Pour permettre aux investisseurs d’appréhender correctement les enjeux de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, et de faire des choix d’investissement éclairés, ces derniers doivent avoir accès aux data des émissions directes et indirectes des entreprises, et donc à l’ensemble de leurs chaines de valeur. Pour cela, ils doivent s’appuyer sur des fournisseurs spécialisés.
Comment les émissions de gaz à effet de serre des entreprises sont-elles calculées ?

La comptabilité carbone classe les émissions des entreprises en 3 catégories, appelées « scopes » qui permettent d’évaluer leur empreinte carbone sur l’ensemble de leur chaine de valeur. Le scope 1 correspond aux émissions émises directement par l’entreprise, le scope 2 aux émissions indirectes de l’entreprise liées à l’énergie, comme l’électricité, et le scope 3 aux autres émissions indirectes de l’entreprise. Dans cette 3e catégorie, il faut distinguer le scope 3 amont, qui correspond aux émissions des fournisseurs de l’entreprise, et le scope 3 aval, pour les émissions de ses clients. Le poids des émissions de ces 3 scopes varie de façon très significative selon le secteur d’activité de l’entreprise.
Pourquoi est-il essentiel de prendre en compte les émissions scope 3 ?
Cette catégorie regroupe en général la très grande majorité des émissions liées à l’activité d’une entreprise. Sans sa prise en compte, la vision de l’empreinte carbone d’une entreprise est très incomplète, tout comme l’appréciation de sa contribution à la transition vers la neutralité carbone. Prenons le cas d’un constructeur automobile. Des matières premières et des matériaux sont nécessaires pour assembler les véhicules. Les gaz à effet de serre émis lors de l’extraction, la production et le transport de tous ces matériaux font partie du scope 3 amont. Les émissions liées à l’utilisation des véhicules par les clients, et plus généralement lors du cycle de vie des véhicules, sont comptabilisées dans le scope 3 aval. Des chiffres sont encore plus parlants. Actuellement, les émissions des scopes 1 et 2 représentent environ 5 % des émissions totales d’un constructeur automobile, celles du scope 3 amont 20 % et, donc, celles du scope aval 75 %. Pour un constructeur automobile, le risque sur sa trajectoire vers la neutralité carbone, mais également vers son potentiel d’amélioration, se situe donc essentiellement sur les émissions de scope 3 aval.
Les entreprises ont-elles l’obligation de communiquer ces données ?
Il existe des cadres de reporting volontaires partout dans le monde. Mais avec l’article 173-IV de la loi sur la transition énergétique, la France est le premier pays au monde à rendre obligatoire le reporting des émissions indirectes de scope 3, en complément, donc, des émissions de scope 1 et 2 pour les entreprises de plus de 500 employés. La majorité des pays n’encourage que la communication des émissions des scopes 1 et 2, avec généralement des données fournies uniquement par les grandes entreprises. Dans les quelques pays où les entreprises sont également encouragées à reporter leurs émissions de scope 3 amont et aval, les données sont généralement très partielles. Les données sur les émissions indirectes ne sont donc pas exhaustives, ni même comparables, entre les entreprises d’un même secteur.
Comment les investisseurs peuvent-ils alors sélectionner des entreprises au regard de leur empreinte carbone ?
Les travaux menés par certaines initiatives globales (par exemple Task Force on Climate-Related Financial Disclosures) ont aidé au développement de méthodologies permettant de calculer les émissions des entreprises. Des fournisseurs de données ESG ont développé diverses façons d’interpréter ces données brutes et des méthodes pour aider les investisseurs à les intégrer à leurs décisions d’investissement en fonction de leurs objectifs. Certains proposent également une approche dynamique avec des métriques complémentaires afin d’évaluer la crédibilité de la stratégie des entreprises en matière de transition vers la neutralité carbone, avec une analyse des réductions passées et futures d’émissions, de la stratégie climatique globale, des investissements dans les technologies à faible émission de carbone, etc. Les investisseurs peuvent alors s’appuyer sur ces bases de données pour sélectionner les entreprises au sein de leurs portefeuilles, suivre leur trajectoire vers la neutralité carbone voire obtenir des données de température à l’échelle d’un portefeuille. Pour les investisseurs ayant besoin de réduire leur empreinte carbone, ces méthodologies peuvent également permettre de construire des solutions d’investissement à faible teneur en carbone.