Les « actions stables » : un refuge protecteur face au triptyque inflation, hausse des taux et récession !
C’est d’une fausse note que naît la cacophonie. Le regain d’inflation des derniers mois – que les tensions géopolitiques ne manquent pas d’exacerber sur les marchés de l’énergie et des matières premières – et le relèvement rythmé des taux directeurs des banques centrales pour la contenir ont provoqué une réelle distorsion sur les marchés financiers. Historiquement à l’œuvre, les phénomènes traditionnels de décorrélation d’une classe d’actifs à l’autre n’opèrent plus. Et les investisseurs ont dû ainsi essuyer une correction généralisée sur les marchés actions et obligataires, associée à une recrudescence de la volatilité.
Ce changement de paradigme se matérialise par une profonde rotation au sein des styles des actions, entre « value » et « croissance » : la normalisation brutale des taux d’intérêt pour tenter de contrôler la poussée inflationniste qui a gagné les secteurs des biens, des services et de l’immobilier aux Etats-Unis ont plus fortement pénalisé les valeurs de croissance. Un contexte de marché qui présente par ailleurs des similitudes avec celui de la bulle internet du début des années 2000, un titre comme Netflix ayant atteint un pic de valorisation à environ 80 fois ses résultats avant de perdre près des deux tiers de sa valeur, en un an !
Une stabilité fondamentale protectrice… et du « pricing power »
Ces conditions plaident en faveur des « actions stables », des valeurs dont la stabilité découle de celle de leurs fondamentaux, avec notamment une croissance régulière de leurs dividendes et résultats nets, EBITDA ou encore des flux de trésorerie. Des caractéristiques intrinsèques bienvenues en vue de renforcer les portefeuilles alors que les risques de récession se font croissants. L’enjeu est donc d’identifier ces valeurs dont le risque est globalement inférieur au marché, grâce à une volatilité et un bêta plus faibles tout en veillant scrupuleusement à leurs niveaux de valorisation, la qualité de leurs fondamentaux et leur liquidité.
Cette qualité des fondamentaux est plus que jamais critique alors que l’inflation a atteint des records de plus de quarante ans, avec un pic à 9.3% aux Etats-Unis en juillet et 10.0% en Allemagne en septembre. En effet, certaines de ces actions stables bénéficient d’un fort « pricing power », c’est-à-dire la capacité pour ces entreprises à relever leurs prix et maintenir ainsi leurs marges bénéficiaires grâce à des barrières à l’entrée élevées, une situation de leader, des produits à forte valeur ajoutée ou une avance sur la concurrence. Un attribut qui s’avère précieux dans les périodes d’inflation galopante. Ce fut le cas notamment dans les années 70 et 80, où les sociétés stables et de qualité ont pu afficher une croissance réelle (nette d’inflation) sensiblement supérieure aux indices. Leur faculté à faire accepter des prix élevés à leurs clients, permet à ces sociétés de répercuter la hausse des coûts et de préserver ainsi leurs résultats.
Alors que les banques centrales poursuivent leurs remontées de taux et la normalisation de leurs politiques monétaires, les marchés actions ont amorcé des chutes d’autant plus fortes que le taux sans risque progressait. Ce phénomène est lié au fait que les investisseurs ont maintenant accès à des rendements de plus de 3.1% et 3.8% sur les bonds du Trésor américain à 1 et 3 mois. Cela augmente très fortement le coût du capital et réduit donc les valorisations des sociétés. Parmi elles, les valeurs les plus chères et de croissance, souvent plus consommatrices en capital, ont enregistré des chutes brutales, retraçant une partie des excès de valorisation atteints (à l’instar de NVIDIA). La moindre sensibilité aux taux des actions stables représente une opportunité pour limiter l’exposition au risque de hausse de taux.
Enfin, la résilience des fondamentaux demeure également clé au regard du risque grandissant de récession lié aux chocs d’inflation et de hausse de taux. Il semble plus que jamais utile de déployer une approche alliant « value » et « qualité », en prenant soin de rester à l’écart des titres dits « deep value » et trop cycliques (e.g. compagnies aériennes). Les actions stables aux fondamentaux solides affichent des valorisations et couples rendement-risque attractifs, car leur croissance stable est souvent peu considérée lors des phases de fortes hausses et de bulles.
Ceci est une anomalie car sur la durée la croissance de leurs résultats et dividendes est supérieure à celle de l’indice MSCI World, avec une révision négative des prévisions des analystes de seulement un tiers de celles du marché sur la durée. Cette résilience se retrouve notamment dans des titres comme Johnson & Johnson, Bristol Myers ou Iberdrola, dont la stabilité des résultats et dividendes sont gages de robustesse et d’une moindre sensibilité aux phases de récession. Ainsi, les « actions stables » constituent bel et bien le refuge que tout investisseur recherche lorsque la fébrilité gagne les marchés !
Nicolas Magnac-Dajean, CFA est spécialiste senior multi-asset chez Nordea AM
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