Quel futur pour l'approvisionnement en électricité ?

Publié le 16 octobre 2024 à 12h18

Virginie Maisonneuve    Temps de lecture 4 minutes

Sous l'effet conjugué de la désindustrialisation, du ralentissement de la croissance démographique et des progrès importants en matière d'efficacité énergétique, la demande d'électricité aux États-Unis est restée globalement stable au cours des dernières décennies. En Europe, elle a même légèrement diminué. Mais cela devrait changer à l'avenir en raison de diverses tendances séculaires : la décarbonation, les véhicules électriques, l'intelligence artificielle (IA) et les centres de données, ainsi que la restauration des chaînes d'approvisionnement.

Pour les dix à quinze prochaines années, les prévisions de la demande d'électricité aux États-Unis et en Europe sont relativement similaires : on prévoit une croissance d'environ 2 à 3 % par an. Ce rythme peut sembler raisonnable au premier abord, mais cette reprise de la croissance est déjà remarquable. Elle pourrait néanmoins sous-estimer les besoins réels.

A cela s'ajoute une tension entre une demande croissante d'électricité - en partie due à des projets de décarbonation dans l'industrie - et la nécessité de décarboner la production d'électricité elle-même. Cela peut entraîner des impondérables et des fluctuations. Pour les acteurs privés comme pour les pouvoirs publics, la capacité à produire et à distribuer l'électricité de manière efficace gagne donc en importance. Ainsi, les inquiétudes concernant l'approvisionnement énergétique futur ont déjà poussé certaines entreprises technologiques à agir au-delà de leurs compétences cœur dans le secteur de l'approvisionnement et de la distribution d'électricité, afin de garantir la sécurité d'approvisionnement future.

Cette question devient également importante pour les investisseurs : sous-estimer les besoins futurs en électricité peut représenter un risque d'investissement potentiel. Pour réussir à long terme, il sera de plus en plus important pour les entreprises d'être à la fois prêtes à faire face à tout imprévu et de faire elles-mêmes progresser l'efficacité électrique dans leur activité principale. Un exemple de progrès rapide dans ce domaine est le bond en avant réalisé dans la réduction de la consommation d'énergie des puces d'intelligence artificielle. Pour les investisseurs en technologie, mais pas seulement, l'approche des entreprises en matière d'approvisionnement en électricité et d'infrastructure devrait donc être prise en compte dans les réflexions sur leur durabilité.

En outre, il ne faut pas sous-estimer l'influence de la politique sur l'organisation du secteur de l'électricité dans les années à venir. La manière dont les débats sur des sujets tels que l'élimination progressive du moteur à combustion ou l'acceptation de l'énergie nucléaire et de l'énergie éolienne terrestre seront menés et résolus au niveau international aura un impact important sur l'offre et la demande d'électricité. A cela s'ajoute le fait que les investissements dans les réseaux n'ont pas suivi le rythme du développement des énergies renouvelables et qu'ils doivent être considérablement augmentés. L'exemple de la Californie incite à la prudence dans ce contexte : des investissements insuffisants dans l'infrastructure électrique y ont entraîné une telle hausse des prix de l'électricité que la demande a finalement diminué. Les investisseurs doivent être également attentifs à ce type de risques.  

Enfin, les investisseurs doivent également garder à l'esprit les aspects géopolitiques de ce sujet. Dans un ordre mondial en mutation, la technologie est devenue le centre d'attention des principaux acteurs. Le maintien de l'avance technologique dépendra de plus en plus de considérations complexes en matière d'infrastructure, de production et de sécurité énergétiques. Une réorientation de l'attention nationale vers ces domaines dans les pays développés est donc probable, avec une hausse des investissements, ainsi qu'un contrôle et une réglementation plus stricts de la part des pouvoirs publics.

Pour les marchés actions, cela implique que les investisseurs doivent de plus en plus tenir compte des environnements politique et économique de l'énergie afin d'identifier les entreprises à croissance durable.

Virginie Maisonneuve Directrice mondiale des investissements actions ,  Allianz Global Investors

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