(AOF) - Dan Ivascyn, Chief investment Officer (CIO) du groupe PIMCO, livre sa vision de l'environnement macroéconomique actuel, marqué par les probabilités élevées de scénarios extrêmes, et ses implications en termes d'allocation d'actifs.
Les récentes statistiques américaines donnent l'image d'une économie plus résiliente qu'anticipé et d'une inflation persistante. Les marchés affichent des anticipations en matière de taux différentes de celles de la Fed. Quelle est la vision de PIMCO ?
L'environnement macroéconomique est sans aucun doute incertain. Nous sommes plus constructifs dans le scénario de base, et les données ont été favorables à la baisse de l'inflation et au maintien de la dynamique économique. Cela dit, il y a une grande incertitude macroéconomique et géopolitique. Nous avons encore une dynamique d'inflation qui a été très complexe à comprendre.
Du côté de la croissance, étant donné le décalage d'impact inévitable des actions des Banques centrales à ce jour, il existe un risque réel d'atterrissage brutal, et cette probabilité pourrait augmenter considérablement, si la situation géopolitique venait à se détériorer.
Pendant de nombreuses années, les Banques centrales ont réduit la volatilité. Avec au mieux, une suspension du resserrement de leur politique, vous n'avez plus ce mécanisme naturel de suppression de la volatilité.
Au niveau économique, les cycles de croissance sont beaucoup moins synchronisés. On le constate aujourd'hui avec la Chine sortant du zéro Covid et où la croissance s'accélère, alors que dans le reste du monde, en dépit de données récentes plus mitigées, il existe des signes de ralentissement économique.
Il est toujours dangereux d'investir sur un scénario de base. Mais dans cet environnement, avec des probabilités élevées de cas extrêmes aussi bien négatifs que positifs, c'est particulièrement le cas. En plus de notre processus économique classique, nous faisons donc beaucoup d'hypothèses de scénarios, nous regardons comment les portefeuilles vont se comporter dans les cas extrêmes. Étant donné la configuration des risques, nous sommes prêts à échanger un peu de rendement du scénario de base, contre celui d'une certaine résilience structurelle.
Les obligations ont tendance à offrir des qualités attrayantes, lorsque vous constatez une détérioration économique significative et qu'il existe un risque de détérioration supplémentaire par rapport aux attentes.
Au fur et à mesure que nous avançons dans l'année, si nous constatons un changement dans les évaluations où le marché commence à escompter une plus grande probabilité de certains de ces scénarios extrêmes, nous serons prêts à passer à l'offensive. Nous cherchons à intégrer une grande flexibilité de portefeuille dans nos différentes stratégies. Et nous pensons qu'il y aura un moment, peut-être, à l'avenir, où nous serons un peu plus agressifs dans certaines de ces zones du marché plus sensibles sur le plan économique.
Les marchés obligataires se sont quelque peu redressés en 2023, comment envisagez-vous d'investir sur ces marchés ? Et où voyez-vous de la valeur dans des secteurs spécifiques du marché obligataire ?
Nous avons connu une certaine reprise et nous pensons, encore une fois, compte tenu de nos perspectives fondamentales pour les titres à revenu fixe, que les valorisations sont plutôt attrayantes. Les investisseurs qui n'ont pas saisi d'opportunités devraient revenir sur le marché. Vous pouvez potentiellement générer des rendements de l'ordre de 5, 6, 7 %, voire plus, dans un portefeuille de titres à revenu fixe de qualité assez élevée.
Le niveau absolu des taux d'intérêt est en hausse à des niveaux, en particulier dans la partie avant de la courbe, que nous n'avons pas vus depuis de très nombreuses années. Lorsque vous regardez les segments du marché qui vous offrent une protection contre l'inflation, les rendements réels ou les rendements corrigés de l'inflation semblent très attractifs aujourd'hui et, en fait, ils sont encore à des niveaux que nous n'avons pas vus depuis la dernière crise financière mondiale.
Il s'agit donc d'une très bonne valorisation en termes de marchés de taux en général, tant en valeur absolue que par rapport aux actions. Lorsque l'on parle des segments des spreads, cela demande un peu plus de nuances. Les perspectives d'un atterrissage en douceur ont augmenté. En fait, notre scénario de base pour la croissance économique cette année se situe quelque part près du niveau zéro.
Nos probabilités de récession sont actuellement de l'ordre de 50-50, avec l'idée, toujours dans le scénario de base, que tout type de ralentissement serait de nature assez superficielle. La grande mise en garde est qu'à chaque fois que l'on parle d'une croissance quasi nulle, l'économie est susceptible de subir des chocs de croissance négatifs ou nous pouvons simplement être un peu trop optimistes dans nos prévisions.
Du point de vue de l'allocation d'actifs, nous essayons de profiter de cette hausse massive des rendements, de l'élargissement des spreads, tout en nous concentrant sur des secteurs moins sensibles à l'économie qui s'en sortiront bien dans notre scénario de base, mais qui s'avéreront assez résistants même si nous nous trompons et que nous nous retrouvons dans une situation où l'économie est beaucoup plus vulnérable.
Nous aimons donc le risque de haute qualité, les opportunités sur les marchés des produits structurés, les " legacy mortgage ", les titres adossés à des actifs, les prêts hypothécaires commerciaux, qui bénéficient généralement d'une notation solide, voire AAA. Nous aimons beaucoup le " Agency MBS " (titres adossés à des créances hypothécaires émis par les agences gouvernementales). Si l'on regarde en dehors des Etats-Unis, nous n'avons pas vu de période soutenue de faiblesse du dollar depuis un moment, nous pensons que les investissements étrangers, une allocation en devises étrangères, continueront probablement à être profitables.
Sur une période de plusieurs années, cet ensemble d'opportunités en dehors des États-Unis, tant sur les marchés développés que sur des segments des marchés émergents, semble également attrayant, tant du côté des obligations que des actions.
Nous continuons à penser que les investisseurs, du moins dans les segments de leur portefeuille évalués au prix du marché (mark-to-market), devraient être assez prudents en ce qui concerne les Senior Secured Loan (prêts garantis de premier rang) et les autres types de dettes d'entreprises à taux variable. Ces sociétés subissent de plein fouet les effets de la politique des banques centrales.
Restez dans la qualité et soyez plus agressifs en profitant de l'élargissement que nous avons vu dans certaines de ces zones du marché plus résilientes et moins sensibles à l'économie, tout en étant un peu plus prudents dans les segments plus faibles du marché, en particulier compte tenu du rallye assez spectaculaire que nous avons vu depuis le début de l'année.
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