Trump ou le côté obscur de l’activisme politique
Relations internationales, économie, politique monétaire, Trump fait feu de tout bois pour montrer son impact. Cet activisme tous azimuts pourrait finir par inquiéter les milieux financiers.
Le politique peut-il encore « changer la vie » ? L’obsession du quarante-septième président semble être de répondre affirmativement à cette question. Et pour montrer cela, il n’hésite pas à utiliser tous les leviers à sa disposition.
D’abord dans les relations internationales. Cela a commencé par la guerre commerciale et l’utilisation des droits de douane à des fins plus larges que les équilibres économiques liés aux seuls échanges de marchandises.
Vis-à-vis du Canada et du Mexique, les passes d’armes autour des flux commerciaux très denses qui transitent via les frontières de ces deux voisins ont été tout de suite placés sous le double signe de la lutte contre les opioïdes et du contrôle des flux migratoires.
Envers la Chine, dès le début de son mandat, Trump a annoncé vouloir lutter contre l’implication supposée de Pékin dans la production du Fentanyl via une surtaxe de 10% sur les exportations vers les Etats-Unis.
Plus récemment, fin août, le Président américain a tourné ses feux tarifaires vers l’Inde, en montant les droits de douane pour ce pays à 50%, en l’accusant d’être une « usine de blanchiment d’argent russe » via ses achats de pétrole à prix cassés.
Enfin, c’est également en utilisant l’arme tarifaire qu’il compte faire pression sur le Brésil pour soutenir son allié de longue date Jair Bolsonaro, qui fait face à de multiples procès dans le pays, via là aussi un taux punitif de 50% sur les exportations.
L’activisme de Trump se tourne également vers l’économie, et pas uniquement par l’intermédiaire des droits de douane, dont l’objectif avoué est de générer un mouvement de relocalisation de l’appareil productif des grandes industries mondiales – automobile, chimie, métallurgie, semi-conducteurs – vers les Etats-Unis.
L’interventionnisme va plus loin avec la volonté affirmée de peser directement dans les décisions des entreprises, avec une approche qui n’est pas sans rappeler celle des autorités chinoises, imposant un représentant du parti communistes dans les comités de direction.
Bien sûr, l’ampleur et les moyens mis en œuvre demeurent bien moindres que ceux mis en place par Pékin mais l’esprit s’en approche dans trois exemples significatifs.
Le premier est le rachat de US Steel par son homologue japonais Nippon Steel. D’abord opposé à cette opération – tout comme Joe Biden, très réservé – pour des raisons de sécurité et de souveraineté, l’acier étant considéré comme stratégique, Trump a finalement donné son feu vert.
Mais, à côté des conditions « classiques » dans ce genre de cas – engagements sur l’emploi, le maintien des sites industriels existants et l’apport des investissements nécessaire – Le président a ajouté un élément très inhabituel au Etats-Unis et même sans précédent dans l’histoire : une « action de préférence » donnant un droit de regard et de veto sur les décisions stratégiques (y compris les nominations au conseil d’administration et le volume de production aux Etats-Unis), action attribuée personnellement à Donald Trump durant sa présidence, puis qui passera ensuite au Trésor et non à son successeur.
Le deuxième exemple a pour objet Nvidia, une société au carrefour du très sensible secteur des semi-conducteurs et de la course au développement des modèles et outils d’Intelligence artificielle. Et plus précisément de ses ventes en Chine
Après de multiples annonces restreignant les exportations des puces les plus sensibles, Trump a finalement décidé la mise en place d’une « redevance » équivalent à un pourcentage des ventes en Chine de la première capitalisation du marché américain. Une « dime » de la part des autorités fédérales qui, là aussi, serait une première dans l’histoire américaine
Le secteur des semi-conducteurs est bien au centre des attentions du Président. Trump a en effet annoncé le 22 août dernier, et c’est le troisième exemple de son activisme économique tous azimuts, prendre 10% du capital d’Intel en échange de subventions… et envisager d’étendre ce mécanisme à un autre acteur américain du secteur, Micron, voire à … TMSC en dépit de sa nationalité taiwanaise !
Enfin, cet activisme s’étend désormais ouvertement à la sphère monétaire. D’abord par la critique ouverte de son président, Jerome Powell, qualifié de « En retard » pour sa réticence à baisser les taux directeurs américains face aux incertitudes nées de la politique commerciale américaine.
Puis par les actions en justice, Trump faisant feu de tout bois pour pouvoir nommer de nouveau gouverneurs, censés être plus dociles, et permettant de faire basculer la majorité du comité de politique monétaire. Dernière cible en date, Lisa Cook, gouverneure nommée par Biden, spécialiste des questions de diversité, et accusée d’avoir, avant sa nomination, effectué une fausse déclaration afin d’obtenir un crédit immobilier.
Enfin, par l’anticipation dès le début du mois de septembre du processus de sélection du remplaçant de Jerome Powell, lequel ne doit pourtant quitter son poste que fin avril 2025. Trump voudrait saper l’autorité de l’actuel président de l’institution monétaire qu’il ne s’y prendrait pas autrement
Cette activité frénétique et la volonté assumée de casser les codes traditionnels de la Présidence, ont pour objectif de démontrer aux citoyens américains, et avant tout à son électorat, qu’il est à la manœuvre, imprimant sa marque coûte que coûte sur les événements.
Mais à force de ruptures et de volontarisme, le brouillard s’épaissit sur les perspectives de l’économie américaine et sur le dollar. Les dernières statistiques de l’emploi montrent l’arrêt de toute initiative en ce domaine. Au point de faire regretter le temps révolu du « laisser faire, laisser passer » ?
Wilfrid Galand est directeur stratégiste de Montpensier Finance
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