Bilan gestion d'actifs

ISR - Les gérants repensent leur offre pour convaincre les particuliers

Publié le 6 mai 2016 à 16h20    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 10h56

Sandra Sebag

Contrairement aux investisseurs institutionnels, les particuliers affichent peu d’appétit pour les fonds ISR. Les gérants spécialisés dans l’ISR mettent le cap sur la gestion thématique pour convaincre cette clientèle à la recherche de sens. Une démarche qui semble porter ses fruits.

Si l’investissement socialement responsable (ISR) a convaincu les investisseurs institutionnels, il peine à s’imposer auprès des particuliers. Pire, la proportion de particuliers détenant des fonds investis selon un process ISR tend à décliner ces dernières années. Selon la dernière enquête publiée par Novethic, les particuliers ne représentent plus que 18 % des encours ISR en France en 2014, contre un tiers en 2012. «La collecte auprès des particuliers sur les fonds ISR est en baisse depuis plusieurs années, prévient Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic. Ce phénomène est assez naturel, car l’offre de produits s’adresse d’abord aux institutionnels. Il existe, par exemple, très peu d’offres de fonds éthiques en France. Ces fonds qui intègrent des critères d’exclusion, sur les valeurs produisant des armes ou encore le jeu ou l’alcool, sont très développés dans des pays comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni pour un public de particuliers.»

Cap sur la gestion thématique

Les professionnels, quant à eux, mettent en avant la difficulté à comprendre la démarche afin d’expliquer ce manque d’appétit. «Pour les particuliers, l’ISR ou encore l’ESG sont des concepts trop abscons, précise Benoît Tomarelli, directeur commercial de CM-CIC Asset Management (CM-CIC AM). De même, la démarche “best in class”, consistant à sélectionner les entreprises les plus vertueuses d’un même secteur, est difficilement compréhensible. Dans un contexte où les particuliers ont peu d’appétit pour le risque, il n’est pas pertinent de complexifier le discours ; il est important, au contraire, de le simplifier.»

Par conséquent, beaucoup de sociétés de gestion ont modifié récemment leur approche et mettent en avant auprès des particuliers des fonds thématiques. «Pour faciliter l’appropriation des clients et des conseillers, nous avons, en lien avec l’actualité, choisi de mettre en avant l’un de nos fonds actions, l’environnement, qui est l’une des thématiques de l’ISR, indique Benoît Tomarelli. Les fonds thématiques sont en effet beaucoup plus lisibles. Les particuliers comprennent dans quel type d’entreprises ils investissent et l’impact de leurs investissements sur l’environnement.»

Ce thème est d’ailleurs soutenu par l’actualité. «Avec la COP 21, les médias se sont emparés du sujet de l’environnement, relève Benoît Tomarelli. Ils rejoignent une préoccupation des particuliers qui souhaitent apporter leur contribution à la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi leur quotidien, ils sont ainsi de plus en plus nombreux à consommer des produits bio et comprennent bien les enjeux liés à l’environnement.»

Du côté de BNP Paribas Investment Partners (BNPP IP) aussi, la gamme ISR à destination du grand public et de la clientèle privée a été enrichie l’an dernier et met, depuis lors, l’accent sur des fonds thématiques. «A travers ces fonds, les clients comprennent bien la notion d’épargner responsable et l’impact de leurs investissements sur la résolution de problèmes environnementaux ou sociaux», précise Béatrice Verger, responsable du développement ISR de BNPP IP. La société de gestion propose plusieurs fonds thématiques ISR : deux fonds d’actions – un sur l’eau (actions internationales) et l’autre sur le capital humain (actions européennes) – et un fonds diversifié pour les clients qui ne souhaitent pas investir dans les actions. «Le fonds BNP Paribas Aqua investit dans les entreprises qui interviennent dans le secteur de l’eau, que cela soit à travers la construction ou la rénovation des réseaux d’assainissement, mais aussi dans les entreprises qui innovent pour économiser de l’eau, détaille Béatrice Verger. Du côté du fonds sur le développement humain, BNP Paribas Développement Humain, nous privilégions les entreprises qui agissent pour un meilleur accès à l’alimentation ou à la santé ou encore qui s’adressent à la problématique du vieillissement de la population. Toutes ces thématiques parlent aux particuliers.»

La performance en ligne de mire

Une démarche qui a eu un impact significatif sur la collecte. «Nous avons assisté à un décollage de la collecte dans nos fonds ISR auprès des particuliers et des clients de la banque privée quand nous avons modifié notre approche de vente, affirme Béatrice Verger. Nos fonds sur ces deux thématiques affichent maintenant plus de 2 milliards d’euros d’encours sous gestion.» Cette démarche va donc au-delà, pour certains gérants, de la promotion des fonds ISR. CM-CIC AM propose ainsi depuis l’an dernier un fonds sur les entreprises leaders dans leur secteur et un autre sur les seniors. «Les investisseurs particuliers veulent se raccrocher à des thématiques identifiables et cela d’autant plus que, depuis le début de la crise financière en 2008, les marchés sont devenus beaucoup plus difficiles à appréhender, ils sont bien plus volatils», affirme Benoît Tomarelli.

Cette modification de l’offre n’empêche pas les sociétés de gestion de continuer à mettre l’accent sur la performance de leurs produits. «Notre objectif est d’avoir une performance financière au moins égale, sinon supérieure, à celle des fonds de la même catégorie, prévient Béatrice Verger. C’est le cas de nos fonds thématiques. Ceux-ci répondent en effet à des besoins clairement identifiés, les entreprises se situent donc dans des secteurs en croissance et ont des carnets de commande pleins.» Une performance également indispensable pour convaincre les particuliers.

Un succès en épargne salariale qui ne se dément pas

Les fonds ISR progressent de façon régulière dans l’épargne salariale. Selon les derniers chiffres publiés par l’Association française de la gestion financière (AFG), l’encours a atteint fin 2015, 22 milliards d’euros, ce qui représente une progression de 14,5 % sur l’année. L’ISR correspond désormais à près de 31 % de l’épargne salariale diversifiée. Cette part significative des encours s’explique par la mobilisation des syndicats en faveur de l’ISR. Peu de temps après la publication des lois Fabius en 2001, qui ont donné un premier coup d’accélération au développement de l’épargne salariale en créant les plans interentreprises et le PPESV (ancêtre du Perco), les syndicats s’étaient emparés de ce sujet en créant un comité intersyndical sur l’épargne salariale (CIES) en 2002. Ce comité avait notamment pour vocation de promouvoir l’ISR. Un label a ainsi été créé pour les fonds d’épargne salariale. L’encours des fonds labellisés par le CIES s’élevait début 2015 à 14 milliards d’euros, soit 74 % de l’épargne salariale ISR. Une démarche qui a donc facilité l’adoption de ces fonds à la fois par les entreprises et par leurs salariés.

L’assurance-vie utilise les critères ESG sans le faire savoir à ses clients

Selon l’enquête de Novethic, les institutionnels, et plus particulièrement les compagnies d’assurances, constituent les principales sources de croissance pour les investissements ISR. Outre la volonté d’améliorer leur image de marque et d’éviter tout risque de réputation, ces investisseurs sont également encouragés par les pouvoirs publics à accroître la part de ce type d’actifs. L’article 173 de la loi sur la transition énergétique adoptée en 2015 force en effet les institutionnels français à publier leur politique en matière d’utilisation des critères ESG (environnement, social et gouvernance) ainsi que les moyens qu’ils mettent en œuvre pour contribuer à la transition énergétique. En parallèle, plusieurs labels ont été publiés qui s’adressent aux produits : un label public ISR par le ministère des Finances et un label transition énergétique et climat promu par le ministère de l’Economie et du Développement durable.

Une grande partie des actifs gérés par les institutionnels, selon un process ISR, sont à destination des particuliers. «72 % des encours déclarés par les assureurs pour 2014, soit 78,4 milliards d’euros, viennent de fonds en euros, précise l’enquête Novethic. S’ils sont nourris par l’épargne des Français, ceux-ci ne sont pas informés de la démarche d’intégration de critères ESG. Les assureurs restent maîtres de la gestion de leur fonds en euros et les pratiques mises en place sont rarement expliquées aux clients.» Il existe ainsi en France un paradoxe : «Les particuliers bénéficient d’une démarche ISR dans le cadre de leur contrat d’assurance-vie, mais ne le savent pas, relève Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic. Il est vrai que ces contrats ne sont pas vendus avec une traçabilité sur l’usage des fonds, contrairement à d’autres produits. Si les distributeurs mettaient en avant l’ISR, ils seraient alors obligés de faire preuve de plus de transparence sur l’ensemble du process de gestion.»

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