Dans le cadre de MiFID II, les conseillers financiers doivent, depuis le 2 août 2022, prendre en compte les préférences de leurs clients en matière de durabilité avant de leur proposer un placement. Mais, en l’absence de directives claires et face à des échéances décorrélées dans l’application des réglementations, l’enrichissement du questionnaire d’adéquation et l’appréciation de ces préférences s’avèrent complexes.
Quel est le spectre des préférences en matière de durabilité que les conseillers financiers doivent désormais prendre en compte ?

Ces préférences sont déterminées selon trois axes de durabilité : la proportion des investissements que le client souhaite voir investis dans des activités considérées comme durables sur le plan environnemental par la taxonomie européenne, la proportion qu’il souhaite attribuer à des investissements durables au sens de SFDR et les modalités de prise en compte des PAI, c’est-à-dire les « principales incidences négatives » comme les gaz à effet de serre ou la violation des droits de l’homme. Ces préférences peuvent s’évaluer soit pour un placement financier individuel soit pour la totalité du portefeuille. En pratique, pour définir les préférences ESG d’un investisseur, et donc pouvoir lui proposer des solutions qui correspondent au mieux à ses attentes, chaque conseiller financier peut avoir sa propre grille de questions.
Ce manque de précision laisse donc place à l’interprétation ?
La mise en musique de ces préférences est un vrai casse-tête avec de nombreuses questions en suspens. Les trois axes de durabilité doivent-ils être interprétés de manière individuelle ou cumulative ? Sur la base des réponses apportées par le client, faut-il construire un score global ou interpréter chaque question séparément ? Concernant la proportion d’investissements en supports durables, faut-il prendre en compte une proportion minimale ou une fourchette ? En l’absence de directives précises quant à la manière de poser les questions et d’interpréter les réponses, et dans l’obligation de respecter la date de mise en application, chaque acteur a dû développer sa propre approche, en faisant ses propres choix méthodologiques, pour établir son questionnaire et également former l’ensemble de ses conseillers.
Notre approche chez Candriam a été de laisser la plus grande liberté au client et de lui demander de spécifier lui-même s’il souhaite que les trois réponses soient prises en compte de manière cumulative ou non. A ce manque de directives s’ajoute la décorrélation des calendriers des différentes réglementations. En attendant que les acteurs publient leurs indicateurs sur les PAI et la part, en 2023, de leurs investissements alignés avec la taxonomie, les institutions financières ont donc dû trouver des proxys pour recommander des produits financiers durables à leurs clients.
Régulateurs et associations aident-ils à y voir plus clair ?
Le cadre se précise progressivement. L’EIOPA1 a apporté des éclairages en juillet dernier et l’ESMA2 a publié fin septembre son très attendu guide pour accompagner les institutions financières sur lequel l’AFG3 a apporté une lecture claire et utile. On peut déplorer toutefois que le calendrier serré de SFDR et le déphasage entre les mises en application des différentes directives obligent le secteur à tâtonner et à faire des choix d’interprétation qui sont potentiellement remis en cause par la publication plus tardive des précisions quant à l’application de ces réglementations. La Commission européenne a entendu les problématiques remontées par les autorités nationales ou les associations du secteur, mais elle maintient son calendrier privilégiant l’approche de « l’apprentissage par la pratique ».
La pédagogie reste donc plus que jamais nécessaire ?
La mise en place de SFDR 2 nécessite un effort commun de pédagogie envers les investisseurs et leurs conseillers, probablement à la hauteur du défi climatique qu’il nous faut relever. Par ailleurs, s’il est louable que le nouveau règlement MiFID vise à promouvoir les produits financiers durables en évitant le marketing « vert » et en luttant contre le « greenwashing », les erreurs commises dans l’interprétation de directives trop vagues peuvent être à l’origine de nombreux contentieux. La prudence impose aux promoteurs de fonds de rester les plus fidèles possibles, dans leurs documentations commerciales, aux prospectus réglementaires validés par les autorités compétentes.
1. Autorité européenne de surveillance des assurances et des pensions professionnelles.
2. Autorité européenne des marchés financiers.
3. Publication des orientations de l’ESMA sur les préférences de durabilité dans les exigences d’adéquation MIF – AFG – Association Française de la gestion financière.