chute de l’activité économique en raison de la pandémie. Devenir neutre en carbone est donc une réelle révolution qui ne sera pas sans conséquence sur la croissance économique. Cette notion est fondamentale car atteindre la neutralité carbone au plus tard en 2050 est le seul scénario probable pour limiter le réchauffement climatique à + 1,5 °C.
Quelle est la répartition de la consommation d’énergie entre les différentes sources ?
Les sources fossiles, à savoir le pétrole, le gaz et le charbon, représentent aujourd’hui environ 80 % de la consommation d’énergie. Les 20 % restants sont constitués pour moitié de biomasse et pour l’autre moitié de nucléaire et d’énergies renouvelables. Parmi ces dernières, les panneaux solaires représentent moins de 1 % de l’énergie globale et les éoliennes seulement 2 %, contre 6 %2 pour l’hydroélectricité.
La principale source d’énergie renouvelable reste donc aujourd’hui les barrages. Par ailleurs, il est illusoire, et erroné, de comparer un kilowattheure provenant d’une éolienne ou d’un panneau solaire dont la production dépend, par nature, de forces naturelles non maîtrisables, et un kilowattheure provenant d’une installation dont la production peut être programmée et ajustée en fonction des besoins. Autrement dit, le niveau de consommation de nos sociétés ne peut être maintenu avec des sources d’énergies uniquement renouvelables.
Les investisseurs ont-ils à leur disposition les moyens pour contribuer à la neutralité carbone ?
La récente vague d’engagements nets zéro de la part d’investisseurs démontre leur détermination croissante à prendre des décisions aidant à soutenir un avenir net zéro et résilient. Ils ont à leur disposition une série d’outils et des principes directeurs pour contribuer à la neutralité carbone, tels que l’engagement actif auprès d’entreprises fortement émettrices, la décarbonisation des portefeuilles et l’augmentation des investissements dans les solutions climatiques. Afin de mettre en place ces stratégies de manière efficace, le point de départ est de pouvoir comprendre correctement l’ensemble des enjeux, d’en acquérir la « grammaire » et le vocable. Des modules de formations sur le changement climatique, le rôle de l’énergie dans l’économie, les conséquences de la réduction de la dépendance aux énergies fossiles sont donc des préalables essentiels. Ces heures de formation doivent nécessairement être complétées par des modules sur la compréhension des métriques et données développées par les différents organismes. Enfin, il faut développer une comptabilité non monétaire dédiée au carbone afin de pouvoir évaluer, investissement par investissement, la contribution à la neutralité carbone et les risques associés, pour in fine mieux comprendre la création de valeurs par les entreprises et les Etats dans le futur. Contribuer à la neutralité carbone à travers des stratégies d’investissement environnemental requiert donc la mise en place et le déploiement systématique d’outils spécifiques. Cela nécessite des investissements non négligeables, mais qui seront aussi sources d’opportunités sur le long terme.