Avec un large champ des possibles, y compris sur les actions internationales, loger des ETF dans un PEA peut, en théorie, permettre d’optimiser la diversification de cette enveloppe. Mais la sélection des trackers éligibles ne doit pas se limiter à la comparaison des frais de gestion.
Spécificité française lancée il y a plus de 30 ans, le PEA fait partie des outils d’épargne incontournables dans l’Hexagone ; sous réserve, bien sûr, d’un horizon de placement de long terme et d’une tolérance au risque. Pourtant, malgré sa fiscalité avantageuse et les aménagements de la loi Pacte pour le rendre plus moderne et plus souple, le PEA semble un peu végéter. Fin 2022, la Banque de France recensait environ 6,4 millions de PEA, en baisse par rapport à 2021. Les 5,2 millions de PEA comptes-titres représentaient un encours de 101 milliards d’euros, à peine supérieur aux 95 milliards d’euros gérés au sein des PER, lancés en octobre 2019. Si le PEA permet d’investir jusqu’à 150 000 € (hors plus-values), l’encours moyen par plan en titres n’est que de 15 612 €. Par ailleurs, selon la dernière édition du baromètre de l’épargne de l’AMF publiée fin 2023, 12 % des sondés ont épargné sur des supports boursiers, et 34 % ont opté pour le PEA, derrière l’assurance-vie (40 %) et le compte-titre (37 %). Mais toujours selon ce baromètre, ils étaient 27 % à envisager un placement en actions dans les 12 prochains mois, un taux au plus haut depuis 2017.
Diversification à moindre coût
Les ETF, dont l’utilisation commence à se diffuser en France au sein de la clientèle retail, pourraient-ils permettre de relancer l’intérêt des épargnants pour les PEA ? Selon l’AMF, le nombre d’investisseurs particuliers en ETF a progressé de 18 % en 2023 à 296 000, avec un pic à 166 000 au quatrième trimestre. Ils étaient 250 000 en 2022 et 142 000 en 2018. « Nous observons une forte demande de la part de la clientèle retail en France pour des ETF éligibles au PEA », pointe Lorraine Sereyjol-Garros, responsable globale du développement ETF et fonds indiciels chez BNP Paribas Asset Management. Loger des ETF dans un PEA peut, en effet, présenter plusieurs atouts. « Avec un ETF, l’épargnant investit dans un panier de valeurs et n’a donc pas à réaliser lui-même ni suivre dans le temps, une sélection d’actions, qui est d’ailleurs souvent chronophage, rappelle Olivier Malteste, directeur des investissements chez Yomoni. La diversification est donc immédiate, et ce, à moindre coût, contrairement à un fonds de gestion active également éligible au PEA. Or, sur le long terme, les frais de gestion peuvent obérer sensiblement la performance. » Par ailleurs, plusieurs études montrent régulièrement que peu de fonds de gestion active réussissent à battre sur le long terme leur indice de référence. Identifier ces fonds de gestion active peut également s’avérer complexe pour un investisseur particulier.
« Les ETF sur les actions américaines éligibles au PEA peuvent apporter un surplus de diversification et de performance, et ainsi contribuer à faire de cette enveloppe un outil patrimonial. »
Des actions américaines et internationales…
Avec 134 parts principales d’ETF éligibles au PEA recensées par Quantalys, le champ des possibles semble assez large. Sans compter que 81 d’entre eux permettent d’investir hors de l’Espace économique européen (EEE), zone d’investissement à laquelle le PEA est en théorie dédié, permettant ainsi d’optimiser la diversification de l’enveloppe. Toujours selon Quantalys, 9 ETF éligibles au PEA permettent notamment d’investir sur les Etats-Unis. « Les actions américaines ont progressé en moyenne de 8 % par an sur les 25 dernières années contre 4 % pour les actions européennes, souligne Jean-François Bay, directeur général de Quantalys. Les ETF sur les actions américaines éligibles au PEA peuvent donc apporter un surplus de diversification et de performance, et ainsi contribuer à faire de cette enveloppe un outil patrimonial. » Pour Emmanuel Monet, responsable des ventes ETF France chez Amundi, les ETF éligibles au PEA positionnés sur les actions internationales peuvent aussi apporter un surplus de diversification dans les mandats de gestion proposés par certaines banques pour cette enveloppe. Au-delà des actions américaines, quelques ETF éligibles au PEA permettent de s’exposer au MSCI World, aux actions japonaises, chinoises, indiennes, mais aussi à plusieurs marchés d’actions asiatiques ou d’Amérique latine. Un ETF obligataire est même éligible au PEA.
… grâce à la réplication synthétique
Pour assurer leur éligibilité, ces ETF reposent non pas sur le mode de réplication physique, mais sur celle synthétique. « L’actif d’un ETF éligible au PEA doit détenir au moins 75 % d’actions de sociétés domiciliées dans l’Espace économique européen. Grâce à un contrat de swap de performance signé avec une contrepartie, l’émetteur d’un ETF suivant un indice international va échanger la performance des actions européennes détenues à son actif contre la performance des actifs d’un autre indice, le S&P 500 ou le MSCI World par exemple, détenus par cette contrepartie », explique Olivier Malteste. Peut alors se poser la question du risque de contrepartie. « L’échange de performances est un mode de structuration éprouvé, utilisé dans de nombreux produits financiers, fait valoir Emmanuel Monet. Il n’est donc pas spécifique aux ETF en réplication synthétique. » Si après la crise financière de 2008, les ETF en réplication synthétique ont pu souffrir de la défiance des investisseurs, la réglementation sur les produits dérivés a été, depuis, sensiblement renforcée. « Avec le règlement européen EMIR de 2012, tous les swaps sont collatéralisés et revus au jour le jour, ce qui permet une très grande réactivité en cas d’un éventuel défaut, rappelle Lorraine Sereyjol-Garros. Le risque de contrepartie d’un ETF synthétique est donc extrêmement minime. » La réplication physique, sur laquelle reposent les ETF qui suivent des indices des marchés de l’EEE, n’est pas non plus exempte du risque de contrepartie en raison du possible recours au prêt de titres.
Mais avec plus de 130 d’ETF éligibles au PEA, la sélection peut s’avérer complexe, notamment sur l’Euro Stoxx 50 pour lequel 7 fonds sont disponibles. « Pour faire sa sélection de manière consciente, il faut, à chaque fois, bien analyser un certain nombre de paramètres, prévient Olivier Malteste. Les frais sont un bon réflexe, mais ce n’est pas nécessairement suffisant. »
«La tracking difference, c’est-à-dire l’écart de performance entre un ETF et son indice de référence, peut varier assez sensiblement sur le moyen / long terme entre plusieurs trackers pour un même indice. »
Un ensemble de critères à évaluer
Sur un même indice, la qualité de la réplication des ETF peut varier. La tracking error permet de vérifier si l’écart de performance est relativement constant ou pas, sur un an. Mais l’investissement au sein d’un PEA devant être réalisé sur le long terme, d’autres critères sont à considérer. « La tracking difference, c’est-à-dire l’écart de performance entre un ETF et son indice de référence, peut varier assez sensiblement sur le moyen / long terme entre plusieurs trackers pour un même indice », précise Lorraine Sereyjol-Garros. La juridiction de l’ETF peut expliquer les différences. « Elle influence les accords fiscaux relatifs aux dividendes, notamment entre l’Irlande et le Luxembourg, et les pays où sont basées les entreprises distribuant ces dividendes, explique Olivier Malteste. Bien que moins perceptible pour des titres européens que pour des actions américaines, cet aspect a son importance, par exemple sur les titres belges. » Dans le cadre d’une réplication physique, « le recours au prêt de titres peut générer un rendement additionnel pour le porteur », précise-t-il. Pour certains ETF éligibles au PEA, l’épargnant devra aussi choisir entre la part capitalisation, qui permet d’augmenter la valeur du placement sur le long terme sans générer de revenus réguliers, ou en distribution, avec alors le versement de dividendes, qui dans le cadre d’un PEA ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu ni aux prélèvements sociaux pendant la durée de détention.
L’épargnant doit avoir en tête d’autres points de vigilance, notamment la taille de l’ETF. Si la capitalisation des 5 plus gros ETF éligibles au PEA est en moyenne, selon Quantalys, de 4,8 milliards d’euros, celle des 5 plus petits n’est en moyenne que de 4,3 millions d’euros. « Un peu comme sur les petites et moyennes valeurs cotées en Bourse qui sont moins liquides, les petits ETF ayant une taille faible ont des volumes d’échange quotidien limités. Par ricochet, ils risquent de présenter des fourchettes achat-vente élevées et donc des frais d’exécution également élevés, avec in fine un impact direct sur la performance, souligne Jean-François Bay. Pour optimiser la diversification d’un PEA, il est donc préférable de se concentrer sur de grands indices plutôt que sur des stratégies de niche, parfois trop orientées vers la clientèle retail ». Sans compter que les émetteurs peuvent décider, lors de la revue de leur gamme, de fermer des ETF dont les encours ne décollent pas. Amundi s’apprête par exemple à fermer 2 ETF sectoriels éligibles au PEA : le Lyxor Stoxx Europe 600 Retail Ucits ETF et le Lyxor Stoxx Europe 600 Media Ucits ETF.
Une moindre diversification des émetteurs
Autre point d’attention : la diversification possible sur les marchés internationaux avec les ETF au sein d’un PEA l’est nettement moins en termes d’émetteurs. En raison de la spécificité française de cette enveloppe, seuls Amundi et BNP Paribas AM proposent des ETF éligibles au PEA en dehors de l’EEE. BlackRock, numéro un sur le marché européen avec sa gamme iShares, n’en propose pas pour le moment. Par ailleurs, pour s’exposer au MSCI World au sein d’un PEA, seuls 3 ETF sont disponibles, tous émis par Amundi. Alors que de nombreux fournisseurs d’ETF affichent leur confiance sur les perspectives de croissance du marché de la clientèle retail en France, l’offre permettant une diversification internationale au sein des PEA sera peut-être amenée à s’enrichir. Toutefois, un plan d’investissement en ETF ne peut pas (encore) être réalisé au sein d’un PEA. « Bien que ce soit théoriquement possible, ce n’est pas une option existante à ce jour, car les acteurs locaux ne proposent pas la décimalisation des parts d’ETF dans les enveloppes CTO et PEA (seulement assurance-vie et PER), tandis que les acteurs étrangers ne proposent pas actuellement d’enveloppe PEA, mais seulement CTO », soulignait, en septembre dernier, l’étude Marché des plans d’investissement en ETF en Europe continentale d’extraETF et iShares. Il reste donc probablement encore un verrou à faire sauter pour développer l’utilisation des ETF au sein des PEA.
Des ETF sous approche ESG éligibles au PEA
Selon Quantalys, une trentaine d’ETF éligibles au PEA proposent une approche ESG, dont quelques-uns suivent des indices alignés sur les objectifs des Accords de Paris. Là encore, Amundi et de BNP Paribas AM dominent largement l’offre. Chez Amundi, sur 80 ETF éligibles au PEA, une vingtaine reposent sur une approche ESG. « Dans le cadre du plan stratégique d’Amundi à horizon 2025, nous faisons régulièrement évoluer notre gamme, dont celle éligible au PEA, précise Emmanuel Monet. Récemment, plusieurs de ces ETF suivant de grands indices américains se sont vu ajouter un filtre ESG, dans l’objectif d’offrir d’ici 2025 une gamme dont 40 % des ETF comporteront ce critère. » Chez BNP Paribas AM, sur 23 ETF éligibles au PEA, 15 fonds proposent une approche responsable. « Nos ETF avec un filtre ESG sont appréciés sur les plateformes de distribution directe et chez les néobrokers, qui s’adressent davantage aux jeunes générations d’investisseurs, plus à la recherche de sens pour leur épargne que leurs aînés », souligne Lorraine Sereyjol-Garros.
BlackRock s’invite sur le segment des ETF exposés au MSCI World éligibles au PEA
Alors que seuls 3 ETF éligibles au PEA étaient jusque-là disponibles pour s’exposer au MSCI, et tous émis par Amundi, BlackRock a annoncé le 3 avril le lancement de l’iShares MSCI World Swap PEA UCITS ETF. Le leader mondial des ETF complète ainsi sa gamme éligible au PEA jusque-là composée de 20 ETF actions européennes et d’un ETF exposé aux matières premières. ETF synthétique et capitalisant, l’iShares MSCI World Swap PEA UCITS ETF sera disponible chez les principaux distributeurs de produits d’épargne. Sa valeur liquidative de lancement était de 5 euros ; ses frais de gestion annuels sont de 0,25%.