Bilan gestion d'actifs

MIF 2 - Le lobbying a permis de limiter les conséquences de la directive

Publié le 6 mai 2016 à 11h58    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 10h56

Sandra Sebag

Le texte ne bouleversera pas en profondeur le modèle économique des conseillers en gestion de patrimoine et plus généralement de la distribution en France. Cependant, la transparence va s’imposer ainsi qu’une cascade d’informations à fournir aux particuliers.

Fin décembre, la Commission européenne annonçait le report surprise d’un an de l’entrée en application de la directive MIF 2 (marché des instruments financiers) qui se fera donc au 3 janvier 2018. En cause : la complexité des infrastructures techniques à mettre en place. Il est vrai que cette directive touche un grand nombre de sujets et concerne la plupart des acteurs financiers. Le texte intègre en effet deux volets : le premier concerne les infrastructures de marché (MIFIR 2) et un second est centré sur la distribution et les obligations en matière de transparence (MIF 2). C’est notamment sur ce deuxième aspect que les débats se sont concentrés en France. La première version du texte avait en effet suscité une levée de boucliers de la part des associations professionnelles et de multiples actions de lobbying auprès des autorités européennes afin de réduire l’impact de l’interdiction des rétrocessions sur le modèle économique des CGP.

La directive prévoyait en effet leur interdiction pour les CGP qui se déclarent indépendants et des contraintes importantes pour les conseillers non indépendants qui souhaitaient continuer à en percevoir. «Nous nous sommes battus contre la première version du texte de l’ESMA car les contraintes associées aux rétrocessions remettaient en cause la faculté d’en percevoir, relève Benoist Lombard, président de la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine. Dans la nouvelle version présentée au mois de décembre 2014, l’ESMA a revu sa copie en allégeant les contraintes de sorte à ce que les conseillers pourront en toucher dans le respect de MIF 2.» Une condition doit cependant être remplie : ils doivent améliorer le service rendu aux particuliers. «L’information devra être régulière et tenir compte à la fois de l’évolution de la situation patrimoniale des épargnants et de celles des marchés financiers, la sélection de produits proposés devra également être expliquée au client, précise Benoist Lombard. Toutes ces obligations sont d’ores et déjà prévues dans le cadre du statut de conseiller en investissement financier (CIF) auquel les conseillers en gestion de patrimoine sont soumis.

Pas d’extension à l’assurance vie

Si les associations professionnelles se sont battues avec autant d’acharnement, c’est aussi pour éviter l’extension de l’interdiction des rétrocessions aux produits d’assurance vie. «Les produits soumis à MIF ne représentent que 5 % du chiffre d’affaires des conseillers en gestion de patrimoine qui utilisent généralement des enveloppes fiscales comme l’assurance vie pour distribuer des produits de gestion, précise Olivier Rozenfeld, président associé du groupe Fidroit. La mobilisation visait ainsi plutôt la directive sur la distribution des produits d’assurance.» Celle-ci devra entrer en vigueur au même moment que MIF 2, mais ne prévoit pas, quant à elle, d’interdiction de rétrocessions. Elle inclut tout de même un volet sur le renforcement de l’information des particuliers. «La transparence constitue un véritable enjeu pour la profession, poursuit Olivier Rozenfeld. Les particuliers vont devoir être informés des frais de gestion sur les fonds, mais aussi sur les contrats d’assurance vie.»Les spécialistes craignent donc une pression à la baisse sur les prix et cela d’autant plus que l’émergence de la distribution via Internet s’appuie sur la proposition de frais réduits.«Au-delà des réformes réglementaires, les CGP vont devoir modifier leur façon de travailler, accroître encore leurs compétences afin d’apporter aux particuliers des services à forte valeur ajoutée qui justifient le paiement d’honoraires et/ou la rétrocession de frais», affirme Olivier Rozenfeld.

Des contraintes allégées pour les sociétés de gestion

Du côté des sociétés de gestion aussi, les conséquences de MIF 2 ont été amoindries, mais dans ce cas-là, l’initiative revient à l’Autorité des marchés financiers (AMF) dont l’objectif est de développer la compétitivité de la place de Paris. «Les sociétés de gestion sont depuis quelques années soumises à des règles sectorielles qui leur sont propres, à savoir la directive OPCVM et/ou la directive AIFM. Il a donc été décidé d’abandonner la particularité franco-française qui faisait que les sociétés de gestion avaient, en plus, le statut d’entreprise d’investissement, affirme Xavier Parain, directeur en charge de la gestion d’actifs à l’AMF. Le but de cette évolution est simplement de ne pas soumettre ces acteurs à des dispositions que le droit européen n’impose pas, la directive MIF 2 s’appliquant d’office aux entreprises d’investissement.» Concrètement, cela signifie que la majorité des activités des sociétés de gestion ne seront plus considérées comme des entreprises d’investissement et ne seront pas soumises à MIF 2, seules certaines de leurs activités le seront à savoir le passage des ordres (RTO), la gestion sous mandat et le conseil. Certaines sociétés de gestion dont l’activité est centrée sur ces fonctions devront par conséquent revoir leur organisation.«Les sociétés de gestion qui exercent uniquement une activité de gestion sous mandat relèveront du statut d’entreprise d’investissement et seront donc soumises à toutes les obligations issues de la directive MIF 2, poursuit Xavier Parain. Le nombre d’acteurs concerné est très limité. Et ils pourraient n’être soumis à MIF 2 que pour la fourniture d’un service d’investissement de gestion sous mandat ou de conseil, si la société exerce aussi une activité, même restreinte, de gestion collective (OPCVM ou AIFM).» Par ailleurs, toutes les sociétés de gestion vont devoir appliquer de nouvelles obligations en matière de gouvernance des produits. «Les sociétés de gestion vont devoir définir, en amont, un marché cible pour chaque produit distribué par un distributeur soumis à la MIF, précise Xavier Parain. Des informations plus précises sur les coûts et les charges inclus dans les produits vont devoir être fournies. Nous espérons que ces obligations seront similaires à celles figurant dans le règlement Priips.» Un effort de transparence qui concerne l’ensemble des acteurs en lien de façon directe ou indirecte avec le grand public.

Une baisse des transactions de gré à gré

La version 2 de la directive a voulu s’attaquer aux conséquences négatives de la première à savoir le développement des transactions hors marché. Dans le nouveau texte, les négociations de gré à gré sur actions seront désormais strictement définies et ne devront être que résiduelles. Par conséquent, elles ne devront pas participer à la formation des prix. Autre changement, MIFIR concerne tous les instruments financiers, c’est-à-dire les dérivés, les obligations, les produits structurés et les quotas d’émission carbone et non principalement les actions comme dans la version précédente. Tous ces titres vont devoir être négociés sur des plateformes régulées. Ils seront aussi soumis à des obligations en termes de transparence.

Le modèle économique de l’analyse financière en question

MIFID 2 va conduire à un profond bouleversement du modèle économique de l’analyse financière. Les banques d’investissement ne sont pas rémunérées directement pour leur recherche, le paiement de ce service faisant partie d’un package compris dans les commissions pour le passage des ordres.

Déjà, la version 1 de la directive avait commencé à modifier le modèle économique de l’analyse financière en poussant les acteurs à mettre en place en France un système dit de commissions partagées. Celui-ci permet de donner à une autre entité que celle qui a exécuté les ordres des sommes liées à l’analyse financière. La société de gestion définie ex-ante un montant global pour la recherche, celui-ci est payé en même temps que l’exécution des ordres, mais l’exécutant des ordres peut être différent de celui qui a mené la recherche. Il sera alors amené à reverser à un tiers la part, payée par la société de gestion, correspondant à l’analyse financière.

Avec MIFID 2, les gérants vont devoir fixer – au préalable – le budget alloué à la recherche et surtout, ils vont devoir le communiquer à leurs clients. La crainte principale liée à cette opération transparence est qu’elle se traduise, sous la pression des clients, par une baisse des prix, mais aussi par l’abandon de certains segments, peu utilisés par les gérants, de l’analyse financière comme celle sur les valeurs moyennes.

Si du côté des banques d’investissement, on anticipe une baisse des revenus, cette perspective a conduit, par ailleurs, à la création de nouveaux acteurs. En France, deux projets de Fintech ont émergé : Alphametry et ResearchPool qui se proposent d’agréger du contenu et de le mettre à disposition.

Malgré ces initiatives, le nombre d’analystes financiers en France est sur le déclin. La SFAF (Société française des analystes financiers) a déjà annoncé que la place de Paris avait perdu 20 % de ses effectifs d’analystes financiers depuis le début des années 2000. En cause : les réformes successives, mais aussi une moindre attractivité de la place de Paris par rapport à Londres où les grands acteurs y compris hexagonaux, transfèrent leurs effectifs.

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