Loin de menacer les plans de transition énergétique, les préoccupations actuelles en matière de sécurité peuvent, au contraire, leur donner le coup de pouce tant attendu… avec, pour les investisseurs, une opportunité d’investissement « générationnelle ».
La crise énergétique est-elle un cygne noir ou un avant-goût de ce qui nous attend ?
À l’heure où des progrès urgents doivent être réalisés pour réduire notre empreinte carbone, nous faisons face à une crise énergétique sans précédent, avec des conséquences immédiates pour les consommateurs, mais aussi des répercussions profondes et inattendues pour de nombreux secteurs. Cette crise résulte d’une convergence d’événements rares, la guerre en Ukraine ayant un impact majeur sur les flux d’énergie vers l’Europe. Actuellement, alors que la demande s’accélère, d’autres facteurs liés à la production d’hydroélectricité et de charbon apparaissent également, mettant en lumière la fragilité des chaînes d’approvisionnement et de la situation géopolitique. Ils constituent une mise en garde contre le risque de volatilité des marchés de l’énergie à l’avenir, susceptible d’être déclenchée par des changements rapides et simultanés du côté de l’offre et de la demande au sein du paysage énergétique mondial.
L’impératif de transition énergétique peut-il fragiliser nos économies ?
Comme le soulignait en mai dernier l’Agence internationale de l’énergie1, nous ne pouvons pas simplement attendre que notre consommation de combustibles fossiles diminue en réduisant les investissements dans la vieille industrie énergétique comme le fait l’Europe. La hausse des prix entraînerait, certes, une baisse de la demande, mais elle tendrait à le faire de manière indifférenciée en touchant plus négativement les ménages à faibles revenus. Pour l’AIE, cette situation peut susciter des mouvements sociaux et donner lieu à des décisions politiques à court terme qui ne cadrent pas avec les objectifs de réduction des émissions, de sécurité et d’accessibilité financière à plus long terme.
Avec la crise énergétique, les plans de transition sont-ils au point mort ?
Nous sommes convaincus que les prix actuellement élevés des combustibles fossiles, leur volatilité et la politisation de l’énergie sont autant de moteurs favorables à la décarbonation. Tout d’abord, on observe un impact positif en matière de soutien politique, dans la mesure où cette crise géopolitique a permis de faire le lien entre transition énergétique et indépendance énergétique. En Europe, le plan REPowerEU annoncé par la Commission européenne en est un bon exemple. Il vient s’ajouter aux objectifs déjà ambitieux de l’Union européenne en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables et l’abandon progressif des combustibles fossiles. Par la suite, l’effet de substitution résultant de prix plus élevés pendant plus longtemps et plus volatils pour les combustibles fossiles va favoriser les alternatives écologiques, qu’il s’agisse de l’efficacité énergétique ou des énergies vertes. Les préoccupations actuelles en matière de sécurité énergétique peuvent donc donner le coup de pouce tant attendu aux plans de transition énergétique.
Concilier sécurité et transition énergétiques est-il une opportunité d’investissement ?
Les objectifs mondiaux ambitieux de neutralité carbone entre 2050 et 2060 ne pourront être atteints que si 3 000 milliards de dollars sont investis chaque année dans la transition énergétique. Ce chiffre est trois fois supérieur à ce qui est investi aujourd’hui, malgré les bonnes intentions affichées. Par ailleurs, si la politique énergétique est plus que jamais sous haute surveillance, le monde a besoin d’une énergie qui soit certes propre, mais également sûre et abordable. Pour les investisseurs, le défi qui consiste à fournir un bouquet énergétique répondant à ces exigences est une opportunité d’investissement qui ne se présente qu’une fois par génération. La façon dont l’énergie est produite, stockée et consommée pourrait bien définir les marchés financiers des dix prochaines années.
1. Net Zéro d’ici à 2050 : feuille de route pour le secteur mondial de l’énergie, Agence internationale de l’énergie, mai 2021