La Chine peut encore éviter la déflation

Publié le 12 septembre 2023 à 17h00

Wilfrid Galand    Temps de lecture 4 minutes

Immobilier, consommation, investissement, le moteur chinois patine et la déflation menace. Il est encore possible de stopper l’engrenage, mais le temps presse.

L’espoir de l’hiver 2022 est la déception de l’été 2023. Les prévisions d’activité sont en berne, la cible officielle de 5 % de croissance pour 2023 pourrait ne pas être atteinte. Pire, la baisse continue de ses prix à la production, couplée à une stagnation des prix à la consommation, fait craindre la mise en place d’une spirale déflationniste sur le modèle du Japon des années 1990.

Il reste encore possible de stopper l’engrenage mortifère. Pour cela les autorités doivent agir sur trois axes : l’immobilier, la demande intérieure, les échanges extérieurs.

L’immobilier est depuis quarante ans au cœur du moteur chinois. Selon les estimations, le secteur au sens large représenterait 20 % du PIB, 40 % des recettes des collectivités locales et près de 80 % du patrimoine des ménages.

Depuis 2021 et le resserrement de la réglementation, rien ne va plus. En juillet 2023, les ventes de logements existants étaient en baisse de 27 % par rapport à juillet 2022, alors que le pays était tout juste sorti depuis quelques mois du terrible confinement de Shanghai. Et dans le logement neuf, c’est également le marasme : la tendance pour les six premiers mois de 2023 est de − 54 % par rapport à 2019, la dernière année précovid.

Cet effondrement a précipité la faillite d’Evergrande dès 2021, et conduit le plus gros promoteur du pays, Country Garden, vers de graves difficultés financières qui mettent en danger les 3000 chantiers qu’il conduit à travers le pays.

La réaction des autorités a jusqu’ici été en dessous des attentes. Pour maintenir à flot les promoteurs et surtout assurer la poursuite des chantiers en cours, les collectivités locales ont été autorisées à lever des capitaux exceptionnels.

Du côté de la demande, Pékin s’est concentré sur la baisse du coût du crédit. Longtemps limitée aux nouveaux acquéreurs, cette mesure a été étendue, fin août 2023, à certains encours existants. Reconnaissons que ce dernier mouvement est enfin significatif : d’après une estimation du journal Shanghai Securities News, ce sont plus de 40 millions de clients qui seraient potentiellement concernés, pour un encours total de 25 trillions de Yuans (soit un peu moins de 3500 milliards de dollars) et un gain moyen de 5000 yuans (l’équivalent de 700 dollars) mensuel.

Reste l’essentiel : redonner de la confiance, et d’abord aux investisseurs dans un secteur très gourmand en capitaux. Pour cela, la création d’une structure de défaisance pour rassembler les créances les plus risquées est indispensable. A ce stade, les autorités financières renâclent devant ce qui serait perçu comme un arrêt de la politique d’assainissement du secteur.

La confiance est également la clé pour relancer la demande intérieure, et pas seulement en immobilier. Depuis le début de l’année, les indicateurs de moral des entreprises comme des ménages sont en berne. Les ventes au détail déçoivent et l’investissement des entreprises privées est à l’arrêt.

L’allègement des mensualités des crédits immobiliers en cours est un premier pas pour contrer cette atonie. Il faut aller plus loin : création d’un véritable filet de sécurité sociale, mise en place d’allocations familiales ou de bons de consommation, amortissement accéléré des investissements, tout est possible, mais le temps presse. D’autant que les assauts répétés contre les grandes entreprises du secteur privé et les campagnes anti-corruption qui se succèdent finissent par tétaniser tous les décideurs. Des déclarations apaisantes sur ces sujets seraient également les bienvenues.

Enfin, sur le plan extérieur, une amélioration du climat commercial avec les Etats-Unis serait un facteur positif pour contrer les pressions déflationnistes et faire repartir la machine exportatrice. La récente visite de Gina Raimondo, la secrétaire d’Etat au commerce, a été qualifiée de constructive. C’est un signal encourageant.

En parallèle, la Chine renforce continuellement l’accord régional commercial RECP (Regional Economic Comprehensive Partnership), qui développe les échanges asiatiques, en particulier autour des biens intermédiaires, essentiels pour la fluidification des chaînes de valeur.

Autant ces sujets commerciaux ne dépendent pas de sa seule initiative, autant la relance de la confiance intérieure est de sa pleine responsabilité. Les voies de sortie du marasme économique sont ouvertes. Il faut pour cela dépasser la peur de la dette qui semble saisir les autorités à ce moment crucial. Entre l’endettement et la déflation, il faut parfois choisir le moindre mal.

Wilfrid Galand directeur stratégiste ,  Montpensier Finance

Wilfrid Galand est directeur stratégiste de Montpensier Finance

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