(AOF) - « Les difficultés de l’immobilier commercial américain pouvaient-ils être le déclencheur d’une nouvelle crise majeure, comme les prêts hypothécaires à l’époque ? » s’interroge Wilfrid Galand, Directeur stratégiste chez Montpensier Finance. Trois éléments lui paraissent de nature à relativiser la comparaison avec la grande crise de 2008.
Si en 2008, les prêts hypothécaires américains présents dans les bilans bancaires représentaient 77% du PIB du pays, les prêts à l'immobilier commercial représentent tout juste 7% du PIB dans les banques régionales, celles considérées comme à risque dans le contexte actuel.
Ensuite, souligne Wilfrid Galand, seul un sous-secteur bien précis au sein de l'immobilier commercial américain pose véritablement problème : les immeubles de bureaux, qui souffrent d'un taux de vacance très élevé, de l'ordre de 19%. Cela représente environ un quart des créances soit 500 milliards de dollars dont 15 à 20% seraient à échéance cette année. " On parle donc in fine de 75-100 milliards de dollars. Important mais pas systémique ", relativise-t-il.
Enfin, troisième élément rassurant, une dépréciation de la valeur de ces prêts ne parait pas de nature à déstabiliser les bilans des banques. Le Directeur stratégiste relève que malgré sa baisse récente, la valeur de l'immobilier commercial aux Etats-Unis est encore en hausse de 34% depuis 2018. Et le ratio de prêt par rapport à la valeur du bien (Loan to Value ou LTV) y est traditionnellement de 80%.
" Il y a donc de la marge, sachant qu'au pire de la crise de 2008, l'immobilier s'est déprécié de 30% depuis ses plus hauts ", ajoute Wilfrid Galand.
Selon ce dernier, la situation demeure malgré tout fragile et nécessite de surveiller trois points essentiels. Le premier serait la propagation du stress à d'autres types de dette dans le bilan de ces banques régionales. Le gestionnaire d'actifs cite les dettes privées dont le taux de défaut pourrait monter en raison des difficultés des emprunteurs à honorer leurs échéances dans un contexte de ralentissement économique prononcé. L'immobilier commercial serait alors la goutte d'eau pour les banques régionales américaines.
Le deuxième point tient aux caractéristiques même de ces prêts sur l'immobilier commercial : rien n'y est véritablement ‘standard', beaucoup de clauses sont sur mesure, en fonction à la fois du bien mais surtout du type d'immeuble. " Cela veut dire que pour vendre un tel portefeuille en cas de besoin cela prend du temps et des ressources d'experts pour mesurer la valeur des biens concernés et des contrats attachés… ou une très grosse décote, bien plus que la ‘décote de marché' ", prévient Montpensier Finance.
Le troisième point serait lié au développement d'une contraction généralisée du crédit, un " crédit crunch ", générant l'impossibilité pour les acteurs de ce secteur, très consommateur de refinancement en raison de son intensité en capital, de se refinancer.
" En ce cas, même les acteurs de bonne réputation pourraient souffrir de la raréfaction du crédit. Or comme le disait un célèbre écrivain français ‘ on ne meurt pas de ses dettes, on meurt de ne plus pouvoir en faire' ", conclut Wilfrid Galand.
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