Les tables rondes De funds magazine

Les atouts de la gestion flexible

Publié le 16 octobre 2015 à 11h20    Mis à jour le 16 octobre 2015 à 14h49

Catherine Rekik

Après le feuilleton grec, la Chine a provoqué un stress de marché important fin août. Comment les gérants de fonds flexibles ont-ils réagi à ces turbulences de marchés ? Comment gérer le timing de la hausse des taux américains ? Comment se comportent les fonds flexibles en période de forte volatilité ? Quid des performances contrastées des différents fonds mis sur le marché ?• Dans un contexte très favorable aux actions, les fonds flexibles sont-ils encore le meilleur moyen d’aborder cette classe d’actifs risquée ? Faut-il privilégier les fonds flexibles investis dans une classe d’actifs (fonds flexibles actions, fonds obligataires flexibles…) ou bien opter pour des fonds flexibles diversifiés ?• Quelle allocation d’actifs les gérants de fonds flexibles recommandent-ils dans le contexte actuel ?

En tant que gérants flexibles, quelle lecture avez-vous fait des événements du mois d’août ?

Louis Abreu

Les événements de l’été ont mis en évidence l’importance de la Chine dans l’évolution de l’économie mondiale. Depuis lors, les marchés ont connu des volatilités intraday très importantes, ce qui reflète un vrai niveau de stress et des inquiétudes sur la croissance mondiale qui concentrent l’attention des investisseurs. Quelles seront les réactions des différentes banques centrales pour soutenir la croissance mondiale si elle persiste à fléchir ? Par ailleurs, les interrogations sur la remontée des taux aux Etats-Unis sont constantes. Il semblait clair que la Fed agirait avant la fin de l’année mais, depuis la publication de statistiques mitigées début octobre, nous pouvons penser que cette hausse sera décalée à 2016, si elle a lieu ! Dans cet environnement, nous privilégions la gestion flexible, plus particulièrement sur les actions européennes.

Frank Trividic

Autant la crise grecque nous semblait temporaire et locale, autant les difficultés chinoises nous paraissaient à même de générer des perturbations plus systémiques. C’est pourquoi, après le rebond du mois de juillet, nous sommes devenus plus prudents dès le début du mois d’août en réduisant notre exposition aux marchés d’actions et en achetant des protections optionnelles. Nous avons également augmenté l’exposition aux emprunts d’Etat afin de faire face au risque d’aggravation de la situation macroéconomique en Chine, mais également aux Etats-Unis. Enfin, nous avons ajusté notre exposition aux devises, en réduisant la vente d’euro contre dollar US et en renforçant la vente de dollar australien contre le billet vert.

Lors de la correction de la fin août, notre biais prudent sur les marchés d’actions a été très favorable. Par contre, nous avons rapidement réduit notre sensibilité obligataire en faisant le constat que la classe d’actifs des emprunts d’Etat ne jouait pas vraiment son rôle traditionnel d’amortisseur. Cela s’explique en grande partie par les interventions massives de la Chine et des autres pays émergents visant à soutenir leur devise en vendant des actifs libellés en dollar, au premier rang desquels on trouvait des Treasuries américaines.

Florence Barjou

Les réactions ont été différentes en fonction des styles de gestion que nous avons dans notre gamme. Les fonds gérés en budgétisation des risques ont, face au regain de volatilité, réduit les expositions pour préserver le capital. Dans les fonds flexibles gérés de façon discrétionnaire, nous avons maintenu les positions, car nous avons estimé que le krach du mois d’août était allé trop loin. Nos indicateurs d’aversion au risque affichaient des niveaux proches de 2008 et 2011. Ces niveaux reflétaient la crainte d’une récession de grande ampleur ou d’un risque systémique. Ce n’est pas ce que nous observons aujourd’hui.

En 2015, comme en 2013, nous constatons que la hausse de la volatilité sur les marchés d’actions s’accompagne presque systématiquement d’une hausse de la corrélation entre classes d’actifs. Dans ce type d’environnement, il est difficile de trouver des valeurs refuge. Pour la gestion diversifiée, c’est clairement un défi. Nous réfléchissons donc constamment à la manière dont nous pouvons élargir notre univers d’investissement afin de trouver des actifs décorrélants. Nous réfléchissons aussi en termes de relative value ou à des stratégies qui ne sont pas purement directionnelles.

Louis Bert

La réaction face au ralentissement chinois a été surprenante : les marchés ont considéré que la Chine n’avait pas les moyens d’y faire face. Les investisseurs ont eu le sentiment que le gouvernement chinois n’avait pas d’autre option que de dévaluer la devise, ce qui a priori n’est pas leur stratégie. Le gouvernement a montré par le passé sa capacité à réagir et à prendre des mesures pour relancer l’activité. Dans cet environnement, nous avons eu deux réactions dans nos fonds flexibles. Nous avons conservé un taux d’exposition actions relativement élevé tout l’été (75 %-80 %), avec des mouvements néanmoins. Ainsi, nous avions réduit l’exposition de 7 à 9 % quelques jours avant le 24 août, quand le CAC 40 a perdu plus de 8 % en journée. Cette baisse importante nous a permis de raugmenter la poche actions des liquidités qui avaient été dégagées sur des niveaux attractifs durant la séance du 24 août, mais nous ne sommes pas allés au-delà. Par ailleurs, nos portefeuilles étaient très cycliques en début d’année et, durant l’été, nous avons plutôt arbitré en faveur des valeurs de consommation.

Sébastien Barbe

La crise en Asie est le troisième volet de la crise financière. La Chine, qui est dans un processus de ralentissement économique inexorable, est prise en étau entre la baisse du yen et la hausse du dollar. Il est normal que les marchés prennent acte de cette situation et qu’il y ait un ajustement des valorisations des actions.

En revanche, il est surprenant de constater que les taux longs américains ou allemands n’ont pas baissé en août alors que c’était le cas par le passé durant ce type de crise. Les gestions flexibles diversifiées ne pouvaient donc pas bien fonctionner dans ce contexte.

L’accélération de la dégradation du marché du crédit en septembre constitue une deuxième surprise. Autant il est facile de comprendre et d’analyser le «repricing» du risque sur les actions, autant, sur le crédit des entreprises occidentales, cela amène une réflexion sur la macroéconomie. Ce phénomène a un peu échappé à la lecture des événements.

Durant l’été, nous avons mis à profit la situation pour acheter, mais sans doute trop tôt car le mois de septembre n’a pas été bon.

Tarek Issaoui

Dans notre gestion flexible, trois points ont permis d’amortir le choc du mois d’août. Nous avions acheté des options de vente sur les marchés actions aux Etats-Unis et au Japon, ce qui a permis de bien fonctionner en août. Deuxièmement, nous avions étendu notre univers taux aux obligations australiennes assez sensibles à la situation chinoise. Enfin, nous avons, dans nos fonds flexibles, une stratégie de performance absolue qui a, elle aussi, bien fonctionné. Août a été un mois de perte, mais limitée par rapport aux marchés.

Pour mieux comprendre la crise du mois d’août, il faut aussi s’interroger sur la structure actuelle du marché : est-elle la même qu’il y a dix ans ? Qui sont les intervenants ? Qui achète ? Qui vend ? Pourquoi ? Tout cela fausse certains types de processus.

Louis Abreu

Certaines gestions quantitatives et systématiques sont des accélérateurs à la baisse, comme cela a été constaté durant la séance du 24 août. Ces gestions coupent parfois brutalement leurs positions, ce qui peut générer en conséquence des opportunités d’investissement. Dans nos gestions, notre exposition est ainsi passée de 45 à 75 % pendant la correction, puis réduite postérieurement au rebond.

Tarek Issaoui

Par ailleurs, nous avons mangé notre pain blanc de la longue baisse des taux. Les taux ne jouent plus le rôle de valeurs refuges. De plus, la faiblesse des taux a incité ces investisseurs à se positionner sur d’autres actifs comme les actions à dividende. Or, ce type d’investisseurs est moins enclin à maintenir les positions en cas de correction boursière, car ils ont une plus grande aversion au risque.

Christian Mariais

Pour revenir aux derniers événements, rappelons que nous avons commencé l’été avec la crise grecque puis il y a eu la Chine, avec une situation qui semble plus grave car elle est plus difficile à appréhender. En septembre, les investisseurs se sont focalisés sur la décision de la Fed. Nous avions la conviction que, quelle que soit cette décision, les marchés, déjà orientés à la baisse, allaient corriger. En effet, nous sommes dans une période de révision à la baisse des taux de croissance des économies en général et des bénéfices des entreprises. Or, les marchés ont horreur des incertitudes. Nous n’anticipons pas de récession, mais la croissance sera inférieure à celle attendue, ce qui crée des perturbations sur les marchés.

Par ailleurs, il y a eu beaucoup de discussions autour de la baisse des prix des matières premières, plutôt bien perçue par les pays importateurs. Quoi que l’on en dise, ce n’est pas un bon signal pour la croissance mondiale.

Notre modèle de valorisation par actualisation des cash-flows montrait une sous-valorisation des marchés avant la baisse. Mais, en retranchant un point de croissance des bénéfices des sociétés et en intégrant une prime de risque plus importante, nous avons estimé qu’il y avait matière à prendre un certain nombre de précautions dans le courant de l’été. Ce qui nous a permis de limiter à 2 ou 3 % la baisse de nos fonds. Nous envisageons de revenir sur les marchés car la situation n’a pas les caractéristiques d’une récession.

Louis Bert

La Chine peut effectivement être perçue comme un facteur négatif pour les matières premières. Mais il ne faut pas oublier que l’économie chinoise est en pleine mutation. Les investisseurs se sont trop focalisés sur les indicateurs industriels et regardent assez peu la consommation et les services. La mutation de la Chine a surtout un effet sur les sociétés les plus exportatrices.

Christian Mariais

Une économie de la taille de la Chine ne peut plus, structurellement, afficher des taux de croissance de 15 % ni même de 7 %. Le ralentissement était donc inévitable.

Florence Barjou

Les investisseurs ne s’inquiètent pas seulement du ralentissement de l’économie chinoise, mais surtout de son impact sur les autres pays émergents. La Chine est une économie administrée qui a les moyens de gérer les à-coups de la croissance. En revanche, certains pays émergents, qui dépendent de la Chine pour leurs exportations, sont dans une situation plus fragile qu’il y a deux ou trois ans. C’est donc plutôt l’effet «ricochet» qui pourrait poser problème.

Christian Mariais

La Chine n’est pas la seule en cause. Les Etats-Unis ont également une croissance plus faible que prévu. C’est d’ailleurs inquiétant, car personne ne sait comment la Fed va pouvoir gérer la remontée des taux.

A propos de remontée des taux, comment interpréter les différentes réactions des marchés ?

Sébastien Barbe

La Fed a inquiété les marchés car la moitié des intervenants s’attendaient à une hausse accompagnée de commentaires très prudents sur la vitesse de la remontée des taux, l’autre moitié à un statu quo avec l’annonce de la prochaine hausse ; or, non seulement elle n’a rien fait, mais elle l’a expliqué en partie par la mauvaise conjoncture en Chine. Dans les Fed «dots», un des membres a même émis l’hypothèse de taux courts négatifs ! Le marché s’est dit que la Fed savait quelque chose que lui ne savait pas ! Janet Yellen a dû intervenir par la suite pour rassurer sur la croissance américaine et indiquer une remontée probable des taux d’ici à décembre.

Florence Barjou

Les marchés ont été un peu schizophrènes. Ils ont tout d’abord baissé car ils avaient des craintes sur la croissance. Ensuite, une fois que ce risque s’est concrétisé dans des statistiques décevantes, comme dans deux rapports emplois consécutifs qui n’étaient pas brillants ou bien dans un ISM en repli, ils ont monté ! Cela montre bien que nous sommes à un point d’inflexion. Le marché peut aller trop loin, dans un sens comme dans l’autre.

Frank Trividic

Fondamentalement, la Réserve fédérale n’a aucune raison de remonter ses taux. La croissance reste très modérée, avec une demande interne qui reste solide mais qui n’accélère pas, et une contribution extérieure qui s’affaiblit régulièrement. Au-delà des effets techniques liés à la baisse du prix du pétrole fin 2014, l’inflation ne devrait pas accélérer véritablement. Non, la volonté de remonter les taux vise selon nous à envoyer un double signal aux investisseurs : le premier, relevant un peu de la méthode Coué, consiste à rassurer sur les perspectives de moyen terme de l’économie américaine. Le second, tout aussi important à nos yeux, a pour objectif de freiner le levier financier qui s’est mis en place depuis plusieurs années et à gérer les différentes bulles avant qu’elles n’éclatent violemment. L’avenir nous dira s’il n’est pas déjà trop tard, mais l’évolution récente de la dynamique conjoncturelle met la Fed dans une situation peu commode. Si elle monte les taux avant la fin de l’année, elle risque de casser une croissance déjà faible en fragilisant un peu plus les pays émergents. Et si elle ne fait rien, elle perd la main sur les anticipations des agents économiques, ce qui pourrait générer une situation très instable pour les marchés financiers.

Louis Abreu

La situation est confuse. Il y a sans doute trop de divergences entre les membres de la Fed, qui tiennent des discours différents en même temps. Les investisseurs sont perdus et ne parviennent plus à savoir si les statistiques sur le chômage sont favorables ou non au marché. La volatilité que nous constatons sur les marchés est le fruit de cette confusion.

Tarek Issaoui

Je pense qu’il y a un changement d’équation. De 2009 à 2015, nous étions dans un système «bad is good». Chaque mauvaise nouvelle sur la croissance était perçue comme une bonne nouvelle par les marchés actions, car cela signifiait des taux bas et plus de «quantitative easing». Revenir vers un système normalisé dans lequel une nouvelle, bonne ou mauvaise, est analysée pour ce qu’elle est, semble compliqué. Les marchés tentent de transiter vers une plus grande prise en compte des véritables perspectives de croissance. Ils ne peuvent plus espérer que la situation se dégrade pour qu’il y ait un nouveau QE.

Florence Barjou

Il est d’ailleurs probable qu’un nouveau QE ne serve plus à grand-chose. Les taux étant déjà très bas, les marges de manœuvre des principales banques centrales sont aujourd’hui extrêmement limitées.

Christian Mariais

Il est difficile de tirer des enseignements sur les variations de quelques séances de marché. D’autant que certains investisseurs prennent des positions spéculatives dans un sens ou dans un autre. En tant que gérant flexible, il faut savoir prendre un peu de recul et calibrer le taux de croissance de l’économie mondiale et des bénéfices sur chaque zone afin de déterminer à quel niveau devrait se situer le marché par rapport à ces éléments.

Louis Bert

Une remontée des taux par la Fed aurait été bien accueillie par les marchés qui l’auraient interprétée comme l’ancrage de la reprise et une normalisation. Cela n’a pas été le cas, la Fed accréditant l’idée que le ralentissement chinois créait un débat en interne. Par ailleurs, la croissance chinoise a des effets négatifs sur certains pays émergents, mais elle a aussi des effets positifs pour la zone euro. La baisse des prix des matières premières qui en découle se traduit par un transfert de richesse important pour nos économies.

Les banques centrales maintiennent des politiques monétaires accommodantes non pas pour satisfaire les marchés, mais pour que l’économie reparte. La politique agressive de la Fed a permis à la croissance américaine de repartir et de créer des millions d’emplois. En Europe, après la stabilité conférée par Mario Draghi à l’été 2012, l’accélération de la croissance constituait la principale problématique. Nous voyons aujourd’hui que le crédit repart, ce qui est un signal positif.

Christian Mariais

En revanche, ce n’est pas le cas aux Etats-Unis. La zone euro et les Etats-Unis ne sont pas en phase, et cela pose problème ! La période de croissance dans le cycle économique américain a été très longue et commence à s’épuiser. Or, la Fed n’a pas les moyens de gérer une rechute, ce qui est assez préoccupant. Elle n’a pas le droit à l’erreur.

Florence Barjou

La situation est similaire au Japon. Une fois passé l’impact favorable de la dépréciation du yen, il est difficile de croire à l’efficacité du stimulus monétaire pour relancer la croissance. Aux Etats-Unis, effectivement, la Fed aurait beaucoup de mal à contrer une rechute de l’économie. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’elle ne remontera ses taux que très graduellement. Toute rechute non anticipée de la croissance rendrait la situation très complexe.

Sébastien Barbe

Quels que soient les doutes, nous ne saurons jamais avec certitude si les QE sont un outil efficace ou pas. Mais si le monde retombe en récession – ce que je n’anticipe pas dans l’immédiat –, il sera plus difficile et plus long d’en sortir. Les politiques budgétaires ont atteint leurs limites et les politiques monétaires aussi en partie. Dans un tel contexte, l’impact sur les bénéfices par action des entreprises serait très important. Désormais, chaque fois qu’il y aura des doutes sur la croissance, la prime de risque remontera rapidement.

Florence Barjou

Le débat sur la récession, ou tout du moins l’essoufflement de la croissance, est important même s’il n’est pas d’actualité dans la zone euro, car nous sommes dans un contexte de reprise cyclique. Cependant, les Etats-Unis, eux, sont en phase de croissance depuis 2009 : c’est une phase de croissance très longue comparée aux moyennes historiques. Il est donc justifié de se demander si cette économie est proche de son point haut. De ce côté, l’absence de signes de surchauffe est plutôt rassurante. Ce cycle est donc atypique car, s’il est très long, la croissance a aussi été très modeste. Or, une récession est toujours précédée de signaux de surchauffe.

Christian Mariais

Ce cycle économique ne ressemble en rien à ce que nous avons connu par le passé. Nous ne sommes pas dans un schéma classique de surchauffe prérécession avec une hausse des taux, des prix des matières premières, des marchés au plus haut… Doit-on raisonner comme le passé : «en l’absence d’excès, il n’y a pas de risque» ? Ou bien doit-on se méfier car la situation est inédite ? Les Etats-Unis sont dans une situation difficile car la zone euro et la Chine n’ont pas la capacité de venir en relais de leur croissance. Quant à l’Europe, elle n’a jamais montré dans l’histoire que, pendant les périodes de décalage conjoncturel, elle était capable de soutenir la croissance mondiale.

Comment définissez-vous cette notion de gestion flexible qui recouvre un large éventail de fonds assez différents les uns des autres, avec des performances contrastées ?

Christian Mariais

La gestion flexible est une classe d’actifs très hétérogène. Au départ, cette notion s’appliquait surtout aux gérants de conviction, qui avaient carte blanche. Puis il y a eu des fonds flexibles qui sont surtout des fonds ayant des contraintes plus ou moins importantes de répartition entre les taux et les actions. Enfin, il existe toute une gamme de fonds patrimoniaux ou de performance absolue dont les objectifs sont différents de ceux de la gestion flexible. Un bon fonds, quel qu’il soit, est celui qui répond aux objectifs annoncés à son souscripteur.

Louis Abreu

Il y a effectivement beaucoup de catégories, parmi lesquelles les fonds profilés avec un objectif patrimonial dont l’exposition maximale aux actions varie selon qu’ils sont prudents ou dynamiques. D’autres fonds sont flexibles (0 -100 %) sur toutes les classes d’actifs ou sur une classe d’actifs uniquement. Jusqu’à présent, la plupart des fonds dits «patrimoniaux» ont réalisé une forte partie de leur performance grâce à la poche obligataire. Aujourd’hui, cette poche obligataire n’est plus un amortisseur. Les investisseurs vont donc devoir prendre plus de risques pour obtenir une performance significative.

Christian Mariais

Le succès des fonds flexibles est lié à l’aversion au risque d’un certain nombre d’investisseurs. Dans le contexte actuel de taux bas, ils sont contraints de prendre plus de risque pour avoir du rendement. Ils recherchent une rentabilité supérieure à celle des taux mais sans investir dans des fonds qui prennent beaucoup de risques.

Florence Barjou

Une des caractéristiques communes à tous ces fonds est la recherche d’asymétrie dans les performances. Ce qui est essentiel, c’est de participer plus à la hausse que ce qui est rendu à la baisse.

Christian Mariais

C’est sans compter sur la volatilité. Certaines études montrent que ces fonds sont souvent souscrits dans les périodes de hausse.

Florence Barjou

Ce qui intéresse les clients dans la gestion flexible, c’est qu’il s’agit d’une vraie délégation de gestion. Le gérant effectue les arbitrages entre classes d’actifs et gère le risque du portefeuille, tout en essayant de dégager un profil de rendement asymétrique. C’est sans doute ce qui explique son succès dans les périodes de marché difficiles.

Frank Trividic

Il me semble que le contexte est toujours favorable à la gestion flexible. Celle-ci doit être en mesure de performer dans les environnements calmes, tout en limitant l’impact des périodes moins favorables et en tirant profit de ces phases troublées pour construire le cycle suivant. Il s’agit d’une gestion tout-terrain. Alors, bien sûr, les doutes actuels sur la pérennité de la hausse des marchés d’actions permettent de remettre l’accent sur des gestions plus dynamiques, mais il me semble que son intérêt est plus structurel que conjoncturel. En ce qui concerne la nature des gestions flexibles, je pense que la grande diversité des offres de fonds est intéressante. En effet, chez Seeyond, nous estimons qu’il y a plus de valeur dans la diversification des stratégies que dans celle, toute relative, des marchés. Ainsi, malgré des perspectives moins favorables sur les marchés obligataires, travailler sur un univers élargi (actions, obligations, devises) permet de mettre en œuvre une gestion plus riche et, in fine, plus robuste.

Louis Bert

Chez Dorval, nous souhaitons proposer à nos clients des fonds flexibles capables de traverser les crises. Nous recherchons donc de l’asymétrie à travers des produits qui sont tous des 0-100 % et la maîtrise de la volatilité. L’objectif est de faire gagner de l’argent aux clients sur le long terme. La gestion flexible permet d’offrir une gestion du risque pilotée par des professionnels dans un univers complexe. On parle de gestion du risque quand on s’adresse aux investisseurs institutionnels et de gestion patrimoniale pour les particuliers.

Les mini-krachs offrent l’opportunité à des fonds flexibles de saisir la balle au bond et d’améliorer la performance, mais l’objectif premier est de protéger l’épargne dans les effondrements de marchés. Dans un fonds flexible, le gérant doit être capable de couper les positions. Si on arrive à faire une bonne sélection de fonds flexibles pour le compte d’un client particulier, cela lui permet de traverser les crises de façon plus sereine.

Frank Trividic

Oui, très clairement ! Mais cela demande un travail approfondi d’analyse et de compréhension des stratégies d’investissement mises en œuvre. Et il faut également s’assurer que la flexibilité promise est réelle. A ce titre, notre historique de performance de plus de dix ans nous permet, chez Seeyond, de montrer notre capacité à générer de la valeur sur la durée sans se laisser embarquer dans les environnements défavorables. Par ailleurs, certaines stratégies sont confrontées aujourd’hui à une grosse problématique de taille et de liquidité de leurs investissements. Il est fort probable que certains acteurs, se disant «flexibles», soient en fait dans l’incapacité de mettre en œuvre cette flexibilité en cas de retournement significatif et durable des marchés. De notre côté, le fait de nous positionner essentiellement sur des marchés et des instruments très liquides nous permet de nous prémunir contre ce risque.

Christian Mariais

Nous gérons tous des produits flexibles avec de l’asymétrie et du contrôle de risque ou de la volatilité. Cependant, certains fonds gérés en carte blanche peuvent connaître des écarts de performance très importants, tandis que d’autres ont une approche plus patrimoniale.

Tarek Issaoui

Cette classe d’actifs est forcément hétérogène, car elle confère une grande liberté au gérant. Notre gestion est flexible car elle ne nous lie pas à un benchmark. Par ailleurs, il faut en finir avec cette confusion entre performance absolue et gestion flexible. Un fonds de performance absolue doit être capable de dégager une performance positive quelle que soit la configuration de marché, y compris quand toutes les classes d’actifs baissent. Un fonds flexible est un fonds participatif qui ne promet pas une performance dans les baisses de marchés, mais vise une asymétrie.

En 2015, pour la première fois depuis cinq ans, la moyenne des fonds flexibles multi-actifs va probablement être en perte. L’essor de ces fonds étant récent, ce serait la première année de déception pour les clients, notamment ceux qui ont confondu gestion flexible et performance absolue. Ils risquent de faire le procès des fonds flexibles, alors que c’est l’asymétrie de ces fonds qui doit être jugée.

Sébastien Barbe

Pour ma part, je considère qu’il y a trois sortes de fonds flexibles : les fonds flexibles obligataires – une classe d’actifs sur laquelle nous n’avons pas d’autre choix que d’être flexible compte tenu du niveau actuel des taux –, les fonds flexibles patrimoniaux avec une volatilité moyenne sur lesquels porte essentiellement la collecte et, enfin, il y a les fonds flexibles à volatilité élevée. Ces deniers sont sans doute ceux qui réalisent les meilleures performances sur le long terme, mais avec des secousses importantes.

La gestion flexible présente trois avantages : une allocation d’actifs gérée par un professionnel, la possibilité de saisir des opportunités dans les baisses de marché et de se libérer du diktat d’un benchmark. Mais aussi un inconvénient peu expliqué, en particulier sur les fonds flexibles dits «patrimoniaux» : la dictature de la volatilité. Ces fonds promettent de protéger à la baisse. Quelle que soit la méthode employée, lutter contre la volatilité coûte cher : cela revient à acheter des primes d’assurance, à vendre quand les marchés ont baissé, à rater des opportunités si le budget de risque est consommé. C’est ce qui peut expliquer la déception évoquée des investisseurs. C’est comme pour un produit structuré : les coûts d’opportunité sont élevés.

Je me livre régulièrement à un exercice intéressant : comparer divers fonds flexibles très connus à l’indice convertibles Exane, pourtant toujours critiqué dans sa composition. Sur cinq ans, la performance est similaire. Cela ne signifie pas que la gestion flexible n’a pas de sens, mais cela donne une idée du vrai prix de l’assurance qu’elle propose : c’est le prix qu’on a dans les convertibles !

Louis Bert

En référence aux convertibles, nous travaillons beaucoup la convexité lors de la construction des portefeuilles. La comparaison avec les convertibles est donc intéressante. Cependant, la question des taux se pose aujourd’hui. Je pense qu’il y aura effectivement des déceptions sur certains fonds flexibles trop exposés aux taux, car la protection ne sera plus assurée. Cette réflexion vaut également pour les convertibles. Les gérants flexibles vont sans doute plus utiliser l’arme du timing sur les actions ou le stock picking que chercher à se protéger avec des taux amortissant progressivement les chocs. Gérer la remontée des taux constituera le principal défi auquel vont être confrontés les gérants flexibles dans les trois ou cinq prochaines années.

Tarek Issaoui

Certains clients se focalisent sur les pertes maximales en cours de route, alors que d’autres ont une vision de plus long terme. Le contrôle de volatilité conduit à vendre lorsque les marchés baissent, mais nous savons tous que le stress des marchés s’inscrit en général dans la durée. En étant disciplinés et assez réactifs, nous pouvons effectivement essayer de limiter les pertes maximales.

Louis Bert

L’offre de fonds flexibles est très large : des plus offensifs à des produits patrimoniaux défensifs dans lesquels est investie une grande partie de la clientèle. Certains clients souhaitent cependant panacher avec des fonds plus offensifs capables de dégager plus de performance.

Florence Barjou

Je ne suis pas choquée que certains fonds soient gérés en tenant compte du régime de volatilité sur les marchés. Chez Lyxor, la gestion des risques est d’ailleurs partie intégrante du processus d’investissement. Lorsque les marchés baissent, les clients s’attendent à ce que nous protégions leur capital. Bien sûr, cela peut parfois coûter un peu d’argent. Mais le fonctionnement est similaire à celui d’une prime d’assurance, qui protégerait notamment contre un risque extrême.

Tarek Issaoui

Ce n’est pas la performance qui est remise en cause, mais la façon dont la plupart de ces fonds sont analysés.

Sébastien Barbe

Le terme «prime d’assurance» convient parfaitement. Cette prime est sans doute plus chère qu’on ne le croit et, comme le client n’a pas l’impression de la payer, il peut être déçu !

Louis Abreu

Tout ce débat confirme bien l’importance de diversifier les sources et les stratégies de gestion flexible adaptées à l’environnement. Dans nos fonds, nous avons d’abord une vision moyen/long terme pour définir nos positions, mais aujourd’hui, face à des marchés très volatils, nous y associons une vision très tactique.

Dans le contexte actuel, doit-on privilégier les fonds flexibles pour revenir sur les marchés actions ?

Florence Barjou

Nous préférons aujourd’hui les fonds flexibles diversifiés, car ils permettent d’arbitrer entre grandes classes d’actifs (actions, obligations, matières premières et crédit), tout en gérant la volatilité plus importante sur les classes d’actifs risquées. Ce qui nous semble essentiel, c’est de maintenir les propriétés de diversification au sein du portefeuille. Nous réfléchissons ainsi à de nouvelles classes d’actifs pouvant enrichir notre univers d’investissement, comme les obligations canadiennes ou australiennes, qui sont décorrélantes au regard du cycle des matières premières. Je pense aussi que les fonds flexibles vont de plus en plus s’orienter aujourd’hui vers des moteurs de performance absolue, car nous entrons dans un environnement de plus en plus tendu, dans lequel la directionnalité pure sera difficile à porter.

Tarek Issaoui

Achète-t-on le gérant ou les primes de risque liées à toutes ces classes d’actifs ? Historiquement, le client achetait des primes de risque mais, au fur et à mesure que ces primes se compressent, la pression sur les gérants s’accroît jusqu’à aller vers de la performance absolue. Les gérants de taux ont de plus en plus de pression alors qu’auparavant ils pouvaient faire reposer en partie leur processus d’investissement sur des coupons significatifs.

Frank Trividic

Depuis le temps qu’on nous prédit le grand soir obligataire ! S’il arrivait, le choc serait sans doute rude, mais il signifierait surtout que l’environnement économique serait plus favorable. Et la classe d’actifs retrouverait très rapidement de la valeur intrinsèque. Malheureusement, je pense que les rendements obligataires souverains vont continuer à évoluer autour des niveaux actuels pendant encore de nombreuses années, avec quelques chocs temporaires et limités, et des phases plus favorables. Si cet environnement constitue un véritable challenge pour les gestions traditionnelles, pouvoir gérer activement une exposition aux emprunts d’Etat devrait continuer à s’avérer utile. Mais, au-delà de ça, dans une situation où l’économie américaine s’essouffle, il est important de pouvoir compléter cet univers avec une gestion dynamique de la volatilité, qu’il faut désormais considérer comme un axe important dans les choix d’allocation.

Louis Bert

Nous avons observé deux types de comportement. Le premier concerne les clients qui sortent des fonds en euro et veulent revenir sur les actions sans en prendre le risque. C’est un comportement assez classique. Le deuxième comportement, plus inattendu, concerne des clients investis dans des fonds actions longs qui, face au regain de volatilité, ont préféré arbitrer pour se positionner sur des fonds flexibles avec un moteur de performance actions.

Christian Mariais

Dans notre fonds flexible patrimonial 0-100 %, nous sommes à l’écart des marchés de taux et investi dans les marchés actions avec un contrôle rigoureux du risque. Dans la construction du portefeuille, nous sommes sensibles à la liquidité et donc exposés à de grandes capitalisations boursières. Nous valorisons ensuite les marchés avec notre modèle de valorisation par actualisation des cash-flows. Le portefeuille est ensuite couvert avec des contrats de future en fonction des indications données par le modèle.

Louis Abreu

Nous constatons plus d’intérêt aujourd’hui pour les fonds flexibles sur les actions. Les investisseurs recherchent des fonds actions de plus en plus flexibles et sont très focalisés sur les drawdowns. Après la baisse du mois d’août, ils vont sans doute regarder de près tous ces fonds flexibles et s’interroger sur l’utilisation de cette flexibilité par les gérants.

Florence Barjou

Le client doit pouvoir accepter parfois certains drawdowns sur le court terme. L’épisode du mois d’août est un très bon exemple. Couper les positions sur les points les plus bas n’était pas forcément une bonne idée à horizon de six mois. Il faut aussi savoir faire confiance au gérant.

Christian Mariais

Effectivement, c’est un bon indicateur pour l’investisseur, pour évaluer le niveau de risque qui lui convient.

Louis Bert

Le comportement des fonds est important à analyser, mais il faut également tenir compte de l’objectif de durée du placement. Un investissement sur un fonds flexible doit être jugé sur trois ou cinq ans. L’enjeu est d’amener le client à comprendre qu’un produit flexible est un produit de fond de portefeuille.

Sébastien Barbe

Tout le monde est d’accord pour dire que les taux sont trop bas, ce qui complique le travail pour pleins d’investisseurs qui n’ont pas le choix. Par chance, il existe de nombreuses stratégies sur les taux, sur les pentes, le crédit, etc. Il y a aujourd’hui des opportunités sur le crédit et sur le high yield après la baisse prononcée en septembre.

Frank Trividic

La gestion flexible a besoin de périodes troublées pour montrer son intérêt, et la période actuelle l’est très clairement. Mais je suis aussi d’accord avec le fait qu’il faut analyser la gestion sur la durée. De nombreux fonds flexibles ont été lancés après 2008 et 2011. Contrairement à ceux qui ont déjà fait leurs preuves, ils n’ont pas eu à gérer des périodes réellement difficiles. Les prochains mois permettront sans doute de faire un peu le ménage dans une offre qui devient prolifique.

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Analyses

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