Elles finissent à peine leur mise en conformité avec les directives AIFM et EMIR qu’elles devront se préparer à l’arrivée de nouveaux textes qui vont se succéder à partir de 2016 : révision de la directive Ucits, réforme des fonds monétaires… des chantiers avec des enjeux variables.
Les années se suivent et se ressemblent en matière de réglementation des sociétés de gestion : elles finissent à peine de se mettre en conformité avec un texte que de nouveaux surviennent. Actuellement, plusieurs textes les concernant directement ou indirectement sont en train d’être appliqués ou en phase d’adoption. Les plus aboutis sont la directive AIFM (gestion alternative) et la directive EMIR (produits dérivés) qui sont en phase finale de mise en conformité ; devraient suivre la révision de la directive Ucits (OPCVM), la directive RIPs (information du grand public), les projets de la Commission européenne pour créer des fonds long terme (Eltif) ou encore la révision de la directive MIF (marchés) et un nouveau texte sur les indices.
Des chantiers en cours de finalisation

Conscient des difficultés rencontrées par les sociétés de gestion, le régulateur souhaite les accompagner. «L’avalanche d’initiatives réglementaires depuis la crise de 2008 qui impactent directement ou indirectement les sociétés de gestion peut avoir un effet anxiogène, a concédé Guillaume Eliet, secrétaire général adjoint de l’AMF lors d’un point presse organisé au mois de mars sur la réglementation des sociétés de gestion. Il nous paraît donc important de les aider à comprendre les enjeux et surtout de les inciter à détecter les opportunités propres au nouveau cadre réglementaire.» L’accent sur les opportunités a notamment été mis à propos de la directive AIFM : celle-ci permet en effet de bénéficier d’un passeport européen et facilite les échanges transfrontaliers. «La directive AIFM devrait permettre d’installer un nouveau label européen comme le label Ucits très bien perçu par les investisseurs internationaux ; il s’agit d’une opportunité marketing», indique Josina Kamerling, directrice des relations avec les institutions de régulation en zone EMEA au CFA Institute.
Un message entendu par les sociétés de gestion. «Entre 250 et 300 sociétés de gestion sur les 600 existantes devraient demander leur agrément AIFM d’ici à la date butoir du 22 juillet 2014, a indiqué Xavier Parain, secrétaire général adjoint en charge de la gestion d’actifs à l’AMF. Parmi celles-ci, 80 n’avaient pas l’obligation réglementaire de le faire.» Autre chantier en cours de finalisation : la directive EMIR. Une directive qui impacte les gérants français car ils sont de grands utilisateurs de produits dérivés. A ce stade, les sociétés de gestion ont déjà dû modifier la valorisation quotidienne de leurs contrats, travailler sur les risqués associés aux dérivés non compensés et à la déclaration de l’ensemble de leurs transactions aux référentiels centraux. Si les prochains textes n’arriveront pas avant 2016, ils sont nombreux et structurants.
Le premier concernant directement les sociétés de gestion porte sur la réforme de la directive Ucit (Ucits V) ; celle-ci étendra les mesures prises dans le cadre d’AFIM à l’ensemble des fonds. Elle intègre donc deux types de changement : les premiers s’adressent aux missions des dépositaires, une clarification de leur responsabilité ayant été adoptée, et les seconds portent sur les rémunérations. «La volonté du législateur est d’aligner les intérêts des gérants sur celui des épargnants en exigeant le paiement d’une part des bonus sous la forme de parts du fonds ou encore en reportant dans le temps le versement de la part variable», précise Natasha Cazenave, directrice de la division régulation de la gestion d’actifs à l’AMF. Dans ce domaine, le régulateur se veut assez souple. «Tous les gérants ne pourront pas investir dans leur fonds, notamment dans le cas de fonds fermés, la rémunération variable pourra alors être indexée par exemple sur la valeur du fonds», indique Xavier Parain.
Globalement, qu’il s’agisse des dépositaires ou des gérants, ils sont relativement prêts car ils ont déjà dû appliquer ces dispositions dans le cadre d’AIFM. La directive RIPs ne devrait pas non plus constituer un changement majeur pour les sociétés de gestion. Elle prévoit la création d’un document d’information clé pour l’ensemble des produits financiers : dérivés, OPCVM, assurance vie en unités de compte, etc. Les OPCVM et les FIA (fonds alternatifs) sont déjà soumis à une telle obligation (DICI). Par conséquent, ils bénéficieront d’une exemption durant trois à cinq ans, une mission sera ensuite diligentée pour savoir si le DICI correspond strictement au document d’information clé ou si les gérants devront concevoir un nouveau document.
Projet de réforme des fonds monétaires

Des changements majeurs pourraient par contre intervenir dans le cadre du projet de réforme des fonds monétaires. «Elle s’inscrit dans le cadre des travaux sur le “shadow banking”, précise Natasha Cazenave. L’Europe a déjà introduit une première réforme en 2010 avec la mise en place de la classification des fonds monétaires, mais celle-ci a été jugée insuffisante par le G20 qui a mandaté le Comité des régulateurs européens (OICV) afin de faire de nouvelles recommandations pour renforcer la robustesse des fonds monétaires et réduire leur risque systémique.» Plusieurs propositions ont été faites par la Commission européenne principalement afin d’encadrer plus strictement les fonds à valeur liquidative constante. «Le projet de règlement présenté par la Commission européenne oblige le sponsor à maintenir une réserve en capital égale à 3 % des encours», précise notamment Natasha Cazenave. Par ailleurs, des restrictions sur les actifs éligibles ont été introduites, mais aussi un moindre recours aux agences de notation.
Des réformes structurantes pour une industrie concentrée sur la France (même si celle-ci est spécialisée sur les fonds à valeur variable), l’Irlande et le Luxembourg. Ces propositions pourraient cependant évoluer. «Le texte sur les fonds monétaires a fait l’objet de premières discussions au Parlement mais celui-ci n’a pas encore arrêté son approche, pas plus que le Conseil. Le texte pourrait ainsi être examiné après les élections européennes», indique Natasha Cazenave. Toujours en direction des sociétés de gestion, la Commission européenne a publié un livre vert sur le financement de long terme où elle propose la création de fonds long terme (Eltif). Il s’agit cette fois-ci d’une véritable opportunité pour les sociétés de gestion qui pourront lancer de nouveaux fonds à destination des investisseurs professionnels et du grand public. Ceux-ci seront investis dans des actifs peu liquides (non coté, immobilier, infrastructures) et pourront octroyer directement des prêts. Seule condition pour cela : posséder l’agrément AIFM. Restent ensuite les textes qui ne concernent pas directement les sociétés de gestion : MIF, indices, etc. Les chantiers vont donc à nouveau se bousculer.