L'analyse de Daniel Gerino
La BCE sans marge de manoeuvre face au ralentissement de la croissance
Le programme d’achat d’actifs de la BCE s’est achevé trop tardivement. Malgré le réinvestissement des « tombées », Mario Draghi se retrouve sans munition alors que la zone euro affronte une conjoncture fragilisée. Les banques centrales ne pourront pas augmenter leurs taux cette année.
En décembre 2018, la Banque centrale européenne (BCE) a mis fin, comme prévu, à son programme de quantitative easing (QE) annoncé en 2014 et lancé début 2015 par Mario Draghi. Ce programme d’assouplissement quantitatif, consistant à acheter chaque mois des dettes souveraines et privées sur les marchés afin de faire baisser le niveau de la prime de risque et stimuler le recours au crédit, a globalement permis à la zone euro d’éviter de plonger en déflation.
Pourtant, le timing choisi par Mario Draghi est contestable. D’une part, la mise en place du QE a été réalisé beaucoup trop tardivement. Son instauration, dès 2010, aurait probablement permis d’éviter la crise des dettes souveraines en 2011. La position inflexible de l’Allemagne a fait perdre du temps à l’Europe entière. De leur côté, les Etats-Unis se sont montrés beaucoup plus réactifs avec trois programmes QE. Alors que le QE1 a été lancé dès 2008 pour riposter à la crise des subprimes, le QE3 s’est achevé dès octobre 2014. Si le « tapering » (annonce de la réduction progressive des achats d’actifs par la banque centrale) annoncé par Ben Bernanke avait provoqué en 2013 quelques secousses sur les marchés, la Fed a agi au moment opportun.
D’autre part, la BCE a mis fin trop tardivement à ce programme. Il fallait annoncer l’extinction de ce programme dès 2017. Le rythme de croissance en Europe aurait justifié un « tapering » et l’annonce d’une remontée en douceur des taux directeurs. Mario Draghi aurait alors pu justifier ce resserrement monétaire par la reprise des cours du pétrole qui alimentait le retour de l’inflation même si la core inflation (inflation corrigée des prix des matières premières et
de l’énergie) restait à des niveaux très faibles. Cette politique aurait donné à Mario Draghi des marges de manoeuvre en cas de nouvelle crise. Aujourd’hui, les taux réels ressortent à des niveaux négatifs mais les résultats de cette politique s’avèrent finalement assez minces.
Le QE n’a pas permis une relance massive de l’investissement en zone euro
Il convient en effet de s’interroger sur le bilan global de ces politiques monétaires. Si le QE a contribué à éviter le pire, la relance du crédit et de l’investissement n’a pas été au rendez-vous. Pas suffisamment. Le principal moteur justifiant la souscription d’un crédit par un chef d’entreprise demeure le carnet de commandes, avant le niveau des taux ! A ce titre, la relance budgétaire mise en place aux Etats-Unis a produit autrement plus d’effets positifs sur la conjoncture. Mais la volonté politique des dirigeants européens n’est pas à la hauteur des enjeux et Mario Draghi n’y peut rien. L’Union européenne manque d’une politique d’investissement de grande ampleur et d’une gouvernance à la hauteur de son envergure économique. Rappelons en effet que l’UE reste la première puissance commerciale du monde.
En 2019, Mario Draghi va ainsi devoir piloter la politique monétaire de la zone euro dans un contexte difficile marqué par le fléchissement de la croissance et une inflation inexistante. Seule marge de manoeuvre, la gestion des 15 milliards d’euros de « tombées » (coupons payés ou obligations remboursées à maturité par les émetteurs dont les titres ont été achetés par la BCE) qui pourront être réinvestis dans l’économie européenne.
En revanche, une remontée des taux directeurs de la BCE serait une décision bien hasardeuse. La fenêtre de tir à la disposition de l’Institution de Francfort, l’an dernier, n’a pas été utilisée et s’est refermée très rapidement. D’autant que les marchés n’ont pas encore intégré dans les cours l’hypothèse d’un « hard Brexit » qui pourrait produire des effets dévastateurs à l’échelle européenne. En revanche, une entente entre Donald Trump et Xi Jinping sur le front des relations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine serait un facteur important de soutien aux indices.
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