Interview

Damien Buchet, Directeur des investissements Marchés obligataires émergents, chez Finisterre Capital : « 2022 : de nouveaux catalyseurs sur les marchés obligataires émergents »

Publié le 16 décembre 2021 à 9h00

Damien Buchet    Temps de lecture 6 minutes

A l’approche du terme de l’année, les classes d’actifs des marchés émergents auront connu un « millésime » 2021 en demi-teinte. Les investisseurs ont dû tour à tour redouter l’impact de la Covid-19 sur la croissance, autant que la montée des tensions inflationnistes pouvant entrainer une normalisation abrupte de la politique monétaire de la Fed, alors que le dollar US a continué de s’apprécier face à l’ensemble des devises. Ces contradictions ont conduit à d’importants débouclages techniques, ce qui a détérioré l’appétit général pour le risque et altéré les performances des marchés émergents.

La valorisation de la classe d’actifs est-elle attractive ?

Même si l’environnement global reste difficile à déchiffrer, nous avons une base beaucoup plus constructive pour aborder 2022. Ainsi, la trajectoire des marchés obligataires émergents pourrait évoluer favorablement à l’horizon des prochains mois, soutenue par une conjonction de catalyseurs. Premièrement, du fait de la correction et de la dépréciation observés cette année, la classe d’actifs s’avère mécaniquement bon marché et toujours relativement peu détenue après les sorties de fonds de 2020, notamment sur les obligations domestiques. En effet, les primes de risque se sont reconstituées à des niveaux intéressants comme l’illustrent les crédits souverains émergents libellés en dollars : leurs spreads sont proches de 370 points de base, dans la fourchette haute de la moyenne des quinze dernières années (oscillant entre 250 et 450 points de base). Ce coussin constitue un véritable potentiel de valeur relative comparé aux autres classes d’actifs, en particulier les crédits ou obligations à haut rendement US ou Euro, chèrement valorisés et fortement investis à l’échelle globale.

Quant aux obligations d’entreprises émergentes, même si leurs primes de risques sont plus resserrées, leurs fondamentaux demeurent de très bonne qualité ce qui devrait supporter une stabilité continue de ce marché. Pendant la crise sanitaire, nous n’avons pas observé de compression notable des EBITDA des entreprises, ni même d’envolée des leviers d’endettement, en particulier chez les champions nationaux qui émettent en devise forte.

Comment les banques centrales gèrent-elles le problème de l’infation ?

La réactivité et la crédibilité des banques centrales des pays émergents face au scénario inflationniste constituent un autre facteur de soutien. Dans ces économies, la principale cause des tensions inflationnistes est l’augmentation des prix des matières premières, notamment alimentaires. Pour juguler les anticipations inflationnistes, les banques centrales émergentes n’ont pas attendu pour annoncer des mesures de resserrement monétaire ou les mettre en œuvre.

On pourrait déjà entrevoir un pic de l’inflation émergente dès février-mars prochain, alors que la baisse sera plus lente aux États-Unis ou en Europe du fait des distorsions sur leur marché du travail.

A l’horizon février-mars 2022, les conditions pourraient alors devenir très favorables à une forte reprise de la dette et des devises locales, au moment où les banques centrales des pays émergents commenceront de nouveau à réfléchir a des baisses de taux, afin de protéger la croissance.

Le cas spécifique de la Chine reste une ombre au tableau pour de nombreux intervenants. Dans le cadre de son programme de « prospérité commune », le pouvoir chinois semble prêt à sacrifier une part de sa croissance économique pour atteindre son objectif de rééquilibrage des richesses et de reprise en main de secteurs clés de l’économie, tels l’immobilier, les technologies de l’information ou l’éducation privée. Si bien que la baisse de croissance du PIB devrait s’accentuer à court terme pour atteindre un seuil de 4% au cours du 1er trimestre 2022. C’est probablement à ce moment-là que, pour accompagner l’atterrissage de la croissance, la Banque de Chine se sentirait contrainte d’adopter une posture d’assouplissement monétaire. Qu’il s’agisse d’une communication à la tonalité accommodante ou d’une baisse de taux effective. Cela serait une autre source de soulagement pour les pays émergents.

Quels sont les moteurs de performance sources de convexité ?

Pour traduire ces perspectives en opportunités d’investissement, il est important d’aborder les marchés obligataires émergents selon une approche flexible et non contrainte, libre de tout référentiel indiciel. L’enjeu est de rechercher des sources de « convexité » via une allocation d’actifs dynamique : de ce point de vue, la combinaison de quatre moteurs de performance peut apporter rendement, décorrélation, et robustesse du portefeuille au cours du cycle.

Le premier d’entre eux est assez caractéristique des obligations émergentes : le rendement, qui via les coupons réinvestis, représente en moyenne 80% de la performance historique des indices de dette émergente, en devises locale ou en dollars. Ce moteur de cœur de portefeuille s’inscrit dans une détention longue des actifs (« buy & hold »), tout particulièrement d’obligations souveraines et d’entreprises. Le « beta timing », qui consiste à profiter de tendances de marché à plus court terme grâce a des actifs volatils et très sensibles au risque de marche, mais également très liquides, constitue une deuxième stratégie. Cette sensibilité au marché peut générer un surcroit de performance grâce à un effet « momentum » sur la valorisation de certains titres.

Troisième moteur, l’« alpha » : il s’agit d’identifier des sources de rendement les moins corrélées aux marchés, offrant ainsi un potentiel de valeur relative. C’est le cas de situations spéciales sur certains marchés frontières ou d’évènements sur des crédits d’entreprises.

Enfin, l’emploi d’une poche de cash et d’actifs émergents très peu risqués ou assimilés au monétaire est utile pour protéger le portefeuille lors des corrections de marche. Dans cette optique, le recours à des produits dérivés (futures, swaps de taux, indices de CDS) permet une gestion affutée de la duration et du risque de taux et de devises, dans un objectif d’amortissement des phases baissières.

En somme, une telle approche vise à cumuler les performances des différents moteurs, tout en préservant le portefeuille au gré des différents cycles de marché.

L'info asset en continu

Chargement en cours...

Analyses

Le blog de Stuart Rhodes gérant actions internationale ,  M&G Investments

Ignorez les dividendes à vos risques et périls…

Éclipsées par les valeurs de la « nouvelle économie » lors du dernier marché haussier, les sociétés…

Publié le 04/02/2025

Le blog de Nicolas Mougeot head of investment strategy & sustainability ,  Indosuez WM

L’IA, un nouveau moteur de croissance de la productivité ?

L’impact économique effectif de l’IA est encore difficile à mesurer, mais cette technologie aura des…

Publié le 24/01/2025

L'info financière en continu

Chargement en cours...

Chargement en cours...

Chargement…