Pour une entreprise, pouvoir répercuter la hausse des coûts sur ses clients et fournisseurs est un atout dans la période inflationniste actuelle. Pourtant, les valeurs dotées d’un tel « pricing power » sont à la peine en Bourse. Gilles Constantini, gérant du fonds Amplegest Pricing Power, analyse ce phénomène.
Quels avantages les valeurs dotées d’un fort « pricing power » offrent-elles dans le contexte inflationniste actuel ?
Le « pricing power » peut se définir comme le fait, pour une entreprise, de disposer d’un rapport de force favorable avec ses clients et ses fournisseurs, qui lui permet de protéger ses marges. Il peut être engendré par une marque forte, une avance technologique ou encore d’importantes barrières à l’entrée pour la concurrence. Dans le contexte actuel, les entreprises qui en disposent ont donc structurellement une meilleure capacité à répercuter la hausse des prix que le reste de la cote. Depuis le début d’année, on peut d’ailleurs souligner la très bonne performance opérationnelle de ces valeurs, qui ont presque toutes été à l’origine de surprises positives à la publication de leurs résultats. De manière très contre-intuitive toutefois, la période récente ne leur a pas été favorable sur le plan de la performance boursière. Ces valeurs ont subi une chute majeure de leurs multiples de valorisation.
Comment l’expliquez-vous ?
La crise sanitaire est à l’origine d’un fort déséquilibre entre l’offre, freinée par les difficultés de production, et la demande, stimulée par les politiques publiques de soutien. Cela a généré des tensions inflationnistes, exacerbées par la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, les banquiers centraux n’ont eu d’autre choix que de resserrer leurs conditions monétaires. Cette hausse des taux a conduit les marchés à un important ajustement des valorisations qui a touché plus fortement les valeurs dont les multiples de valorisation étaient plus élevés. Celles offrant structurellement un « pricing power » en font partie. A ceci s’ajoute un phénomène très conjoncturel : du fait des forts déséquilibres entre l’offre et la demande, dans un contexte de reprise post-Covid, l’ensemble des entreprises a été en capacité d’augmenter leurs prix. Le « pricing power » a perdu de sa rareté.
Ce phénomène est-il amené à durer ?
Je ne le pense pas. Le resserrement monétaire de la Fed commence déjà à porter ses fruits et certaines composantes de l’inflation sont d’ores et déjà en train de refluer. Mais ce combat des banques centrales contre l’inflation se fait au prix d’un ralentissement économique organisé. Dans une telle phase de marché, les entreprises les plus résilientes, qui disposent d’une meilleure visibilité sur leur activité et qui, de surcroît, ont excellé sur le plan opérationnel dans la période récente présentent de vrais atouts. Les valeurs qui disposent d’un « pricing power » structurel seront donc mieux positionnées. D’autant qu’elles sont devenues attractives en termes de valorisation. Une entreprise comme Moncler, dans le secteur du prêt-à-porter de luxe, se négocie aujourd’hui autour de 20 fois son bénéfice par action, soit au-dessous de sa fourchette basse historique, alors que ses résultats récents n’ont cessé de surprendre positivement les analystes.
Et si l’inflation persiste ?
Il faut rester sélectif et privilégier les biens et services les plus résilients. Mais il faut aussi avoir conscience que ces valeurs ont prouvé, par le passé, leur capacité à résister aux hausses de prix. L’inflation des biens de luxe est depuis longtemps supérieure à celle de l’indice des prix à la consommation, comme le montre le Cost of Living Extremely Well Index (CLEWI), un indice calculé par Forbes depuis 40 ans. La demande pour ces produits n’est pourtant pas impactée par ces hausses. Ferrari, par exemple, est toujours capable de vendre très en avance à ses meilleurs clients des véhicules dont on ne connaît même pas encore le design !
Dans le contexte actuel, où trouve-t-on ces entreprises à fort « pricing power » ?
Le « pricing power » n’a pas de frontières ! Si L’Europe est un indéniable vivier de valeurs « pricing power », les Etats-Unis sont riches d’entreprises cotées présentant des avantages compétitifs forts, à l’instar de John Deere par exemple dans les machines agricoles, qui bénéficie de sa position de leader incontestable sur un marché en croissance, ou de Ralph Lauren qui a augmenté ses prix de 60 % ces trois dernières années. C’est pourquoi il nous a semblé naturel de proposer notre expertise sur les valeurs américaines en lançant le fonds Amplegest Pricing Power US. Julie Jourdan, spécialiste des actions américaines, nous a donc rejoints en août 2022. Notre approche commune de la stratégie se décline ainsi sur les deux continents qui profitent des mêmes effets provoqués par des causes relativement identiques. Notons que cette année, la chute des marchés américains a été plus violente qu’en Europe, permettant une normalisation des valorisations qui reviennent sur leur moyenne historique.
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