Verdissement de la Chine : l’essor inattendu du développement durable dans la 2e économie mondiale

Publié le 21 juin 2024 à 14h00

Virginie Maisonneuve    Temps de lecture 4 minutes

Les préoccupations ESG sont souvent perçues comme un compromis entre durabilité et croissance économique, notamment en Chine où cette dernière a été la priorité depuis plusieurs décennies. Cependant, le contexte évolue ; la Chine place désormais les technologies et l’industrie verte au cœur de sa stratégie, avec trois axes principaux : le potentiel d’exportation, la diversification économique et la croissance durable.

En cherchant à conquérir de nouveaux marchés étrangers, la Chine vise à augmenter rapidement sa part dans les secteurs des énergies renouvelables, du stockage de l’énergie, des infrastructures de réseau et des véhicules à énergie renouvelable. Face aux défis du marché immobilier, le développement de nouvelles industries facilitera la transition vers une croissance axée sur l’innovation, assurant ainsi une durabilité tant au niveau des produits et services commercialisés que de la réduction des risques liés à l’immobilisation d’actifs dans un contexte mondial de transition vers de nouveaux modèles de production et d’échange. Ces transformations sont déjà en marche. En 2023, 1/3 des voitures exportées par la Chine étaient des véhicules électriques (VE), totalisant 1,8 million d’unités, soit une augmentation de plus de 67 % par rapport à l’année précédente. De plus, la production de modules solaires de la Chine s’est classée au premier rang mondial pendant 16 années consécutives, avec une domination de 80 % dans la production mondiale de polysilicium, de plaquettes de silicium et de panneaux solaires. L’engagement de la Chine en faveur de la production verte répond donc non seulement aux défis environnementaux, mais lui permet également de se positionner comme leader mondial des technologies durables.

Parallèlement à cette focalisation sur les nouvelles industries, les entreprises chinoises montrent une attention croissante à la gestion des risques ESG, en particulier dans les processus de fabrication et la gestion des chaînes d’approvisionnement. La Chine reste une plateforme de production pour de nombreuses marques internationales qui affichent de plus en plus clairement leurs engagements ESG. Par exemple, un géant américain de la technologie s’est engagé à atteindre la neutralité carbone pour l’ensemble de ses produits et de sa chaîne d’approvisionnement d’ici à 2030. Pour rester au cœur des chaînes d’approvisionnement de telles entreprises, la Chine devra s’adapter rapidement à ces nouvelles exigences.

Les réglementations nationales chinoises en matière d’ESG se développent rapidement. Depuis 2023, les entreprises d’Etat sont tenues de divulguer leurs informations ESG, et le système national d’échange de quotas d’émission (SEQE) est en expansion. Les bourses de Shanghai et de Shenzhen publient désormais des directives en matière de développement durable, mettant l’accent sur une transparence accrue pour les entreprises cotées.

Un autre facteur clé de ce changement culturel réside dans les attentes des investisseurs locaux et internationaux, fervents défenseurs d’une meilleure gestion et d’une plus grande transparence en matière d’ESG. Les investisseurs mondiaux engagent régulièrement des discussions avec les entreprises chinoises sur des sujets tels que la biodiversité, la gestion des chaînes d’approvisionnement et les normes internationales ESG. L’amélioration des rendements peut également découler des progrès réalisés par les entreprises en retard sur les normes ESG. Par exemple, les préoccupations concernant l’efficacité et les mauvaises notations ESG des entreprises publiques chinoises ne sont plus à démontrer.

Une gouvernance mieux encadrée peut conduire à des avancées telles que l’augmentation des dividendes pour améliorer le rendement des actionnaires et une communication proactive avec les investisseurs. L’évolution positive de la gouvernance dans de nombreuses entreprises d’Etat peut également être le signe d’une amélioration des performances futures.

En ce qui concerne la capitalisation boursière, certaines entreprises sous-évaluées jouent un rôle crucial dans la transition énergétique, même si leur impact n’est pas toujours direct. Ces entreprises, souvent mal notées par les agences ESG en raison d’un manque de communication, produisent des équipements essentiels tels que des transformateurs pour la résilience du réseau électrique, des solutions de refroidissement pour l’efficacité énergétique des centres de données, et des équipements pour véhicules à énergie nouvelle.

Les changements structurels en cours augurent une trajectoire positive pour les pratiques ESG en Chine, profitables tant aux entreprises qu’aux investisseurs.

Virginie Maisonneuve Directrice mondiale des investissements actions ,  Allianz Global Investors

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