Gestion d'actifs

Réglementation des sociétés de gestion : entre contraintes et opportunités

Publié le 22 mai 2015 à 12h18    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 10h58

Sandra Sebag

La nouvelle Commission européenne a changé de priorité : il ne s’agit plus de contrôler la finance en la réglementant tous azimuts, mais de relancer la croissance via des investissements de long terme. Pour autant, les textes proposés par la précédente Commission poursuivent leur chemin législatif et s’imposent comme autant de nouvelles contraintes.

La crise financière de 2008 s’est traduite par une avalanche de réglementation des deux côtés de l’Atlantique dans le but de contrôler une industrie financière jugée responsable de la crise. Les sociétés de gestion se sont vu imposer dans ce cadre de nouveaux textes qui concernent l’ensemble de leurs fonctions : contrôle interne, rémunération, utilisation des instruments financiers, reportings, etc. Elles ont dû renforcer leur process, embaucher, et dans certains cas modifier leurs méthodes de gestion. Ces réglementations se sont donc imposées comme des contraintes et ont été vivement critiquées par les professionnels. A leur satisfaction, les dernières élections européennes, au printemps 2014, ont conduit à un changement d’orientation. Le nouveau commissaire européen dédié à la stabilité financière, aux services financiers et à l’Union des marchés de capitaux, le Britannique Jonathan Hill, qui est entré en fonction l’hiver dernier, s’est vu confier comme lettre de mission «la contribution des marchés au financement de l’économie, la relance de la titrisation, la réduction du coût du capital et le développement d’alternatives à la dépendance des entreprises aux financements bancaires». Il s’agit donc pour la Commission européenne d’axer sa politique sur la croissance et moins sur le contrôle des marchés et des acteurs financiers. Un changement d’orientation qui avait été anticipé par la France. Depuis l’entrée en vigueur de la directive AIFM qui concerne la gestion hors format Ucits, durant l’été 2013, l’Autorité des marchés financiers (AMF) insiste sur les opportunités que peut susciter la réglementation. Cette directive permet en effet aux sociétés de gestion d’exporter plus facilement leurs produits à travers l’Europe. Un avantage qu’elles se sont empressées de saisir : 40 % des sociétés de gestion agréées ont ainsi déposé une demande sans y être obligées afin de bénéficier d’un passeport. Mi-février, 107 passeports «gestion» avaient été demandés par 45 sociétés de gestion françaises à destination principalement du Luxembourg, de l’Irlande et du Royaume-Uni et à cela s’ajoutent 330 demandes de passeports pour des produits, selon l’AMF. Le régulateur s’est assigné ainsi parmi ses missions de développer la compétitivité de la place de Paris. Il met notamment en avant la réduction des délais : le délai moyen d’agrément d’une société de gestion est en France de 75 jours et celui d’un fonds de 20 jours. Il n’en demeure pas moins qu’un nombre important de textes, proposés pour certains il y a déjà plusieurs années, doivent encore s’imposer aux sociétés de gestion. Autre difficulté rencontrée par l’industrie financière dans son ensemble : l’absence de coordination entre les textes. «Le législateur européen travaille en silos et aucune étude d’impact transsectorielle n’est menée, à l’exception notable de la directive PRIPS ; de ce fait, de nombreux textes s’entrechoquent, ce qui crée une certaine incertitude réglementaire», avance Frédérick Lacroix, avocat associé au cabinet Clifford Chance. La revue de détail des principaux chantiers sur lesquels travaillent actuellement les sociétés de gestion oscille ainsi entre contraintes et opportunités.

 

MIF 2 : un impact structurant sur la distribution des fonds

C’est peut-être l’une des directives qui générera le plus de contraintes pour les sociétés dans les prochaines années. Elle concerne à la fois la distribution et l’organisation des marchés financiers. Parmi les nombreuses mesures proposées, deux ont suscité des réactions très vives chez les professionnels : l’interdiction de percevoir des rétrocessions pour les conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGPI) et la volonté de rendre plus transparent le financement de la recherche. Si ces deux propositions ont été amendées par rapport à leur version initiale, elles auront tout de même un impact structurant sur les sociétés de gestion. En matière de distribution, les rétrocessions seront interdites pour les CGPI et assorties de contraintes pour les affiliés. Compte tenu de leurs poids, cette réforme pourrait conduire à des rapprochements. Par ailleurs, les filiales de groupe vont devoir revoir leur modèle de distribution. Du côté de la recherche, les gérants pourront toujours répercuter son coût sur leurs clients finaux, mais en les informant au préalable. Ils devront, par ailleurs, définir un budget de recherche ex ante qui devra être totalement déconnecté des volumes de transactions.

OPCVM 5 et 6 : un impact mitigé sur les sociétés de gestion

La directive OPCVM 5 vise à harmoniser le cadre réglementaire entre les fonds AIFM et les OPCVM. «Il faut se rappeler que, paradoxalement, la directive AIFM a été, sur certains aspects, bien plus exigeante que la directive OPCVM 4, régissant pourtant les fonds grand public. OPCVM 5 vise donc à aligner les deux régimes en matière de règles relatives aux dépositaires et aux rémunérations et à instaurer un régime unique de sanctions», précise Frédérick Lacroix. Pour les acteurs français, la directive OPCVM 5 n’est pas une grande révolution car ils ont déjà dû se mettre en conformité avec la directive AFIM. Par ailleurs, le cadre réglementaire des dépositaires en France en matière notamment de responsabilité était l’un des plus restrictifs en Europe. La version suivante de la directive OPCVM (OPCVM 6), qui a commencé à être discutée avant l’entrée en vigueur de la directive OPCVM 5, devrait intégrer des éléments très disparates. «OPCVM 6 constitue un cadre général proposant plusieurs pistes de réformes, qui ont débuté en 2012 par une consultation lancée par la Commission européenne. Cela a donné lieu à des initiatives distinctes comme le projet de règlement sur les fonds monétaires et celui qui concerne les fonds européens d’investissements de long terme», poursuit Frédérick Lacroix.

 

Une nouvelle réforme des fonds monétaires

Cette dernière devrait concerner l’ensemble des fonds monétaires. Parmi les mesures proposées figurent la nécessité pour les sociétés de gestion d’investir des capitaux dans les fonds de l’ordre de 3 % des encours pour faire face aux sorties ou encore la mise en place d’une capacité d’analyse interne. Quant à savoir quels sont les fonds qui seront le plus impactés, fonds monétaires à liquidité constante ou fonds à liquidité variable, les décisions n’ont pas encore été tranchées.

 

ELTIF : de nouveaux fonds dédiés à l’investissement de long terme

La création des fonds ELTIF recèle des opportunités pour les sociétés de gestion. Elle fait suite à la publication du livre vert de la Commission européenne sur le financement à long terme des économies de la zone. Ces fonds s’adresseront aux investisseurs à la recherche de rendements réguliers : sociétés d’assurance, fonds de retraite, mais aussi les particuliers… Des garde-fous ont tout de même été introduits pour ces derniers car ces fonds sont investis dans des actifs illiquides. A ce titre, un ticket d’entrée devrait être fixé.

 

La société de libre partenariat : un nouveau véhicule d’investissement

Le gouvernement français dans le cadre du projet de loi Macron a pris un certain nombre d’initiatives en faveur de la place de Paris. Une disposition propose ainsi la création d’un nouveau véhicule d’investissement : la société de libre partenariat (SLP) visant à concurrencer le système de «limited partnership» en vigueur dans le monde anglo-saxon et la société en commandite luxembourgeoise. La SLP s’inscrit dans le cadre des fonds professionnels spécialisés déjà existants dans le droit français, mais bénéficie d’une gouvernance renforcée propre à une société de personnes. La SLP permettra notamment aux actionnaires d’intervenir davantage dans la prise de décisions et bénéficie d’une imposition plus avantageuse. Les non-résidents ne se verront ainsi plus soumis à une double imposition en France et dans leur pays de résidence. Dernier avantage : contrairement aux véhicules utilisés dans des juridictions concurrentes, le champ des actifs éligibles va bien au-delà du capital investissement et peut concerner toutes les classes d’actifs.

 

Epargne salariale : des mesures pour la développer

Toujours dans le cadre du projet de loi Macron, le forfait social qui est actuellement de 20 % sera réduit pour les entreprises qui mettent en place pour la première fois un accord d’épargne salariale. Il pourrait passer à 0 % la première année et à 8 % les deux années suivantes. Il devrait également diminuer dans le cadre du Perco si le salarié opte pour une gestion pilotée et/ou pour des investissements dans les PME/ETI. Par ailleurs, le texte prévoit des aménagements et des simplifications. A ce titre, le régime des actions gratuites va être à nouveau aligné sur le droit commun du forfait social applicable aux autres compléments de rémunération et des revenus du patrimoine, ce qui conduira à une baisse du taux d’imposition. Le texte prévoit aussi la possibilité de mettre en place un Perco dans des entreprises ne disposant ni de délégué syndical, ni de comité d’entreprise si l’accord est ratifié par les deux tiers des salariés ou encore d’aligner l’intéressement sur la participation notamment en matière de date de versement. 

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