Les fonds ISR ont décollecté depuis 2022 en raison de performances contrastées. L’intérêt pour l’investissement durable ne faiblit pourtant pas et le besoin de pédagogie reste important. La preuve : les formations dispensées par quelques sociétés de gestion font toujours le plein.
La dimension extra-financière s’est accélérée ces dernières années et, même si les CGP se sentent plus à l’aise sur le sujet, il n’est toujours pas simple pour eux de maîtriser tous les enjeux, de répondre aux questions de leurs clients et surtout de proposer des produits adaptés à leurs attentes. Les efforts à fournir en matière de pédagogie sont toujours importants, mais, alors que le développement de l’offre de produits ISR a été très rapide entre 2017 et 2022, durant cette période, peu de formations ont été mises à la disposition des CGP, la certification AMF Finance durable ne datant que de 2022 par exemple. Un trou dans la raquette qu’ont cherché à combler une poignée de sociétés de gestion. C’est ainsi qu’est née en 2017 la Candriam Academy. « Nous avons souhaité répondre à la demande de nombreux conseillers en proposant une première formation en ligne, gratuite, sur l’ISR. Une fois lancée, nous avons constaté que cela n’intéressait pas uniquement les CGP mais aussi de petits institutionnels, des banquiers privés, des asset managers, des étudiants et même des clients privés, ce qui a été une énorme surprise pour nous. Nous avons donc décidé de construire une communauté de gens intéressés par le sujet au travers d’une gestion dynamique de nos contenus », explique Laurent Sécheret, responsable marketing et communication chez Candriam.
Un an plus tard, c’est au tour de La Financière de l’Echiquier (LFDE) de lancer son Ecole de l’ISR et, plus récemment, l’Ecole du Climat. « Le concept a d’abord été testé en interne avant d’être plus globalement déployé pour les clients après avoir constaté un vrai défaut de connaissance de la part des CGP sur les sujets de l’ISR. Nous avons compris que si les conseillers n’en parlaient pas à leurs clients, c’est parce qu’ils ne maîtrisaient pas bien le sujet, qu’ils avaient éventuellement des a priori, ou tout simplement qu’ils redoutaient d’affronter des questions auxquelles ils allaient avoir des difficultés pour répondre. Nous avons estimé que nous avions un rôle à jouer dans l’appropriation des sujets de l’ISR par nos clients. Si les conseillers ne sont pas en capacité de vendre des produits responsables, nous aurons beau faire de notre mieux au niveau de la gestion, nous n’atteindrons pas pour autant notre objectif », indique Coline Pavot, responsable de la recherche Investissement Responsable.
«Nous avons construit une communauté de gens intéressés par le sujet au travers d’une gestion dynamique de nos contenus.»
Des contenus en constante évolution
Portée par l’Institut Candriam pour le Développement Durable, dont l’un des quatre piliers concerne la recherche et l’éducation, la Candriam Academy est financée par un pourcentage des frais de gestion prélevés sur tous les fonds durables de la gamme. Son développement est loin d’être anecdotique puisque la communauté rassemble 15 000 investisseurs établis dans 90 pays. « Nous avons créé de nouveaux modules, dans plusieurs langues, qui ont rencontré un certain succès. La version japonaise date de cette année et c’est notre 7e langue », précise Laurent Sécheret. A l’origine, la Candriam Academy comptait une première formation constituée de quatre modules qui s’est enrichie rapidement de quatre autres qui forment aujourd’hui un seul module d’introduction à l’investissement responsable. « A partir de 2021, des modules thématiques ont été proposés ; le premier, dédié à l’économie circulaire, a été complété par des séances sur le climat, l’analyse ESG, la durabilité souveraine et, en mars 2024, sur l’engagement. Un module sur la biodiversité devrait être finalisé en fin d’année. Le contenu de tous les modules est revu une fois par an en intégralité et actualisé avec des études récentes. C’est un travail considérable, mais le jeu en vaut la chandelle ». En plus de ces modules, Candriam a développé un cycle de webinaires, les ESG Talks (tous disponibles également sur la plateforme), dans lesquels sont abordés de nombreux sujets d’actualité : une master class explique, par exemple, ce qu’est la trajectoire net zéro et ce que signifie la neutralité carbone en termes d’investissement.
Depuis plusieurs mois, la collecte en berne sur les fonds ISR, les contre-performances et l’introduction des questionnaires de durabilité ont suscité de nombreuses interrogations chez les conseillers. « Face à cette situation, nous avons rapidement enrichi notre support de formation avec, par exemple, une slide permettant de comprendre ce qu’est la performance globale d’une entreprise, comment elle est évaluée et comment nous la mettons en perspective avec la performance boursière. Cela permet d’aborder les notions d’externalités négatives et d’intérêt d’investir dans une entreprise avec un bon profil ESG. Il est important que le CGP, au moment où il s’adresse à un client intéressé par l’ISR, explique qu’il est nécessaire de s’inscrire dans une perspective de long terme et de performance globale des entreprises – pas uniquement de performance boursière – et que, parfois, certains mouvements de marché ne seront pas favorables. Clairement, cette période est plutôt challenging pour eux et pour nous dans la formation », constate Coline Pavot.
Depuis 2018, LFDE a assuré 99 sessions – plusieurs sont prévues cette année – pour plus de 2300 personnes, dont un certain nombre de conseillers dans des réseaux de banques de détail partenaires. Le format a été déployé plus largement dans des universités, des écoles de commerce (SKEMA Business School, NEOMA Business School, Université de Poitiers, Institut Supérieur de l’Environnement…), partout où il y avait de la demande pour intervenir sur les sujets de finance durable. De son côté, la Candriam Academy, dont les formations bénéficient d’une certification dans de nombreux pays (France, Italie, Espagne, Autriche, Royaume-Uni, Dubaï…), conçoit également des sessions sur mesure pour certains distributeurs de Candriam. Le groupe envisage par ailleurs la possibilité de créer des contenus en partenariat avec des universités ou des instituts pour enrichir la plateforme.
Un focus sur l’immobilier
L’initiative de Candriam et de LFDE a fait des émules puisque, dans la foulée de l’ouverture du label ISR aux fonds immobiliers, a été lancée, fin 2021, l’ISR Academy by Perial AM. « Nous avons d’abord opté pour un format à distance, relativement long, qui s’articulait autour des enjeux de l’ISR et des raisons pour lesquelles nous travaillons sur des sujets tels que le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, l’impact que peut avoir le cadre bâti sur la santé, la démographie, etc. Nous avons complété le contenu avec la réglementation en matière de finance et d’immobilier durables, donc SFDR, la taxonomie, le décret tertiaire, la RE 2020, des sujets assez complexes qui s’imbriquent assez bien les uns avec les autres. Nous donnons des exemples concrets de ce que nous faisons sur notre gamme : les travaux réalisés, les témoignages des locataires expliquent pourquoi ils ont choisi des bâtiments bas carbone, certifiés sobres en énergie, etc., indique Anne-Claire Barberi, directrice RSE et Innovation du groupe PERIAL. En 2023, le format a évolué avec une session d’une demi-journée en présentiel, soit au siège du groupe, soit sur des sites emblématiques du patrimoine des fonds pour avoir plus de proximité avec les conseillers ».
A partir de septembre, pour la prochaine promotion, le groupe a réfléchi à un nouveau format avec quatre sessions, dont trois d’une heure en distanciel entre septembre et avril. « Nous partons du principe que les fondamentaux sont désormais acquis et nous allons travailler sur des exemples très concrets de ce que nous faisons dans nos fonds, sur le sujet de la biodiversité par exemple, mais aussi sur la façon de travailler des CGP, les réponses qu’ils apportent à leurs clients et les difficultés qu’ils rencontrent. Il y aura à la fois des sujets très illustrés et des temps d’échange entre eux ». Face à la crise que traverse le secteur immobilier, une question revient désormais régulièrement. Elle concerne l’intégration de la dimension extra-financière dans l’exercice de valorisation des actifs immobiliers. « Nous devons expliquer et démontrer qu’il existe d’autres indicateurs de performance à regarder, pas uniquement le rendement passé, mais aussi la notion de robustesse dans le temps, qui dépend beaucoup des travaux et des actions que nous allons mener sur des questions de performance énergétique ou de résilience climatique encadrées par la réglementation », conclut Anne-Claire Barberi. Autant de sujets qui serviront à alimenter le contenu des prochaines sessions de formation…