Réglementation

De très nombreux chantiers attendent les sociétés de gestion en 2017 et en 2018

Publié le 5 mai 2017 à 10h34    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 10h53

Sandra Sebag

Pas de pause réglementaire en vue pour les sociétés de gestion françaises. Le calendrier restera très chargé pour les années 2017 et 2018. En cause, des textes sur lesquels les discussions ont été longues et qui entrent en application en 2018. En parallèle, elles doivent finaliser au premier semestre, leur mise en conformité vis-à-vis de textes dont les jalons se sont échelonnés sur plusieurs années.

Si de l’autre côté de l’Atlantique, l’heure semble être à la dérégulation à travers le détricotage de la loi Dodd-Franck, les autorités européennes peinent, quant à elles, à lever le pied sur la réglementation. «Bruxelles a annoncé depuis deux ans une pause réglementaire, le projet d’Union des marchés de capitaux proposé fin 2015 indique clairement la volonté des autorités de régulation de minimiser désormais le nombre de textes et de mettre l’accent sur le financement des économies, cependant sur le terrain, les sociétés de gestion sont encore loin d’en constater les effets», déplore Pierre Bollon, délégué général de l’Association française de la gestion financière (AFG). Plusieurs textes majeurs liés à la régulation post-crise entreront, en effet, en application au 1er janvier 2018, comme la directive MIFID 2, et à cela s’ajoute la nécessité de se mettre en conformité en 2017 avec des textes adoptés de longue date. «Plusieurs directives européennes possèdent des jalons qui se terminent au premier semestre 2017, rappelle Xavier Parain, secrétaire général adjoint et directeur de la gestion d’actifs à l’Autorité des marchés financiers (AMF). C’est le cas du règlement SFTR sur le prêt/emprunt de titres, du règlement EMIR sur les produits dérivés ou encore de la directive OPCVM 5.»

La plupart de ces textes nécessitent d’importants ajustements de la part des sociétés de gestion notamment en termes de reporting et plus généralement de gestion des données. «Les derniers textes européens se traduisent par des obligations en matière de collecte de données, d’agrégation et de transmission qui se traduisent par un coût de mise en conformité très important pour les sociétés de gestion», constate Pierre Bollon. Cette nécessité d’adapter les reportings, la documentation et/ou les systèmes d’information se retrouve dans quasiment tous les chantiers en cours de finalisation. «Le règlement SFTR prévoit notamment que les gestionnaires détaillent dans les prospectus l’ensemble des techniques de prêt et d’emprunt de titres mises en œuvre dans les fonds», évoque, par exemple, Xavier Parain. De même, la revue des contrats sur les produits dérivés doit être achevée très prochainement. «Le règlement EMIR doit conduire les sociétés de gestion à mettre à jour les contrats de collatéral conclus avec les banques d’investissement pour faire en sorte que les dépôts de garantie (marges) soient adaptés en cas de variation de la valorisation des produits dérivés», poursuit Xavier Parain.

Mais, c’est certainement sur les textes qui entrent en conformité au 1er janvier 2018 que le chantier sur les données est le plus important, et cela au-delà même des changements organisationnels qu’ils supposent. Qu’il s’agisse de MIFID 2 ou de PRIIPS, les obligations en matière d’informations sur les fonds seront en effet fortement renforcées. La première intègre notamment un volet important sur la gouvernance des produits qui supposent de délivrer davantage d’informations aux distributeurs. «Les sociétés de gestion vont devoir donner aux distributeurs les informations nécessaires afin que ceux-ci puissent précisément évaluer la compatibilité des produits distribués avec les besoins des clients, relève Xavier Parain. L’ESMA, organisme de régulation européen, devrait prochainement publier des guidelines comprenant des questions/réponses afin d’orienter les sociétés de gestion. De même, l’ensemble des coûts et charges sur les produits devront être détaillés». Du côté de PRIIPS aussi, les sociétés de gestion qui distribuent des produits autres que les OPCVM devront revoir leurs reportings. «Ce règlement va modifier en profondeur la documentation produits des sociétés de gestion qui interviennent dans le cadre de contrats d’assurance vie en unité de comptes, dans l’immobilier ou encore qui commercialisent des produits structurés», détaille Stéphane Puel, associé au cabinet Gide. De quoi occuper les sociétés de gestion.

Un changement de perspectives des autorités françaises

Si la régulation reste toujours prégnante en Europe, du côté des autorités françaises, les changements sont plus nets. «L’Autorité des marchés financiers (AMF) et le Trésor, ne pratiquent plus de surtransposition des directives et plus généralement des textes européens, comme cela a été le cas précédemment, se félicite Pierre Bollon, délégué général de l’Association française de la gestion financière (AFG). Par ailleurs, ils sont engagés avec les acteurs dans le cadre d’un groupe de Place, FROG, dont l’objectif est de promouvoir le savoir-faire français et d’attirer les talents.»

Un changement de direction affirmé par les autorités de régulation. «Nos initiatives sont guidées par deux fils conducteurs, précise Xavier Parain, directeur de la gestion d’actifs à l’Autorité des marchés financiers (AMF). Nous transposons les directives européennes sans ajouter de surcouche au niveau national. Pour les domaines non régulés en Europe, nous favorisons un cadre réglementaire facilitant l’innovation. Et sur les autres, dans la mesure du possible, nous prenons des initiatives afin de renforcer la compétitivité de la Place de Paris, à l’exemple de l’initiative FROG. Nous avons ainsi élargi la possibilité pour les fonds de prêter et prévu celle de mettre en place des mécanismes de plafonnement des rachats dans les fonds (gates), qui permettent de bloquer les rachats en cas de crise.»

Les autorités françaises ne s’intéressent d’ailleurs pas seulement aux sociétés de gestion françaises. Elles souhaitent aussi faciliter la venue de sociétés de gestion étrangères implantées notamment au Royaume-Uni et qui envisagent, compte tenu du Brexit, de créer une activité sur le continent européen. «Une société de gestion qui dispose d’un agrément auprès du régulateur britannique (FCA) peut depuis le mois de septembre dernier obtenir une acceptation de principe en seulement 15 jours pour créer une activité en France, témoigne Hannah Rossiter, directeur compliance et régulation chez Duff & Phelps France. Un bureau a été créé au sein des services de l’AMF afin d’accompagner les sociétés de gestion qui veulent venir en France en facilitant leurs démarches.»

Réforme des fonds monétaires, titrisation… de nouveaux chantiers à venir

Après de nombreuses années de débat, la réforme des fonds monétaires devrait être adoptée en 2017. Et dès cette année, les sociétés de gestion seront aussi indirectement concernées par plusieurs textes comme le règlement sur les indices de référence ou encore la directive sur les droits des actionnaires.

A plus ou moins brève échéance, Bruxelles envisage de réviser des textes majeurs pour les sociétés de gestion. «La Commission européenne doit procéder à une revue générale de la directive AIFM et pourrait remettre sur la table d’autres modifications de la directive OPCVM», avance Stéphane Puel, associé au Cabinet Gide.

Plus nouveau pour les sociétés de gestion, des discussions sont en cours sur le caractère systémique ou pas de leurs activités qui pourraient déboucher sur de nouveaux textes. «Au niveau international, l’OICV (Organisation internationale des commissions de valeur) et le FSB (Financial Stability Board) examinent les risques systémiques liés à l’utilisation de leviers et à la liquidité, indique Dimitri Parraud, consultant chez Duff & Phelps France. En Europe, ces travaux auront probablement des impacts réglementaires forts dans les années à venir, notamment sur l’utilisation des stress tests et les outils de gestion de la liquidité.» En parallèle, les autorités européennes travaillent sur un nouveau projet de réglementation lié à la titrisation que les sociétés de gestion vont devoir suivre avec attention. 

Un nouveau métier pour les sociétés de gestion : octroyer des prêts

A la faveur du règlement européen Eltif sur les fonds d’investissement de long terme, entré en vigueur fin 2015, les sociétés de gestion françaises peuvent depuis le second semestre 2016 octroyer des prêts et financer ainsi directement des acteurs économiques sans avoir besoin de passer par une banque. Le règlement Eltif prévoit en effet que ces fonds à long terme puissent octroyer des prêts, et dans la mesure où cette disposition n’existait pas en droit français, une intense activité de lobbying s’est mise en place afin d’étendre cette possibilité à d’autres catégories de fonds de droit français.

Elle a porté ses fruits puisque la loi de Finance rectificative pour 2015 a prévu un recours plus vaste aux prêts non bancaires, ce dernier ayant ensuite été détaillé dans le cadre d’un décret publié le 24 novembre 2016. «L’Autorité des marchés financiers (AMF) et Bercy ont décidé à l’occasion de l’entrée en vigueur du règlement européen Eltif de permettre à d’autres catégories de fonds de prêter directement à des acteurs privés, indique Stéphane Puel, avocat associé au Cabinet Gide. Pour l’instant, seuls les fonds professionnels spécialisés (FPS) et les fonds professionnels de capital investissement (FPCI) ont été autorisés à le faire depuis le 24 novembre 2016. Mais des discussions sont en cours pour étendre encore ce champ, cette fois-ci aux organismes de titrisation, elles devraient probablement déboucher au second semestre de cette année.»

Il s’agit d’une véritable opportunité pour les sociétés de gestion notamment celles qui sont déjà spécialisées dans la dette privée et qui voient leurs activités facilitées, mais aussi pour d’autres acteurs comme ceux du crowdfunding car ce nouveau texte leur permet de créer des pôles dédiés aux institutionnels. C’est le cas par exemple de la plateforme Lendix qui permet aux particuliers de prêter aux petites et moyennes entreprises (PME), celle-ci a créé une société de gestion, Lendix Factory, qui s’adresse à la clientèle des institutionnels qui souhaite prêter aux petites et moyennes entreprises (PME).

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