Le marché des ETF continue à faire preuve de dynamisme tant du côté de la croissance des encours que de celui de l’offre. Ainsi, l’encours des ETF en Europe a progressé de 14 % à 516 milliards d’euros tandis que les sociétés de gestion ont lancé de nouveaux produits, notamment dans la classe obligataire et dans le domaine du smart beta.

Le marché européen de la gestion passive s’avère très concurrentiel. Morningstar Direct décompte pas moins de 2 373 ETF et 965 fonds indiciels ouverts non cotés à fin décembre 2016. Selon ce décompte, leur encours total s’élève à 1122 milliards d’euros. Pour Marlène Hassine-Konqui, responsable de la recherche ETF chez Lyxor Asset Management, si la tendance reste très porteuse, elle se situe en deçà de 2015 : «Avec 40,8 milliards d’euros en 2016, la collecte se situe dans la moyenne de ces dernières années et se trouve loin de 2015, qui avait été exceptionnelle avec 71 milliards d’euros.»
Si le faible niveau des coûts et l’enrichissement de l’offre qui vise à satisfaire des besoins de plus en plus élaborés expliquent en grande partie le succès des ETF, la qualité de leur performance reste l’un des principaux avantages de ces produits.«Une étude annuelle publiée par la recherche ETF Lyxor comparant la performance de la gestion active traditionnelle par rapport à son benchmark sur dix ans révèle que seulement 20 % des fonds parviennent à battre le marché. En outre, quand on analyse la persistance de la performance de la gestion active sur le long terme, cette dernière s’avère également très faible», poursuit Marlène Hassine-Konqui.
Point de vue partagé par Olivier Paquier, directeur SPDR France, Monaco, Espagne et Portugal chez State Street Global Advisors, qui pointe «une déception envers la gestion active dans son ensemble et surtout une problématique de confiance lors de la sélection du ou des fonds par l’investisseur. En revanche, ce désappointement n’existe pas avec les ETF, ceux-ci reproduisent fidèlement leur indice de référence». Comme les fonds activement gérés, les ETF donnent accès à un portefeuille diversifié sur un grand nombre de classes d’actifs, de styles, de zones géographiques et de thèmes mais en plus, ils ont l’avantage d’être cotés en bourse, ce qui en facilite l’accès, et supportent des frais de gestion moindres.
Les embûches ont jalonné l’année passée, notamment avec la dissipation des craintes sur l’économie chinoise, le rebond des matières premières, le retour de l’inflation, sans compter les votes en faveur du Brexit au Royaume-Uni et l’élection de Donald Trump qui ont pris les marchés à contre-pied. Malgré ces événements majeurs, les ETF n’ont pas subi de sorties massives. «Par contre, nous avons constaté des réallocations sur les classes d’actifs. Par exemple, dans les jours qui ont suivi le Brexit, nous avons vu deux vagues. La première a consisté en achat sur les ETF exposés aux emprunts d’Etat britanniques dont le taux de rémunération était plus intéressant que leurs concurrents de la zone euro. La deuxième s’est concentrée sur le FTSE», explique Olivier Paquier. De même chez Theam, le vote britannique ne s’est pas traduit par un reflux des expositions mais par une évolution géographique : «Les ETF sur la thématique de l’immobilier européen coté ont le vent en poupe auprès des investisseurs depuis quelques mois», souligne Bertrand Alfandari, responsable du développement Index et ETF.
Une offre étoffée sur les segments obligataires
Contre toute attente, les ETF adossés aux indices Etats-Unis enregistrent un succès somme toute remarquable face au niveau élevé de la valorisation des actions outre-Atlantique et à la durée de la croissance économique. Toujours est-il que, sur le marché européen, le compartiment enregistre en 2016 des souscriptions nettes de 12,5 milliards d’euros, contre 6,6 milliards pour les ETF monde. En revanche, l’Europe fait face à des rachats pour 7 milliards d’euros malgré les convictions favorables des allocataires d’actif en début d’année, et le Japon pour 2,6 milliards d’euros. «Au global, plus de 50 % de la collecte des ETF actions est allée sur l’Amérique du Nord en 2016, en revanche les ETF sur les actions européennes ont massivement décollecté», confirme Bertrand Alfandari.
Les ETF sur indices obligataires enregistrent un succès sans précédent. L’année passée cette catégorie enregistre des achats nets pour 22,4 milliards d’euros, contre 15,9 milliards pour la catégorie actions. Les anticipations de hausse des taux d’intérêt et le retour d’une inflation, certes sans tension réelle pour l’instant, ne militent pas a priori en faveur des placements à revenu fixe, d’autant plus que le niveau toujours très faible des taux de portage excède de peu les frais de gestion. Cependant, les investisseurs ont été sensibles au développement de l’offre sur une grande diversité de segments. «Nous avons élargi notre gamme d’ETF d’obligations d’entreprises et possédons désormais des ETF d’obligations d’entreprises les mieux notées et à haut rendement en euro, mais aussi en dollar», précise Marlène Hassine-Konqui. La visibilité apportée par l’extension du programme de rachat d’actifs de la BCE aux emprunts d’entreprises de la zone euro a joué un rôle crucial. La recherche de rendement a également incité les investisseurs à diversifier leurs allocations obligataires. Lyxor AM enregistre ainsi un flux acheteur net de 5 milliards d’euros sur ce segment. En outre, relève Olivier Paquier, «autant les investisseurs institutionnels sont habitués à investir en direct sur les OAT, autant investir sur des Gilts au Royaume-Uni est compliqué en raison d’une réglementation spécifique en règlement livraison. L’ETF facilite l’accès de nos clients à ces classes d’actifs».
Le retour de l’inflation aux Etats-Unis (grâce aux tensions sur le marché du travail qui commencent à apparaître), au Royaume-Uni (du fait de la baisse de la livre sterling) et en Allemagne a largement bénéficié aux ETF adossés aux indices d’obligations indexées sur l’inflation. Les investisseurs ont augmenté leurs expositions sur ce segment de marché, ainsi que sur les ETF d’obligations de faible maturité, pour couvrir en partie les portefeuilles contre l’impact négatif de la normalisation des politiques monétaires des banques centrales. Au total, en 2016, le volume quotidien des ETF obligataires a été de 36 % supérieur au volume des ETF actions, alors que leur capitalisation ne représente que 10 % du marché, signe d’une excellente liquidité.
Succès croissant du smart beta

Les ETF smart beta continuent à susciter une forte attraction sur les investisseurs institutionnels. «Il est possible de proposer des ETF sur des indices généralistes à tout investisseur institutionnel ou particulier. En revanche, pour le smart beta, l’intérêt est surtout marqué chez les investisseurs institutionnels ; ces produits sont sans doute plus techniques et nécessitent des efforts de pédagogie pour intéresser les particuliers», estime Bertrand Alfandari. Si le nom de smart beta est encore relativement nouveau, l’approche reprend des notions mises en œuvre depuis longtemps car il s’agit de capter les primes liées à des facteurs explicatifs de la performance, tels value, momentum, faible volatilité, petite capitalisation.
L’utilisation d’une gestion modélisée systématisée correspond bien à la structure ETF car elle contribue à l’industrialisation de la gestion qui tourne le dos à la reproduction d’indices pondérés par la capitalisation boursière. «Depuis plusieurs années, les investisseurs ont acheté des ETF smart beta à des fins de stratégie de long terme, pour réduire le risque et générer du rendement. Cependant, depuis l’année dernière, ils les utilisent aussi à des fins tactiques en optant en faveur des facteurs minimum volatilité et value selon leurs anticipations», explique Marlène Hassine-Konqui. Si les encours d’ETF smart beta sur le marché européen restent modérés face aux thématiques cœur de portefeuille, comme peuvent l’être les ETF sur indices globaux et sectoriels, ils obtiennent un succès significatif : en 2016, le flux net acheteur des ETF smart beta atteint 7 milliards d’euros, alors que celui de l’ensemble des ETF actions s’élève à 15,9 milliards d’euros.
Le risque de liquidité des ETF reste controversé
Le développement de la gestion passive et des ETF en particulier continue à susciter des craintes sur la liquidité de ces instruments. En concentrant une part de plus en plus importante de la gestion dans ces produits indiciels cotés, ne crée-t-on pas une illusion de liquidité ? Une étude publiée par l’AMF en ce début d’année montre qu’a priori, un défaut de liquidité ne devrait pas se concrétiser sur les sous-jacents européens et français. En effet, le taux d’emprise des encours d’ETF sur l’indice Eurostoxx 50 ne dépassait pas 1,5 % en 2015, contre 1,1 % pour les actions de l’Union européenne et même 0,6 % pour le CAC 40. Et malgré l’engouement suscité par les obligations à haut rendement de l’Union européenne ces dernières années, le taux d’emprise des ETF spécialisées se cantonne à 0,3 % seulement. Tout en rappelant qu’un défaut de liquidité ne peut être entièrement écarté, l’AMF reste confiante en l’état actuel du marché.
Sur un compartiment dont le flottant peut s’avérer étroit, comme celui des petites valeurs européennes, l’ETF le plus important avait un encours de 450 millions d’euros à fin décembre 2015. Adossé à l’indice MSCI EMU Small Cap, il est pondéré par les capitalisations, si bien que les principales composantes du panier de référence ont des capitalisations de plusieurs milliards d’euros. L’étude précise que parmi les dix principales composantes du panier, le taux d’emprise était de l’ordre de 0,1 % avec un maximum de 1 % environ. Bien évidemment, le risque s’avère en revanche plus fort pour les ETF dont le panier est équipondéré ou lorsqu’il est investi sur un marché stressé. La fermeture de la Bouse grecque en juillet 2015 avait entraîné la suspension d’ETF sur une longue période, rappelle l’autorité de tutelle.