Nouvelle année de décollecte et encours en baisse : le marché français de la gestion collective n’en finit pas de manger son pain noir.
2013, une bonne année pour la gestion d’actifs ? En Europe sans aucun doute mais, encore une fois, le marché français a fait figure d’exception. Alors que l’année s’est achevée sur des performances positives pour la plupart des classes d’actifs, les actifs gérés par l’ensemble des fonds de droit français ont reculé de 17,2 milliards d’euros en 2013, pour rejoindre le niveau de 755,6 milliards d’euros sous gestion. Selon EuroPerformance-a Six Company, ce repli de 2,2 % porte à - 12 % le retard sur trois ans, soit une différence de près de 100 milliards d’euros, et à - 29 % son repli par rapport à son point haut atteint en 2007.L’année s’est caractérisée par une très forte baisse de 42,4 milliards d’euros des actifs de court terme, toujours soumis à un environnement historique de taux bas.
A l’inverse, la très bonne tenue des marchés actions n’aura pas suffi à déclencher un retour massif des investisseurs sur les actifs risqués. Cette dynamique de collecte en berne confirme le retard pris par le marché français au niveau européen, en particulier au regard du redémarrage très vif dont ont bénéficié certains marchés de fonds cette année.Pour la quatrième année consécutive, le marché de la gestion collective affiche une nouvelle décollecte – 56,8 milliards d’euros –, largement induite par les opérations menées sur les actifs de court terme.
Les fonds de trésorerie enregistrent une décollecte de 44,6 milliards d’euros, qui marque l’essoufflement d’une profonde tendance qui avait animé la classe d’actifs l’an passé : celle d’investisseurs privilégiant les rendements les plus élevés de la classe d’actifs au travers des fonds de longue maturité (six mois). Les demandes de rachats caractérisent la plupart des catégories de fonds obligations, à l’exception notable du compartiment haut;rendement dont la demande faiblit tout de même par rapport à 2012. Les investisseurs ont alloué plus de 1 milliard d’euros dans ces fonds dont les actifs affichent une progression annuelle de 30 % et rassemblent 6,8 milliards d’euros sous gestion en fin d’année.Après un retour avorté des flux acheteurs en début d’année, les opérations des investisseurs menées sur les fonds actions marquent, au second semestre, le rééquilibrage des allocations sur les actifs européens.
Les fonds de petites et moyennes capitalisations ainsi que la gestion active de valeurs européennes ont été privilégiés, contre des rachats sur les autres catégories géographiques. Néanmoins, les fonds actions enregistrent une décollecte de 3,3 milliards d’euros, plutôt limitée comparée à celle des deux dernières années, mais très décevante au regard des performances. Cette nouvelle décollecte porte à 31,7 milliards d’euros le total des sorties enregistrées depuis début 2011. Les fonds diversifiés n’ont pas non plus échappé à la tendance vendeuse. Les rachats de fonds à dominante actions et des fonds d’allocation mixte ont poursuivi sur leur rythme, tandis que les fonds à dominante taux enregistraient le retour significatif d’investisseurs pour plus de 1 milliard d’euros.
A contrario, l’ensemble des fonds de performance absolue affiche une collecte annuelle de + 401 millions d’euros en 2013, après d’importants rachats ces deux dernières années. EuroPerformance-a Six Company note que le paysage français de la gestion collective a enregistré en 2013 une évolution très nette de la structure de son encours. Ces changements sont principalement induits par les rachats de la gestion monétaire et l’effet marché positif des classes d’actifs risqués. Les fonds de trésorerie rassemblent désormais une part de 40 % des encours de gestion collective, contre une part de 43 % l’an passé et un pic de 51 % atteint en 2009.
La part des classes d’actifs risqués progresse mécaniquement avec, en particulier, un encours des fonds obligations représentant 11 % du marché, contre 10 % l’an passé, et un encours des fonds actions pesant désormais 25 % d marché. Contrairement aux investisseurs français, les investisseurs européens ont confirmé leur appétit pour les actifs risqués. Sur la lancée des 30 milliards d’euros reçus au dernier trimestre 2012, les fonds Ucits actions ont attiré 82 milliards d’euros de souscriptions au cours des onze premiers mois de l’année 2013. Selon les données de l’EFAMA, le retour des investisseurs sur la classe d’actifs a particulièrement profité aux fonds de droit luxembourgeois et irlandais, dont les collectes arrêtées en fin de troisième trimestre rassemblaient respectivement + 35 milliards d’euros et + 23,5 milliards d’euros.
Les fonds actions de droit britannique qui avaient déjà bénéficié de 15 milliards d’euros de flux en 2012, affichaient une demande de + 12,7 milliards d’euros. Le marché espagnol a également retrouvé une certaine vigueur (+ 5,4 milliards d’euros de souscriptions nettes). Dès lors, les rachats enregistrés par les fonds de droit français contrastent nettement avec les résultats de collecte de ces marchés, soulignant encore la frilosité de ses investisseurs.
Nouveaux fonds, nouvelles tendances
En 2013, les sociétés de gestion ont poursuivi leur politique de rationalisation des gammes de fonds. Selon EuroPerformance-a Six Company, 540 fonds ont été clôturés l’an dernier tandis que la dynamique de création continue de ralentir. Les fermetures concernent principalement les établissements bancaires qui ont opté soit pour des dissolutions de fonds soit pour des fusions/absorptions de fonds, cette solution ayant eu tendance à s’élargir à des opérations transfrontalières dans le cadre du passeport européen Ucits IV. La rationalisation des gammes de fonds est désormais moins marquée pour les filiales d’assurances et de mutuelle. EuroPerformance-a Six Company note que, bien qu’en perte de vitesse, les fonds récemment créés participent au rééquilibrage de l’offre du marché français, entre gestion traditionnelle et certains styles ou techniques de gestion parfois plus sophistiqués.
Ainsi, 58 % des fonds créés ont adopté un style de gestion autre que la gestion dite «traditionnelle». Afin de répondre aux exigences de rendement des investisseurs, les gestions à horizon et à échéance se sont développées ces dernières années sur les classes obligataires et monétaires. Quant aux fonds à formule, ils semblent avoir pris le relais des produits structurés et ont attiré 2,4 milliards d’euros de souscriptions nettes. Depuis 2008, les gestions flexibles et patrimoniales connaissent aussi un véritable essor. Près de 15 % des fonds récemment créés adoptent ce style de gestion. Enfin, les nouveaux fonds affichent plusieurs points communs, comme l’inclusion de critères et/ou d’un objectif de performance ou de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
CPR AM, champion de la collecte en 2013
Alors que l’année s’est soldée par une forte décollecte sur le marché français, EuroPerformance-a Six Company note que davantage de gestionnaires ont eu une collecte annuelle positive. De façon générale, les gestions active, quantitative, flexible et certaines techniques alternatives ont été plébiscitées. En 2013, l’allocation d’actifs a consacré les sociétés indépendantes plutôt spécialisées dans les marchés actions. La plupart d’entre elles ont enregistré des souscriptions leur permettant de renouer avec les collectes positives des années 2009-2010. Métropole Gestion (931 millions d’euros collectés), Financière de l’Echiquier (816 millions), Moneta AM (644 millions) et Fil Gestion (417 millions d’euros) ont attiré des flux significatifs, suivis par Sycomore (205 millions d’euros) et Montpensier Finance (166 millions d’euros).
La gestion quantitative de Tobam (681 millions d’euros collectés) et les techniques d’arbitrage et de long/short sur la classe actions des sociétés BDL Capital Management (277 millions d’euros collectés) et Syquant Capital (136 millions d’euros) ont été également plébiscitées. A l’inverse, Comgest pâtit du rééquilibrage des portefeuilles vers les actions européennes et enregistre près de 800 millions d’euros de décollecte. Les spécialistes Mandarine Gestion (- 180 millions d’euros) et Tocqueville Finance (- 129 millions) enregistrent également des rachats. EuroPerformance-a Six Company souligne également que les banques privées continuent d’afficher des résultats de collecte en phase avec les grandes tendances d’allocation.
Union Bancaire Gestion Institutionnelle affiche une collecte annuelle de 666 millions d’euros, essentiellement sur les obligations convertibles. Lazard Frères Gestion se distingue par une collecte de 869 millions d’euros sur ses fonds actions, tandis que les sorties du monétaire ramènent la collecte globale de l’enseigne à 455 millions d’euros. Enfin, parmi les généralistes, deux sociétés de gestion se distinguent : CPR Asset Management, qui réalise la plus forte collecte annuelle de la gestion collective en 2013 (2,9 milliards d’euros), et DNCA Finance, qui enregistre également une formidable collecte d’un peu plus de 1,1 milliard d’euros, presque intégralement dévolue à ses fonds d’allocations d’actifs.